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Une autre raison qui prouve que les bêtes ne sont que des démons métamorphosés en elles, ce sont les maux excessifs auxquels la plûpart d'entr'elles sont exposées, & qu'elles souffrent réellement. Que les chevaux sont à plaindre, disons - nous, à la vûe d'un cheval qu'un impitoyable charretier accable de coups! qu'un chien qu'on dresse à la chasse est misérable! que le sort des bêtes qui vivent dans les bois est triste! Or si les bêtes ne sont pas des démons, qu'on m'explique quel crime elles ont commis pour naître sujettes à des maux si cruels? Cet excès de maux est dans tout autre système un mystere incompréhensible; au lieu que dans le sentiment du Pere Bougeant, rien de plus aisé à comprendre. Les esprits rebelles méritent un châtiment encore plus rigoureux: trop heureux que leur supplice soit différé; en un mot, la bonté de Dieu est justifiée; l'homme lui - même est justifié. Car quel droit auroit - il de donner la mort sans nécessité, & souvent par pur divertissement à des millions de bêtes, si Dieu ne l'avoit autorisé? & un Dieu bon & juste auroit - il pû donner ce droit à l'homme; puisqu'après tout, les bêtes sont aussi sensibles que nous - mêmes, à la dou<cb->
Mais écoutez, continue notre Philosophe, quelque chose de plus fort & de plus intérossant. Les bêtes sont naturellement vicieuses: les bêtes carnacieres & les oiseaux de proie sont cruels; beaucoup d'insectes de la même espece se dévorent les uns les autres; les chats sont perfides & ingrats; les singes sont malfaisans; les chiens sont envieux; toutes sont jalouses & vindicatives à l'excès, sans parler de beaucoup d'autres vices que nous leur connoissons. Il faut dire d> deux choses l'une: ou que Dieu a pris plaisir à former les bêtes aussi vicieuses qu'elles sont, & à nous donner dans elles des modeles de tout ce qu'il y a de plus honteux; ou qu'elles ont comme l'homme un péché d'origine qui a perverti leur premiere nature. La premiere de ces propositions fait une extrème peine à penser, & est formellement contraire à l'Ecrituresainte, qui dit que tout oe qui sortit des mains de Dieu à la création du monde, étoit bon & même fort bon. Or si les bêtes étoient telles alors qu'elles sont aujourd'hui, comment pourroit - on dire qu'elles fussent bonnes & fort bonnes? Où est le bien qu'un singe soit si malfaisant, qu'un chien soit si envieux, qu'un chat soit si perfide? Il faut donc recourir à la seconde proposition, & dire que la nature des bêtes a été comme celle de l'homme corrompue par quelque péché d'origine; autre supposition qui n'a aucun fondement, & qui choque également la raison & la religion. Quel parti prendre? admettez le système des démons changés en bêtes, tout est expliqué. Les ames des bêtes sont des esprits rébelles qui se sont rendu coupables envers Dieu. Ce péché dans les bêtes n'est point un péché d'origine, c'est un péché personnel qui a corrompu & perverti leur nature dans toute sa substance: de là tous les vices que nous leur connoissons.
Vous êtes peut - être inquiet de savoir quelle est la destinée des démons après la mort des bêtes. Rien de plus aisé que d'y satisfaire. Pythagore enseignoit autrefois, qu'au moment de notre mort nos ames passent dans un corps soit d'homme, soit de bête, pour recommencer une nouvelle vie, & toûjours ainsi successivement jusqu'à la fin des siecles. Ce système qui est insoûtenable par rapport aux hommes, & qui est d'ailleurs proscrit par la religion, convient admirablement bien aux bêtes, selon le P. Bougeant, & ne choque ni la religion, ni la raison. Les démons destinés de Dieu à être des bêtes, survivent nécessairement à leur corps, & cesseroient de remplir leur destination, si lorsque leur premier corps est détruit, ils ne passoient aussi - tôt dans un autre pour recommencer à vivre sous une autre forme.
Si les bêtes ont de la connoissance & du sentiment,
elles doivent conséquemment avoir entre - elles pour
leurs besoins mutuels, un langage intelligible. La
chose est possible, il ne faut qu'examiner si elle est
nécessaire. Toutes les bêtes ont de la connoissance,
c'est un principe avoüé; & nous ne voyons pas que
l'Auteur de la nature ait pû leur donner cette connoissance
pour d'autres fins que de les rendre capables
de pourvoir à leurs besoins, à leur conservation,
à tout ce qui leur est propre & convenable
dans leur condition, & la forme de vie qu'il leur a
prescrite. Ajoûtons à ce principe, que beaucoup d'especes
de bêtes sont faites pour vivre en société, &
les autres pour vivre du moins en ménage, pour ainsi
dire, d'un mâle avec une femelle, & en famille avec
leurs petits jusqu'à ce qu'ils soient élevés. Or, si l'on
suppose qu'elles n'ont point entr'élles un langage,
quel qu'il soit, pour s'entendre les unes les autres,
on ne conçoit plus comment leur société pourroit
subsister: comment les castors, par exemple, s'aideroient - ils les uns les autres pour se bâtir un domicile,
s'ils n'avoient un langage très - net & aussi intelligi<pb->
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