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Quelque différence de sentiment qu'il y eût sur la nature de l'ame, tous ceux qui croyoient que c'étoit une substance réelle, s'accordoient en ce point, qu'elle étoit une partie de la substance de Dieu, qu'elle en avoit été séparée, & qu'elle devoit y retourner par réfusion: la proposition est évidente par elle - même à l'égard de ceux qui n'admettoient dans toute la nature qu'une seule substance universelle; & ceux qui en admettoient deux, les considéroient comme réunies & composant ensemble l'univers, précisément comme le corps & l'ame composent l'homme: Dieu en étoit l'ame, & la matiere le corps; & de même que le corps retournoit à la masse de la matiere dont il étoit sorti, l'ame retournoit à l'esprit universel, de qui tous les esprits tiroient leur substance & leur existence.
C'est conformément à ces idées que Ciceron expose
les sentimens des Philosophes Grecs:
Lorsqu'on dit que les Anciens croyoient l'éternité de l'ame, sans commencement comme sans fin, on ne doit pas s'imaginer qu'ils crussent que l'ame existât de toute éternité d'une maniere distincte & particuliere, mais seulement qu'elle étoit tirée ou détachée de la substance éternelle de Dieu, dont elle faisoit partie, & qu'elle s'y devoit réunir & y rentrer de nouveau. C'est ce qu'ils expliquoient par l'exemple d'une bouteille remplie d'eau & nageant dans la mer, venant à se briser; l'eau coule de nouveau & se réunit à la masse commune: il en étoit de même de l'ame à la dissolution du corps. Ils ne différoient que sur le tems de cette réunion; la plus grande partie soûtenoit qu'elle se faisoit à la mort, & les Pythagoriciens prétendoient qu'elle ne se faisoit qu'après plusieurs transmigrations. Les Platoniciens marchant entre ces
Que ce soient - là les véritables sentimens de l'antiquité, nous le prouvons par les quatre grandes sectes de l'ancienne Philosophie; savoir les Pythagoriciens, les Platoniciens, les Péripatéticiens, & les Stoïciens: l'exposition de leurs sentimens confirmera ce que nous avons dit de ceux des Philosophes en général sur la nature de l'ame.
Ciceron dans la personne de Velleius l'Epicurien,
accuse Pythagore de soûtenir que l'ame étoit une substance
détachée de celle de Dieu, ou de la nature
universelle, & de ne pas voir que par là il mettoit
Dieu en pieces & en morceaux.
Platon appelle souvent l'ame sans aucun détour,
Dieu, une partie de Dieu. Plutarque dit que Pythagore & Platon croyoient l'ame immortelle, & que
s'élançant dans l'ame universelle de la nature, elle
retournoit à sa premiere origine. Arnobe accuse les
Platoniciens de la même opinion, en les apostrophant
de la sorte:
Aristote, à quelques modifications près, pensoit
sur la nature de l'ame comme les autres Philosophes.
Après avoir parlé des ames sensitives, & déclaré
qu'elles étoient mortelles, il ajoûte que l'esprit ou
l'intelligence existe de tout tems, & qu'elle est de
nature divine: mais il fait une seconde distinction;
il trouve que l'esprit est actif ou passif, & que de
ces deux sortes d'esprit le premier est immortel &
éternel, le second corruptible. Les plus savans Commentateurs de ce Philosophe ont regardé ce passage
comme inintelligible, & ils se sont imaginés que
cette obscurité provenoit des formes & des qualités
qui infectent sa philosophie, & qui confondent ensemble
les substances corporelles & incorporelles.
S'ils eussent fait attention au sentiment général des
Philosophes Grecs sur l'ame universelle du monde,
ils auroient trouvé que ce passage est clair, & qu'Aristote, de ce principe commun que l'ame est une
partie de la substance divine, tire ici une conclusion
contre son existence particuliere & distincte dans un
état futur: sentiment qui a été embrassé par tous les
Philosophes, mais qu'ils n'ont pas tous avoüé aussi
ouvertement. Lorsqu'Aristote dit que l'intelligence
active est seule immortelle & éternelle, & que l'intelligence
passive est corruptible; le sens de ces expressions
ne peut être que celui - ci: que les sensations
particulieres de l'ame, en quoi consiste son intelligence
passible, cesseront à la mort: mais que la substance, en
quoi consiste son intelligence active, continuera de
subsister, non séparément, mais confondue dans l'ame de l'univers. Car l'opinion d'Aristote, qui comparoit
l'ame à une table rase, étoit que les sensations
& les réflexions ne sont que des passions de l'ame, &
c'est ce qu'il appelle l'intelligence passive, qui comme
il le dit, cessera d'exister, ou qui en d'autres termes
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