ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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verie. C'est qu'advenant lui - même, & prêchant
avant la main, cette sienne subjection, la contention
de son ame se soulageoit, sur ce qu'apportant
ce mal comme attendu, son obligation en amoindrissoit
& lui en penoit moins. Quand il a eu loi,
à son choix (sa pensée desbrouillée & desbandée,
son corps se trouvant en son Deu) de le faire lors
premierement tenter, saisir & surprendre à la connoissance
d'autrui, il s'est guéri tout net..... Ce
malheur n'est à craindre qu'aux entreprises où notre
ame se trouve outre mesure tendue de desir &
de respect; & notamment où les commodités se
rencontrent impourvues & pressantes. On n'a pas
moyen de se ravoir de ce trouble. J'en sais à qui
il a servi d'apporter le corps même, demi rassasié
d'ailleurs, pour endormir l'ardeur de cette fureur,
& qui par l'aage se trouve moins impuissant
de ce qu'il est moins puissant: & tel autre à qui il
a servi aussi qu'un ami l'ait asseuré d'être fourni
d'une contre - batterie d'enchantements certains à
le préserver. Il vaut mieux que je die comment ce
fut ».
« Un comte de très - bon lieu, de qui j'étois fort
privé, se mariant avec une belle dame qui avoit
été poursuivie de tel qui assistoit à la fete, mettoit
en grande peine ses amis, & nommément une
vieille dame sa parente qui présidoit à ces nopces,
& les faisoit chez elle, craintive de ces sorcelleries,
ce qu'elle me fit entendre. Je la priai s'en reposer
sur moi; j'avois de fortune en mes coffres
certaine petite piece d'or plate, où étoient gravées
quelques figures célestes contre le coup de soleil,
& pour ôter la douleur de tête la logeant à point
sur la cousture du test; & pour l'y tenir, elle étoit
cousue à un ruban propre à rattacher sous le menton: rêverie germaine à celle dont nous parlons....
J'advisai d'en tirer quelque usage, & dis au comte
qu'il pourroit courre fortune comme les autres, y
ayant là des hommes pour lui en vouloir prêter
une; mais que hardiment il s'allast coucher. Que
je lui ferois un tour d'ami, & n'épargnerois à son
besoin un miracle qui étoit en ma puissance: pourveu
que sur son honneur, il me promist de le tenir
très - fidelement secret. Seulement comme sur la
nuit on iroit lui porter le réveillon, s'il lui étoit
mal allé, il me fist un tel signe. Il avoit eu l'ame
& les oreilles si battues, qu'il se trouva lié du trouble
de son imagination, & me fit son signe à l'heure
susdite. Je lui dis à l'oreille qu'il se levât sous couleur
de nous chasser, & prinst en se jouant la robe
de nuit que j'avois sur moi (nous étions de taille
fort voisine) & s'en vestit tant qu'il auroit exécuté
mon ordonnance qui fut, quand nous serions sortis,
qu'il se retirât à tomber de l'eau, dist trois fois
telles paroles & fist tels mouvemens. Qu'à chacune
de ces trois fois, il ceignist le ruban que je
lui mettois en main, & couchast bien soigneusement
la médaille qui y étoit attachée sur ses roignons,
la figure en telle posture. Cela fait, ayant
à la derniere fois bien estreint ce ruban, pour qu'il
ne se peust ni desnouer, ni mouvoir de sa place,
qu'en toute assurance, il s'en retournast à son prix
faict, & n'oubliast de rejetter ma robe sur son lit,
en maniere qu'elle les abriast tous deux. Ces singeries
sont le principal de l'effet: notre pensée ne
se pouvant démesler, que moyens si étranges ne
viennent de quelqu'abstruse science. Leur inaité
leur donne poids & révérence. Somme, il fut certain
que mes caracteres se trouverent plus vénériens
que solaires, & plus en action qu'en prohibition.
Ce fut une humeur prompte & curieuse qui
me convia à tel effet, éloigné de ma nature, &c».
Essais de Montaigne, liv. I. chap. xx. édit. de M. Coste,
pag. 81. & suiv.
Voilà un homme lié du trouble de son imagination,
& guéri par un tour d'imagination. Tous les raisonnemens
de Montaigne & les faits dont il les appuie
se réduisent donc à prouver que la ligature n'est quelquefois
qu'un effet de l'imagination blessée; & c'est
ce que personne ne conteste: mais qu'il n'y entre jamais
du maléfice, c'est ce qu'on ne pourroit en conclure
qu'en péchant contre cette regle fondamentale
du raisonnement, que quelques faits particuliers ne
concluent rien pour le général, parce qu'il est en ce
genre des faits dont on ne peut rendre raison par le
pouvoir de l'imagination, tel qu'est l'impuissance à l'égard
de toutes personnes, à l'exclusion de celle qui a
fait la ligature pour jouir seule de son amant ou de son
mari, & celle qui survient tout - à - coup la premiere
nuit d'un mariage à un homme qui a donné auparavant
toutes les preuves imaginables de virilité, surtout
quand cette impuissance est ou durable ou perpétuelle.
Ligature
Ligature, terme de Chirurgie, fascia, bande de
drap écarlate, coupée à droit fil suivant la longueur
de sa chaîne, large d'un travers de pouce ou environ,
longue d'une aune, qui sert à serrer suffisamment
le bras, la jambe ou le col pour faciliter l'opération
de la saignée.
La ligature, en comprimant les vaisseaux, interrompt
le cours du sang, fait gonfler les veines qu'on
veut ouvrir, les assujettit & les rend plus sensibles
à la vue & au toucher.
La maniere d'appliquer la ligature pour les saignées
du bras ou du pié, est de la prendre par le milieu
avec les deux mains, de façon que le côté intérieur
soit sur les quatre doigts de chaque main, & que les
pouces soient appuyés sur le supérieur. On pose ensuite
la ligature environ quatre travers de doigt au - dessus
de l'endroit où l'on se propose d'ouvrir la veine;
puis glissant les deux chefs de la ligature à la
partie opposée, on les croise en passant le chef inteme
du côté externe, & ainsi de l'autre, afin de les
conduire tous deux à la partie extérieure du bras où
on les arrête par un noeud en boucle.
Cette méthode de mettre la ligature, quoique pratiquée
presque généralement, est sujette à deux défauts
assez considérables; le premier, c'est qu'en
croisant les deux chefs de la ligature sous le bras, on
les fronce de maniere qu'on ne serre point uniment;
le second, c'est qu'en fronçant ainsi la ligature on
pince le malade. Les personnes sensibles & délicates
souffrent souvent plus de la ligature que de la saignée.
Il est très - facile de remédier à ces inconvéniens;
on conduira les deux chefs de la ligature en
ligne droite, & au lieu de les croiser à la partie opposée
de l'endroit où l'on doit saigner, on fera un
renversé avec l'un des chefs, qui par ce moyen sera
conduit fort également sur le premier tour, jusqu'à
la partie extérieure du membre où il sera arrêté avec
l'autre chef par un noeud coulant en forme de boucle.
Les chirurgiens phlébotomistes trouvent que dans
la saignée du pié, lorsque les vaisseaux sont petits,
on parvient plus facilement à les faire gonfler en
mettant la ligature au - dessous du genou sur le gras de
la jambe. Cette ligature n'empêcheroit pas qu'on
n'en fît une seconde près du lieu où l'on doit piquer
pour assujettir les vaisseaux roulans. Dans cette même
circonstance, on se trouve très - bien dans les saignées
du bras de mettre une seconde ligature au - dessous de l'endroit où l'on saignera.
Pour saigner la veine jugulaire, on met vers les
clavicules sur la veine qu'on doit ouvrir une compresse
épaisse: on fait ensuite avec une ligature ordinaire,
mais étroite, deux circulaires autour du
col, de sorte qu'elle contienne la compresse: on la
serre un peu & on la noue par la nuque par deux
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