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On distingue généralement les syllabes en longues
& breves, & on assigne, dit M. d'Olivet, un tems à
la breve, & deux tems à la longue, ibid.
Que suit - il de - là? Le moins qu'on puisse donner à la plus breve, c'est un tems, de l'aveu du savant prosodiste françois. J'en conclus qu'il juge donc lui - même ce tems indivisible, puisque sans cela on pourroit donner moins à la plus breve: donc le moins qu'on puisse donner de plus à la moins breve, sera un autre tems; la longue aura donc au moins trois tems, & la plus longue qui aura au - dela de trois tems, en aura au moins quatre. Dans ce cas que devient la maxime de Quintilien, reçue par M. d'Olivet, longam esse duorum cemporum, brevem unius?
Mais notre prosodiste augmente encore la difficulté.
Notre illustre académicien répondra peut - être, que je lui prête des conséquences qu'il n'a point avouées: qu'il a dit positivement que la plus breve auroit un tems; que la moins breve auroit un peu au - delà d'un tems; mais sans pouvoir emporter deux tems entiers; qu'ainsi la longue auroit justement deux tems. & la plus longue un peu au de - là. Je conviens que tel est le système de la prosodie françoise: mais je réponds, 1°. qu'il est inconséquent, puisque l'auteur commence par poser que le moins qu'on puisse donner à la plus breve, c'est un tems; ce qui est déclarer ce moins un élément indivisible, quoiqu'on le divise ensuite pour fixer la gradation de nos tems syllabiques sans excéder les deux tems élémentaires: 2°. que cette inconséquence même n'est pas encore suffisante pour renfermer le système de la quantité dans l'espace de deux tems élémentaires, puisqu'on est forcé de laisser aller la plus longue de nos syllabes un peu au - delà des deux tems; & que par conséquent il reste toujours à
Pour ce qui concerne la conciliation de ce calcul avec le principe, connu des enfans mêmes, que l'art métrique, en grec & en latin, ne connoît que des longues & des breves; il ne s'agit que de distinguer la quantité naturelle & la quantité artificielle.
La quantité naturelle est la juste mesure de la durée du son dans chaque syllabe de chaque mot, que nous prononçons, conformément aux lois du méchanisme de la parole & de l'usage national.
La quantité artificielle est l'appréciation conventionnelle de la durée du son dans chaque syllabe de chaque mot, relativement au méchanisme artificiel de la versification métrique & du rythme oratoire.
Dans la quantité naturelle, on peut remarquer des durées qui soient entre elles comme les nombres 1, 2, 3, 4, 5, ou même dans une autre progression: & ceux qui parlent le mieux une langue, sont ceux qui se conforment le plus exactement à toutes les nuances de cette progression quelconque. Les femmes du grand monde sont ordinairement les plus exactes en ce point, sans y mettre du pédantisme. Ciceron (de Orat. III. 21.) en a fait la remarque sur les dames romaines, dont il attribue le succès à la retraite ou elles vivoient. Mais si l'on peut dire que la retraite conserve plus sûrement les impressions d'une bonne éducation; on peut dire aussi qu'elle fait obstacle aux impressions de l'usage, qui est dans l'art de parler le maître le plus sûr, ou même l'unique qu'il faille suivre: nous voyons en effet que des savans très profonds s'expriment sans exactitude & sans grace, parce que continuellement retenus par leurs études dans le silence de leur cabinet, ils n'ont avec le monde aucun commerce qui puisse rectifier leur langage; & d'ailleurs les succes de nos dames en ce genre ne peuvent plus être attribués à la même cause que ceux des dames romaines, puisque leur maniere de vivre est si différente. La bonne raison est celle qu'ailegue M. l'abbé d'Olivet, pag. 99. c'est qu'elles ont, d'une part, les organes plus délicats que nous, & par conséquent plus sensibles, plus susceptibles des moindres différences; & de l'autre, plus d'habitude & plus d'inclination à discerner & à suivre ce qui plaît. A peine distinguons - nous dans les sons toutes les différences appréciables; nos dames y démêlent toutes les nuances sensibles: nous voulons plaire, mais sans trop de frais; & rien ne coûte aux dames, pourvu qu'elles puissent plaire.
S'il avoit fallu tenir un compte rigoureux de tous
les degrés sensibles ou même appréciables de quantité,
dans la versification métrique, ou dans les combinaisons
harmoniques du rythme oratoire; les difficultés
de l'art, excessives ou même insurmontables,
l'auroient fait abandonner avec justice, parce qu'elles
auroient été sans un juste dédommagement: les
chefs - d'oeuvres des Homeres, des Pindares, des Virgiles, des Horaces, des Démosthènes, des Cicérons,
ne seroient jamais nés; & les noms illustres, ensevelis
dans les ténebres de l'oubli qui est dû aux hommes
vulgaires, n'enrichiroient pas aujourd'hui les
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