ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"267"> quelque portion osseuse qui n'a point souffert de division: cela ne se rencontre qu'aux os du crane, des hanches, aux omoplates. Cela peut cependant arriver aux os longs, dans les enfans très - jeunes ou rachitiques; ou aux adultes, dans le cas des plaies d'armes à feu, qui peuvent écorner un os. Un chirurgien qui donneroit pour preuve de la fracture incomplette une observation dans laquelle le malade, pansé comme d'une contusion considérable, feroit quelque mouvement violent, à la suite duquel la fracture se manifesteroit; ce chirurgien, dis - je, paroîtroit plûtôt avoir méconnu une fracture complette sans déplacement primitif des pieces osseuses, qu'il ne persuaderoit la fracture totale de l'os, par le mouvement violent qui auroit, selon lui, achevé de rompre les fibres osseuses, que le coup ou la chûte auroient d'abord épargnées.

Les coups, les chûtes, les violens efforts, de quelque nature qu'ils soient, sont les causes les plus ordinaires des fractures. On appelle fractures de cause interne celles qui se font à l'occasion d'une cause très - legere, à cause des dispositions internes qui rendent les os très - fragiles: telles sont la carie, l'exostose, la mollesse, & autres états contre nature, qui dépendent de diverses dépravations de la lymphe & du sang, comme la vérole, le scorbut, le virus écroüelleux, le levain cancereux.

Les signes des fractures sont la douleur, l'impuissance du membre, sa mauvaise configuration, & le craquement des pieces fracturées, connu sous le nom de crépitation. Tous ces signes séparément pris, peuvent être équivoques: la douleur & l'impuissance étant les effets ordinaires de beaucoup d'autres maladies, ne prouvent rien en elles - mêmes. La mauvaise configuration du membre est souvent un vice originaire de conformation; & l'on sait qu'il y a des fractures sans difformité apparente. Enfin les tumeurs emphysemateuses font ressentir une espece de craquement quand on les presse, & qui pourroit en imposer à ceux qui n'y feroient pas grande attention. Un chirurgien qui demande si la difformité qu'il apperçoit à un membre confronté avec la partie same, est naturelle, ne peut guere se tromper à la simple vûe sur une fracture simple sans gonflement: il y a même fort peu de cas où cette question ne devînt ridicule. Si la mauvaise configuration du membre n'est pas assez manifeste pour faire appercevoir qu'il y a fracture, on pourra la reconnoître par le moyen du toucher, en sentant les inégalités que font les pieces d'os déplacées. Il faut pour cet effet que le malade soit assujetti par quelqu'un de fort; de crainte qu'abandonné à lui - même, la douleur ne lui fît faire des mouvemens qui pourroient devenir très - nuisibles. Pour mieux reconnoître les inégalités des pieces sracturées, on choisira les endroits où l'os cassé est le moins couvert de muscles; & glissant les doigts d'un bout à l'autre, l'on suivra l'une des faces ou des crêtes de l'os dans toute sa longueur. On aura encore attention, afin de ménager la sensibilité, de ne toucher qu'avec beaucoup de douceur & de circonspection les endroits où l'on sent des esquilles ou pointes d'os s'élever & faire tumeur: car en poussant durement les parties sensibles contre les pointes & les tranchans des os, on feroit un supplice d'un examen salutaire. La crépitation ou le bruit que font les bouts de l'os casse, en se froissant l'un l'autre lorsqu'on remue le membre, est un des principaux signes des fractures. Pour faire avec moins de douleur cette épreuve presque toûjours nécessaire, il faut faire tenir fixement la partie supérieure du membre cassé; afin qu'en remuant doucement la partie inférieure, elle puisse occasionner une legere crépitation: le chirurgien la sent par l'ébranlement que le choc ou le sroissement des os fracturés communique à ses mains. Il n'est pas nécessaire que l'air extérieur soit mû au point d'ébranler les oreilles.

Le prognostic des fractures se tire de leur nature & différences de leurs symptômes, & les accidens qui les compliquent. Les fractures obliques, celles qui sont en flûte, celles où il y a plusieurs pieces éclatées, sont plus fâcheuses que les fractures transversales, non - seulement parce que les pointes & les tranchans des os peuvent blesser les chairs, & en conséquence produire plusieurs accidens, mais encore parce qu'il est plus difficile de contenir ces fractures exactement réduites. Les vices intérieurs qui accompagnent les fractures, les rendent dangereuses, parce que le suc osseux n'a pas toûjours alors les dispositions requises pour la formation du cal. Voyez Calus. Le plus ou moins d'écartement des pieces osseuses, & les différens accidens qui compliquent les fractures, rendent la cure plus ou moins facile.

La cure des fractures consiste premierement à réduire l'os fracturé dans sa situation naturelle; secondement à l'y retenir, moyennant les appareils convenables; troisiemement à corriger les accidens, & à prévenir ceux qui pourroient arriver.

La difficulté de réduire les fractures, ne vient que de ce que les bouts de l'os se touchent par les côtés: il faut donc, pour lever cet obstacle, faire des extensions suffisantes. Voyez Extension. Leur degré doit être mesuré sur l'étendue du déplacement, & sur la force des muscles qui tirent les bouts de l'os fracturé, & qui les tiennent éloignés. Les mains seules ne sont pas toûjours suffisantes pour faire les extensions & centre - extensions nécessaires: il faut avoir recours aux laqs appliqués avec méthode. Voyez Laqs. Il y a des cas où un seul aide fait en même tems l'extension & la contre - extension: la fracture de la clavicule en donne un exemple. Le blessé doit être assis sur un tabouret d'une hauteur convenable; un aide placé par - derriere appuye du genou entre les deux épaules, & tire le moignon de chacune enarriere. Le chirurgien qui opere travaille pendant ce tems à l'exacte réduction des bouts de l'os. Il faut voir le détail de toutes les manoeuvres particulieres pour la réduction de chaque os, dans les livres de l'art, & principalement dans le traité des maladies des os, par M.Petit. Dans toutes les fractures, lorsque les extensions nécessaires sont faites, on travaille à replacer les pieces d'os dans leur situation naturelle: c'est ce qu'on appelle faire la conformation.

La seconde intention, dans la cure des fractures, est de maintenir l'os réduit; ce qui se fait par l'appareil & par la situation. L'appareil est différent suivant la partie fracturée, & selon l'espece de fracture.

Dans les fractures simples des grands os des extrémités, qui sont la cuisse & la jambe, le bras & l'avant - bras, on applique d'abord sur la partie une compresse simple fendue à deux ou à quatre chefs. Pl. II. Chir. fig. 18 & 13. cette compresse doit être trempée dans une liqueur résolutive, telle que l'eaude - vie camphrée; non - seulement pour l'esset du médicament, mais aussi afin qu'elle s'applique plus exactement sur la partie, sans y faire aucun pli. On se sert ensuite d'une bande roulée à un chef, trempée dans la même liqueur: on commence par faire trois tours égaux de cette bande sur le lieu de la fracture, & l'on continue de l'employer en doloires sur la par tie en remontant jusqu'à l'attache des muscles qui la font mouvoir. Voyez Doloire. Après cette premiere bande, on en applique une seconde d'une longueur convenable à son usage, qui est de faire d'abord deux circonvolutions égales sur l'endroit fracturé: on continue les circonvolutions jusqu'en bas de la partie fracturée, & l'on remonte vers le haut par des doloires. Les différens tours de bande ne doivent laisser à découvert qu'une quatrieme partie du tour pré<pb-> [p. 268] cédent, afin que la fracture soit plus exactement contenue. Le bandage trop lâche ne contient point, laisse aux muscles la dangereuse facilité de se contracter; le calus est difforme; & le membre peut se consolider dans une direction qui ne seroit pas naturelle: d'un autre côté, le bandage trop serré, lorsqu'il l'est avec excès, attire la gangrene; & sans l'être au point de causer cet accident formidable, il peut l'être encore trop, & mettre obstacle à la libre circulation des liqueurs; d'où résultera le manque de nourriture & l'atrophie.

L'inégalité des membres dans l'étendue de leur longueur, oblige en appliquant les bandes, de faire avec art des renversés; sans quoi, il y auroit des godets, dont l'inconvénient est de ne pas faire une compression égale, & de laisser des inégalités capables de blesser la partie par la compression qui résulte de l'application des autres pieces de l'appareil.

Les deux premieres bandes appliquées, on met les compresses longuettes, Pl. II. fig. 17. suivant les regles que nous avons exposées au mot Éclisse. Dans le pansement de la jambe fracturée, quelques praticiens remplissent le bas, depuis le défaut du mollet jusqu'aux malléoles, par l'application d'une compresse graduée inégale, Pl. XXXI. fig. 11. d'autres préferent de donner plus d'épaisseur à l'extrémité inférieure des longuettes; ce qui se fait en repliant de la longueur qu'on le juge convenable, le linge simple, avant de faire les plis suivant la largeur, qui déterminent celle qu'on veut donner à chacune des compresses longuettes. On les maintient par une troisieme bande, dont les circonvolutions peuvent être faites en doloires plus larges, pour ménager la longueur de la bande. On peut contenir tout cet appareil entre deux gouttieres de fer - blanc ou de carton, liées avec des rubans de fil. On applique ensuite l'écharpe pour l'extrémité supérieure, voyez Echarpe; & des fanons dans les fractures de l'extrémité inférieure, voy. Fanons. Une legere tuméfaction, sans douleur ni rougeur, qu'on apperçoit au - dessus & au - dessous du bandage, marque qu'il n'est ni trop ni trop peu serré.

Lorsque l'appareil convenable est appliqué, il y a des précautions à prendre pour la commodité du blessé: il est à - propos d'insister un peu sur ces commodités, que tout le monde doit être bien - aise de connoître, & que peu de gens sont à - portée de rechercher dans les livres de l'art.

Nous avons dit au mot Echarpe, ce qui concerne l'extrémité supérieure. Lorsque dans les premiers jours les malades sont obligés de garder le lit, il faut que le membre soit placé sans gêne dans une direction qui tienne tous les muscles relâchés, & sur un oreiller mollet. La jambe sera un peu élévée du côté du pié, pour favoriser le retour du sang; elle sera appuyée sûrement & mollement: on la posera sur un oreiller égal, appuyé sur un matelas qui lui - même doit être fort égal. Pour cet effet, le lit doit être garni de matelas seulement, sans lit de plume; & même il est bon de mettre entre le premier & le second matelas, une planche qui occupe depuis le pié jusque par - delà la hanche. Mais comme la nécessité d'être couché deviendroit à la longue insupportable, si l'on ne prenoit des précautions pour en diminuer la gêne autant qu'il est possible; on fait attacher au plancher une corde qui passe à - travers le ciel du lit, & qui descende à la portée de la main du malade: cette corde lui est très - utile pour se remuer facilement, & satisfaire à ses différens besoins. On attache au pié du lit une planche qui doit être stable, & sur laquelle on a fait cloüer un billot garni d'un matelas ou coussin: ce billot est un des plus grands soulagemens qu'on puisse procurer au malade; il lui sert à appuyer le pié sain pour se soûlever, avec l'aide de la corde, dans ses besoins, & pour se relever de - tems - en - tems, lorsqu'il glisse vers le bas du lit. Le chirurgien peut prévenir cet inconvénient, en donnant ses soins à la construction du lit; il doit même aider à le faire convenablement pour le bien de son malade.

Pour éviter que le croupion ne s'écorche, M. Petit conseille de percer le premier matelas, afin de pouvoir passer commodément un bassin entre le premier & le second matelas, lorsque le blessé veut aller à la selle. Dans ce cas le drap de dessous doit être fendu ou composé de deux pieces qu'on puisse écarter au besoin, à l'endroit des fesses: faute de cette précaution, le croupion s'écorche; & alors il faut l'examiner souvent, & bassiner cette partie avec de l'eau vulnéraire, ou de l'eau - de - vie camphrée, pour prévenir la mortification: on remédiera à cet accident par l'application de l'onguent de stirax.

Dans les fractures compliquées, la nécessité de panser souvent les blessés exigeroit de trop grands mouvemens dans l'usage des bandes roulées; & ces mouvemens seroient un grand obstacle à la réunion, qui demande un repos parfait, autant qu'il est possible de le procurer. On se sert alors du bandage à dix - huit chefs. Voyez sa description au mot Bandage; & sa figure, Pl. XXXI. fig. 10. Ce n'est pas seulement dans la fracture de la jambe, mais dans toutes celles des extrémités avec complication, qu'on doit s'en servir: on l'applique même dans les cas où il n'y a point de plaie. Dans les grandes contusions, par ex. quand il n'y auroit point de nécessité d'inciser, pour donner issue au sang extravasé, on employe le bandage à dix - huit chefs dans les premiers tems, & on revient ensuite au bandage roulé. On est alors dans le cas de lever souvent l'appareil contre la regle génêrale, pour observer ce qui se passe; & aussi afin de serrer le bandage à proportion que le sang se résout, & que la partie se dégonfle.

Les fractures avec plaie sont plus ou moins fâcheuses suivant la nature de la plaie & de ses accidens. C'est quelquefois la même cause qui fracture l'os, qui fait la plaie; comme une roue de carrosse, une balle de mousquet, un éclat de bombe, &c. Les os même qui sont cassés peuvent déchirer les muscles & percer la peau; ces plaies sont avec plus ou moins de contusion, & peuvent être compliquées d'hémorrhagie, de corps étrangers, &c.

Lesanciens se servoient dans ces sortes de cas, d'un bandage fenêtré, qui leur permettoit de panser la plaie sans toucher au reste de l'appareil. Suivant Paul d'AEgine & Gui de Chauliac, on peut se servir des bandes roulées, dans le traitement des fractures compliquées avec plaie, avec le soin de ne couvrir des circonvolutions de la bande que les parties circonvoisines de la plaie; celle - ci demeurant à nud & à découvert, afin de la pouvoir panser tous les jours, & d'y appliquer les médicamens convenables, sans lever les bandes ni toucher à la fracture. Ambroise Paré desapprouve fort ce bandage: si la plaie n'est pas comprimée convenablement, les humeurs y seront envoyées, dit - il, des parties circonvoisines pressées; & il y surviendra bien - tôt inflammation & gangrene. Jacques de Marque, célebre chirurgien de Paris, mort en 1622, & qui nous a laissé un excellent traité des bandages, qu'aucun écrivain sur la même matiere n'a pû rendre inutile, a disserté très - doetement sur les inconvéniens reconus dans l'usage de ce bandage senêtré; il rappelle le précepte de Paré, qui veut que l'on se serve d'une bande en deux ou trois doubles, en façon de compresse qui ne fasse qu'une seule révolution; c'est cette compresse en trois doubles, fendue pour en faire trois chefs de chaque côté, qui forme notre bandage à dix - huit chefs si recommandée dans la pratique. Il comprime également

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