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Ensuite à mesure qu'on étudie plus en détail les fontaines, on y observe plusieurs singularités très frappantes, tant dans leur écoulement que dans leurs eaux; & ces discussions sont par leurs objets aussi agréables qu'utiles. D'après ces considérations, nous croyons devoir nous attacher dans cet article à deux points de vûe intéressans sur les fontaines: leur origine & leurs singularités.
Les anciens, en parlant de l'origine des fontaines,
ne nous présentent rien de précis & de fondé; outre
qu'ils n'ont traité cette question qu'en passant, & sans
insister sur ses détails, ils ne paroissent s'être attachés
ni aux faits particuliers ni à leur concert; ces raisons
sont plus que suffisantes pour nous déterminer à
passer legerement sur leurs hypothèses. Quel fruit
peut - on retirer pour l'éclaircissement de la question
présente, en voyant Platon ou d'autres anciens philosophes
au nom desquels il parle, indiquer pour le
reservoir commun des fontaines & des sources, les
gouffres du Tartare, & faire remonter l'eau par cascades
de ce gouffre à la surface de la terre? Peut - être que des érudits trouveront dans ces réveries
populaires l'abysme que Woodward prétend faire
servir à la circulation des eaux souterraines. Nous
ne croirons pas au reste devoir revendiquer pour
notre siecle cette derniere hypothese comme plus appuyée
que l'ancienne. Quelles lumieres & quelles
ressources trouve - t - on dans le systeme embrassé par
Aristote & par Séneque le naturaliste? Ces philosophes
ont imaginé que l'aire se condensoit & se changeoit
en eau par la stagnation & l'humidité qu'il
éprouvoit dans les soûterrains. Ils se fondoient sur
ce principe, que tout se fait de tout; ainsi, selon eux
l'air se change en eau & l'eau en air par des transmutations,
au milieu desquelles la nature sait garder
une juste compensation qui entretient toûjours
l'équilibre entre les élémens. Ces transmutations livreroient
toute l'économie admirable de la nature à
une confusion & à une anarchie affreuse. L'eau considérée
sans mélange sera toûjours eau & inaltérable
dans ses élémens. Voyez
Saint Thomas & les Scholastiques de Conimbre tranchent plûtôt la question qu'ils ne la résolvent, en admettant ou l'ascendant des astres, ou la faculté attractive de la terre qui rassemble les eaux dans son sein par une force que la Providence lui a départie suivant ses vûes & ses desseins. Van - Helmont prétend que l'eau renfermée dans les entrailles de la terre n'est point assujettie aux regles de l'hydrostatique, mais qu'elle dépend alors uniquement de l'impression que lui communique cet esprit qui anime le monde soûterrain, & qui la met en mouvement dans les abysmes profonds qu'elle remplit. En conséquence de ces idées il met en jeu ce qu'il appelle la propriété vivifiante du sable pur, & la circulation animée qui en résulte des eaux de la mer visible dans une mer invisible, qu'il s'efforce de prouver par l'Ecriture. Cet abus n'est pas particulier à ce fameux medecin: plusieurs autres écrivains ont cru décider la question par des passages des livres sacrés qu'ils interprétoient selon leurs caprices, ou se sont servi de cette autorité respectable comme de preuve subsidiaire. On ne peut trop s'élever contre ce procédé religieux en apparence, mais qui aux yeux d'un physicien éclairé & chrétien, n'est que l'emploi indécent d'un langage sacré fait pour diriger notre croyance & notre conduite, & non pour appuyer des préjugés, des préventions, & des inductions imaginaires, en un mot des systèmes. Ces especes de théologies physiques dérogeant à la majesté de l'Ecriture & aux droits de la raison, ne laissent appercevoir qu'un mélange toûjours ridicule de faits divins & d'idées humaines.
L'érudition de Scaliger ne nous présente que des
discussions vagues sur ce que les autres ont pensé &
sur ce qu'il se croit en droit d'y ajoûter, mais ne nous
offre d'ailleurs aucun fait décisif. Cardan après avoir
examiné d'une vûe assez générale les deux principales
hypothèses qui étoient en honneur de son tems,
& avoir grossi les difficultés de chacune, finit par
les embrasser toutes les deux en assignant à l'une &
à l'autre ses opérations particulieres. Dans l'une on
attribuoit l'origine des fontaines uniquement aux
pluies; dans l'autre on prétendoit qu'elles n'empruntoient
leurs eaux que de la mer. Ces deux opinions
sont presque les seules qui ayent partagé les Physiciens dans tous les tems. Plusieurs écrivains depuis
Cardan ont adopté l'une des deux; mais la plûpart
se sont bornés à des moyens très - imparfaits. Tels
sont Lydiat, Davity, Gassendi, Duhamel, Schottus, & le pere François. On peut consulter sur ces
détails le traité de Perrault de l'origine des fontaines;
on y trouvera vingt - deux hypotheses, qui toutes se
rapportent aux deux principales dont nous venons
de parler. On ajoûtera aux auteurs qui y figurent,
Plot, dont l'ouvrage est une espece de déclamation
où l'on trouve beaucoup de crédulité, peu de raisons,
& encore moins de choix & de certitude dans
les faits. Cet anglois adopte les canaux soûterreins.
Bernard Palissy qui avoit plus vû & mieux vû que
tous ces savans, étoit si persuadé que les pluies formoient
les fontaines, & que l'organisation des premieres
couches de la terre étoit très - favorable à l'amas
des eaux, à leur circulation, & à leur émanation, qu'il publioit hautement être en état de les imiter.
Il auroit organisé un petit monticule suivant la
distribution des couches qu'il avoit remarquées à la
surface de la terre dans les lieux qui lui avoient offert
des sources. On verra par la suite que cette promesse
n'étoit point l'effet de ces charlatanismes dont
les Savans ne sont pas exempts, & que les ignorans
qui s'en plaignent & qui en sont les dupes, rendent
souvent nécessaires.
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