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A l'égard des principes qu'on croit lui donner, quelle impression veut - on qu'ils fassent sur lui, quand tout contribue à les détruire? comment respecterat - il la religion, lorsqu'après lui en avoir enseigné les devoirs, on ne les lui fera pratiquer ni avec respect ni avec exactitude? comment craindra - t - il ses parens, quand ils ne lui feront pas reconnoître leur autorité, & qu'ils paroîtront lui rendre beaucoup plus qu'il ne leur rend? comment saura - t - il qu'il doit quelque chose à la société, quand il verra tout le monde s'occuper de lui, & qu'il ne sera occupé de personne?
Abandonné au déreglement de ses goûts & au desordre de ses idées, il s'élevera lui - même le plus doucement & le plus mal qu'il lui sera possible; le moindre penchant qu'il aura, il voudra le satisfaire; ce penchant deviendra fort par l'habitude; les habitudes se multiplieront; & de leur assemblage se formera dans l'enfant l'habitude générale de compter pour rien ce qu'on lui dit être la raison, & de n'écouter que son caprice & sa volonté.
Ainsi se passent les sept premieres années de sa vie; & ses défauts se sont tellement accrus, que les parens eux - mêmes ne peuvent plus se les dissimuler: l'enfant leur cede encore quand ils prennent un ton plus sérieux, parce qu'ils sont plus forts que lui; mais dèslors il se promet bien de ne reconnoître aucune autorité quand il sera plus grand: à l'égard de la gouvernante, elle n'a plus d'empire sur lui, il se moque d'elle, il la méprise; preuve évidente de la mauvaise éducation qu'il a reçûe.
Il passe entre les mains des hommes: c'est alors qu'on pense à réparer le mal qu'on a fait; on croit la chose fort aisée: on se flatte qu'avant trois mois l'enfant ne sera pas reconnoissable; on est dans l'erreur. Avec beaucoup de peine on pourra, jusqu'à un certain point, retrancher la superficie de ses mauvaises habitudes: mais les racines resteront; fortifiées par le tems, elles se sont, pour ainsi dire, identifiées avec l'ame; elles sont devenues ce qu'on appelle la nature.
Cette peinture n'a rien d'exagéré; relativement à beaucoup d'éducations, les traits en sont plûtôt affoiblis que chargés. Ainsi sont élevés, je ne dis pas les enfans des particuliers, dont la mauvaise éducation est bien moins dangereuse pour eux & moins importante pour la société, mais les enfans des grands & des riches, c'est - à - dire ceux qui devroient être l'espérance de la nation, & qui par leur fortune & leur rang, influeront beaucoup un jour sur ses moeurs & sur sa destinée.
On s'imagine qu'il ne faut point contraindre les enfans dans leurs premieres années; on ne fait pas attention que les contradictions qu'on leur épargne ne sont rien, que celles qu'on leur prépare seront ter<cb->
On craindroit en gênant un enfant, de troubler son bonheur & d'alterer sa sante: il est cependant manifeste que celui qui est élevé dans la sounussion est, pour le present même, mille fois plus heureux que l'enfant le plus gâté. Qu'on examine & qu'on juge; on verra l'enfant bien éleve être gai, coment, & tranquille; tout sera plaisir pour lui, parce qu'on lui fait tout acheter: l'autre, au contraire, est inquiet, inegal & colere à proportion qu'il a été plus gâté; ses desirs se détruisent l'un l'autre; la plus petite contradiction l'irrite; rien ne l'amuse, parce qu'il est rassasie sur tout.
Croit - on que ces mouvemens violens dont il est sans cesse agite ne puissent pas influer sur son tempérament? croit - on que l'inquiétude de son esprit & le desordre de ses idées ne soient pas capables d'altérer les fibres délicates de son cerveau? Qu'on y prenne garde, il n'y a guere d'enfans gâtés qui dans leurs premieres années n'ayent eu des symptomes de vertige; & lorsqu'ils sont devenus grands, on peut juger par leur conduite si leur tête est bien saine.
Parens aveugles, vous vous trompez grossierement sur les objets que vous vous proposez; vous n'êtes pas moins dans l'erreur sur vos propres motifs; vous vous croyez tendres, vous n'êtes que foibles: ce ne sont pas vos enfans que vous aimez, c'est l'amusement qu'ils vous donnent.
Croyez - vous que le ciel vous les consie pour être l'objet d'une passion folle, ou pour vous servir d'amusement? ignorez - vous que c'est un dépôt dont vous lui rendrez compte? que vous en êtes comptables à la république, à la postérité? pourquoi faut - il vous dire que vous l'êtes à vous - mêmes? Un jour viendra que vous payerez bien cher les foibles plaisirs que leur enfance vous donne: quelle sera votre douleur, quand vous verrez l'objet de toutes vos affections devenu celui du mépris public? quand son mépris pour vous - mêmes deviendra le salaire de vos molles complaisances? quand ce fils rendu dénaturé par l'exces de vos tendresses, sera le premier à vous reprocher tous ses vices comme étant votre ouvrage? alors vous répandrez des larmes de sang; vous accuserez la gouvernante, le précepteur, le gouverneur, tout l'univers. Parens injustes, vous n'aurez peut - être à vous plaindre que de vous!
Si c'étoit aux meres que j'adressasse ce discours, la plûpart me regarderoient comme un moraliste atrabilaire; c'est aux peres que je m'adresse: en leur qualité d'hommes, leur ame doit être moins foible & leurs vûes moins bornées; il ne leur est pas permis de se laisser séduire par l'objet présent, & de ne pas porter leurs yeux dans l'avenir.
Si vous êtes dignes de ce titre de pere, vous devez
vous occuper de l'education de vos enfans, même
avant qu'ils soient nés. Quoique peu de meres soient
capables de cette passion funeste qui va jusqu'a l'idolatrie,
toutes sont foibles, toutes sont capables d'aveuglement: si vous voulez contenir leurs sentimens
dans les bornes qu'ils doivent avoir, il faut vous y
prendre de bonne heure. Faites remarquer à votre
épouse la mauvaise education qu'on donne aux enfans
de sa connoissance, les déreglemens de presque
tous les jeunes gens d'un certain ordre, tous les chagrins
qu'ils donnent à leurs parens, & combien les
sentimens de la nature sont éteints dans leur coeur;
parlez - lui sur tout cela avec la tendresse que vous lui
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