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Quoiqu'il y ait beaucoup de superstition & encore plus d'ignorance parmi les Guebres, les voyageurs sont assez d'accord pour nous en donner une idée qui nous intéresse à leur sort. Pauvres & simples dans leurs habits, doux & humbles dans leurs manieres, tolérans, charitables, & laborieux; ils n'ont point de mendians parmi eux, mais ils sont tous artisans, ouvriers, & grands agriculteurs. Il semble même qu'un des dogmes de leur ancienne religion ait été que l'homme est sur la terre pour la cultiver & pour l'embellir, ainsi que pour la peupler. Car ils estiment que l'agriculture est non - seulement une profession belle & innocente, mais noble dans la société, & méritoire devant Dieu. C'est le prier, disent - ils, que de labourer; & leur créance met au nombre des actions vertueuses de planter un arbre, de défricher un champ, & d'engendrer des enfans. Par une suite de ces principes, si antiques qu'ils sont presque oubliés par - tout ailleurs, ils ne mangent point le boeuf, parce qu'il sert au labourage, ni la vache qui leur donne du lait; ils épargnent de même le coq animal domestique, qui les avertit du lever du Soleil; & ils estiment particulierement le chien qui veille aux troupeaux, & qui garde la maison. Ils se font aussi un religieux devoir de tuer les insectes & tous les animaux malfaisans; & c'est par l'exercice de ce dernier précepte, qu'ils croyent expier leurs péchés; pénitence singuliere, mais utile. Avec une morale pratique de cette rare espece, les Guebres ne sont nulle part des hôtes incommodes; on reconnoît par - tout leurs habitations au coup - d'oeil, tandis que leur ancienne patrie, dont l'histoire nous a vanté la fertilité, n'est plus qu'un desert & qu'une terre inculte sous la loi de Mahomet; qui joint la contemplation au despotisme.
Ils sont prévenans envers les étrangers de quelque nation qu'ils soient; ils ne parlent point devant eux de leur religion, mais ils ne condamnent personne, leur maxime étant de bien vivre avec tout le monde, & de n'offenser qui que ce soit. Ils haïssent en général tous les conquérans; ils méprisent & détestent singulierement Alexandre, comme un des plus grands ennemis qu'ait eus le genre humain. Quoiqu'ils ayent lieu de haïr particulierement les Mahométans, ils se sont toûjours reposés sur la providence du soin de punir ces cruels usurpateurs; & ils se consolent par une très - ancienne tradition dont ils entretiennent leurs enfans, que leur religion reprendra un jour le dessus, & qu'elle sera professée de tous les peuples du monde: à cet article de leur croyance, ils joignent aussi cette attente vague & indéterminée, qu'on retrouve chez tant d'autres peuples, de personnages illustres & fameux qui doi<cb->
Une discipline sévere & des moeurs sages regnent dans l'intérieur de leurs maisons; ils n'épousent que des femmes de leur religion & de leur nation; ils ne souffrent point la bigamie ni le divorce; mais en cas de stérilité, il leur est permis de prendre une seconde femme au bout de neuf années, en gardant cependant la premiere. Par - tout où ils sont tolérés, ils reçoivent le joug du prince, & vivent entre eux sous la conduite de leurs anciens qui leur servent de magistrats.
Ils ont aussi des prêtres, qui se disent issus des anciens mages, & qui dépendent d'un souverain pontife, & que les Guebres appellent destour, destouran, la regle des regles ou la loi des lois. Ces prêtres n'ont aucun habit particulier, & leur ignorance les distingue à peine du peuple. Ce sont eux qui ont le soin du feu sacré, qui imposent les pénitences, qui donnent des absolutions, & qui pour de l'argent distribuent chaque mois dans les maisons le feu sacré, & l'urine de vache qui sert aux purifications.
Ils prétendent posséder encore les livres que Zoroastre a reçus du ciel; mais ils ne peuvent plus les lire, ils n'en ont que des commentaires qui sont eux - mêmes très anciens. Ces livres contiennent des révélations sur ce qui doit arriver jusqu'à la fin des tems, des traites d'Astrologie & de divination. Du reste leurs traditions sur leurs prophetes & sur tout ce qui concerne l'origine de leur culte, ne forment qu'un tissu mal assorti de fables merveilleuses & de graves puérilités. Il en est à cet égard de la religion des Guebre; comme de toutes les autres religions d'Asie; la morale en est toûjours bonne, mais l'historique, ou pour mieux dire le roman, n'en vaut jamais rien. Ces histoires, il est vrai, devroient être fort indifférentes pour le culte en général; mais le mal est que les hommes n'ont fait que trop consister l'essentiel de la religion dans un nom. Si les nations asiatiques vouloient cependant s'entendre entre elles, & oublier ces noms divers de Confucius, de Brahma, de Zoroastre, & de Mahomet, il arriveroit qu'elles n'auroient presque toutes qu'une même créance, & qu'elles seroient par - là d'autant plus proches de la véritable.
Plusieurs savans ont crûr reconnoître dans les fables que les Guebres débitent de Zoroastre, quelques traits de ressemblance avec Cham, Abraham & Moyse; on pourroit ajoûter aussi avec Osiris, Minos, & Romulas: mais il y a bien plus d'apparence que leurs fables sont tirées d'une formule générale que les anciens s'étoient faite pour écrire l'histoire de leurs grands hommes, en abusant des sombres vestiges de l'histoire ancienne de la nature.
Plus l'on remonte dans l'antiquité, & plus l'on
remarque que l'historique & l'appareil des premieres
religions ont été puisées dans de pareilles sources.
Toutes les fêtes des mages étoient appellées des mémoriaux (Selden, de diis Syris); & à en juger aujourd'hui par les usages de leurs descendans, on ne peut
guere douter que leur culte n'ait effectivement été
un reste des anciennes commémorations de la ruine
& du renouvellement du monde, qui a dû être un des
principaux objets de la Morale & de la religion sous
la loi de nature. Nous savons que sous la loi écrite &
sous la loi de grace, les fêtes ont successivement eu
pour motifs la célébration des évenemens qui ont
donné & produit ces lois: nous pouvons donc penser
que sous la loi de nature qui les a précédées, les fêtes
ont dû avoir & ont eu pour objet les grands evenemens
de l'histoire de la nature, entre lesquels il n'y
en a pas eu sans doute de plus grands & de plus
mémorables que les révolutions qui ont détruit se
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