ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"84"> un morceau de papier gris qui débordoit vers l'orisice inférieur. L'eau pénétra dans cette espece de gouttiere & dans le papier gris; mais il n'en tomba aucune goutte par ce canal; on n'en put même exprimer en presiant avec les doigts, le papier gris mouillé. Tout cet équipage tiré hors du vase, ne produisit aucun écoulement; il n'avoit lieu que lorsqu'on versoit de l'eau par le haut du tuyau; & le tuyau ayant été rempli de terre au lieu de sable, on n'apperçut aucun écoulement, & la terre absorbort plus d'eau que le sable, quand on en versort par le haut; ce qui a été observé depuis par M. de Reaumur. Il paroît qu'il faut pour pénétrer la terre, une quantité d'eau égale au tiers de sa masse.

M. Perrault soûmit à la même expérience de l'eau salée; les sables contractoient d'abord un certain degré de salure, & l'eau diminuoit un peu son amertume: mais lorsque les couloirs s'étoient une fois chargés de sels, l'eau qui s'y filtroit n'en déporoit plus. Et d'ailleurs des percolations réitérées au travers de cent différentes matieres sabloneuses, n'ont point entierement dessalé l'eau de la mer. Voilà des faits très - destructifs des suppositions précédentes. On peut ajoûter à ces expériences d'autres faits aussi décisifs. Si l'eau se dessaloit par filtration, moins elle auroit fait de trajet dans les couches terrestres, & moins elle seroit dessallée: or on trouve des fontaines & même des puits d'eau douce, sur les bords de la mer, & des sources même dans le fond de la mer, comme nous le verrons par la sui e. Il est vrai que quand les eaux de la mer pénetrent dans les sables en se réunissant aux pluies, elles produisent un melange saumache & salin; mais il suffit qu'on trouve des eaux douces dans des fontaines abondantes & dans des puits voisins de la mer, pour que l'on puisse soûtenir que les eaux de la mer ne peuvent se dessaler par une filtration soûterreine. On n'alléguera pas fans doute les eaux salées, puisqu'il s'on trouve au milieu des terres, comme en Alsace, en Franche - Comté, à Salins; & d'ailleurs il est certain que cette eau n'est salée, que parce qu'elle dissout des mines de sel.

En général, on peut opposer à l'hypothèse que nous venons de décrire, plusieurs difficultés tres fortes.

1°. On suppose fort gratuitement des passages libres & ouverts, depuis le lit de la mer jusqu'au pié des montagnes. On n'a pû prouver par aucun fait l'existence de ces canaux soûterreins; on a plûtôt prouvé le besoin que l'on en a, que leur réalité ou leur usage. Comment concevoir que le lit de la mer soit criblé d'ouvertures, & la masle du globe toute percée de canaux soûterreins? voyons - nous que la plûpart des lacs & des étangs perdent leurs eaux autrement que par des couches de glaise? Le fond de la mer est tapissé & recouvert d'une matiere visqueuse, qui ne lui permet pas de s'extravaser aussi facilement & aussi abondamment qu'il est nécessaire de le supposer, pour disperser avec autant de profusion les fontaines sur la surface des iles & des continens. Quand même la terre pénétreroit certaines couches de son fond à une profondeur assez considérable, on ne peut en conclure la filtration de ses eaux dans la masse du globe. Prétendre outre cola, que les gouffres qui paroissent absorber l'eau de la mer, soient les bouches de ces canaux soûterreins, c'est s'attacher à des apparences pour le moins incertaines, comme nous le verrons par la suite.

On n'a pas plus de lumieres sur ces grands réservoirs ou ces immenses dépôts, qui, selon quelques auteurs, fournissent l'eau à une certaine portion de la tursace du globe; sur ces lacs soûterreins décrits dans Kircher (mund. subterr.) sous le nom d'Hydrophilacia, & dont il a eru devoir donner des plans pour rassûrer la crédulité de ceux qui seroient portes à ne les pas adopter sur sa parole.

2°. Quand leur existence seroit aussi certaine qu'elle est douteuse à ceux qui n'imaginent pas gratuitement, il ne s'ensuivroit pas que ces lacs euslent une communication avec la mer. Les lacs soûterreins que l'on a découverts, sont d'eau douce: au surplus ils tirent visiblement leurs eaux des couches supérieures de la terre. On observe constamment toutes les fois qu'on visite des soûterreins, que les eaux se filtrent au - travers de l'épaisseur de la croûte de terre qui leur sert de voûte. Lorsqu'on fait un étalage de ces cavernes fameuses, par lesquelles on voudroit nous persuader l'existence & l'emploi de ces réservoirs soûterreins, on nous donne lieu de recueillir des faits tres - décisifs contre ces suppositions: car la caverne de Baumannia située dans les montagnes de la forêt d'Hircinie, celle de Podpetschio dans la Carniole, celles de la Kiovie, de la Podolie, toutes celles que Scheuchzer a eu lieu d'examiner dans les Alpes, celles qu'on trouve en Angleterre, sont la plûpart à sec, & l'on y remarque tout - au - plus quelques silets d'eau qui viennent des voûtes & des congélations, formées par les dépôts successifs des eaux qui se filtrent au travers des couches supérieures. La forme des fluors, la configuration des stalactites en cul - de lampe, annonce la direction des eaux gouttieres. Les silets d'eau & ces especes de courans, tarissent par la sécheresse, comme on l'a remarqué dans les caves de l'observatoire & dans la grotte d'Arcy en Bourgogne, dans laquelle il passe en certain tems une espece de torrent qui traverse une de ses cavités. Si l'on examine l'eau des puits & des sources, on trouvera qu'elle a des propriétés dépendantes de la nature des couches de terre superieures au bassin qui contient les eaux. Dans la ville de Modene & à quatre milles aux environs, en quelqu'endroit que l'on fouille, lorsqu'on est parvenu à la profondeur de 63 piés, & qu'on a percé la terre, l'eau jaillit avec une si grande force, qu'elle remplit les puits en peu de tems, & qu'elle coule même continuellement par - dessus ses bords. Or cet effet indique un réservoir supérieur au sol de Modene, qui éleve l'eau de ses puits au niveau de son terrein, & qui par conséquent doit être placé dans les montagnes voisines. Et n'est - il pas plus raturel qu'il soit le produ des pluies qui tombent sur les collines & les montagnes de Saint - Pelerin, que de supposer un effort de fil ration ou de distiliation des eaux de la mer qui ait guindé ces eaux à cette hauteur, pour les faire remonter au niveau du sol de Modene? Ainsi on n'a aucun fait qui établisse des évaporations, des distillations, ou des percolations du centre du globe à la circonférence; mais au contraire, toutes les observations nous font remarquer des filtrations dans les premieres couches du globe.

3°. Les merveilleux alembics, la chaleur qui entretient leur travail, le froid qui condense leurs vapeurs, la direction du cou du chapiteau ou des aludels d'ascension, qui doit être telle qu'elle empêche les vapeurs de retomber dans le fond de la cucurbite, & de produire par - là une circulation infructueuse; combien de suppositions pour réunir tous ces avantages; comment le feu seroit - il assez violent pour changer en vapeurs cette eau salee & pesante qu'on tire de la mer, & la faire monter ju qu'aux premieres couches de la terre? Le degré de chaleur qu'on a eu lieu d'observer dans les soûterreins, n'est pas capable de produire ces essets. Quelle accélération dans le travail, & quelle capacité dans l'alembic n'exigeroit pas la distillation d'une source aussi abondante que celles qu'on rencontre assez ordinairement! L'eau réduite en vapeur à la chaleur de l'eau bouillante, occupant un espace 14000 [p. 85] sois plus grand, les eaux réduites en vapeurs & comprimées dans les cavernes, sont plus capables de produire des agitations violentes, que des distillations. D'ailleurs si le feu est trop violent dans les soûterreins, l'eau sortira salée de la cucurbite, &c.

4°. Apres une certaine interruption de pluies, la plûpart des fontaines ou tarissent ou diminuent considerablement; & l'abondance réparoit dans leur bassin, après des pluies abondantes, ou la fonte des neiges. Or si un travail soûterrein fournit d'eau les réservoirs des sources, que peut opérer la température extérieure pour en rallentir ou en accelérer les opérations? Il est vrai que certains physiciens ne disconviennent pas que les eaux pluviales ne puissent, en se joignant au produit des canaux souterreins, former après leur réunion une plus grande abondance d'eau dans les réservoirs, & y faire sentir un déchet considérable par leur soustraction: mais après cet aveu, ils ne peuvent se dissimuler que les eaux de pluies n'influent tres - visiblement dans les écoulemens des fontaines, & que cet effet ne soit une présomption tres - forte pour s'y borner, si le produit des pluies suffit à l'entretien des sources, comme nous le ferons voir par la suite. Voodward prétend qu'il y a, lors des pluies, moins de dissipation dans les couches du globe, où se rassemblent les eaux évaporées de l'abysme par leur feu central, & que la secheresse fournit une transpiration abondante de ces vapeurs. Ceci seroit recevable, si la circulation des eaux dans les couches qui peuvent ressentir les différens effets de l'humidité & de la sécheresse, ne se faisoit pas de la circonférence au centre, ou dans la direction des couches qui contiennent les eaux.

5°. Pourquoi l'eau de la mer iroit - elle chercher le centre, ou du moins les endroits les pius élevés des continens, pour y entretenir les fontaines? Descartes nous répondra qu'il y a sous ces montagnes & sous ces endroits elevés, des alembics: mais de la mer à ces prétendus alembics, quelle correspondance a - t - il établi? Ne seroit - il pas plus naturel que les sources fussent plus abondantes sur les bords de la mer, que dans le centre des terres; & dans les plaines, que dans les pays montueux? Outre cu'on ne remarque pas cette disposition dans les sources, la grande quantité de pluie qui tombe sur les bords de la mer, seroit la cause naturelle de cet effet, si le terrein étoit favorable aux sources.

6°. Il reste enfin une derniere difficulté. 1°. Le résidu des sels dont l'eau se depouille, ou par distillation, ou par filtration, ne doit - il pas avoir formé des obstiuctions dans les canaux soûterreins, & avoir enfin comblé depuis long - tems tous les alembics? 2°. La mer par ces dépôts n'a - t - el'e pas dû perdre une quantite prodigieuse de ses sels? Pour donner une idée de ces deux effets, il faut appretier la quantité de sel que l'eau de la mer au'est deposee dans les cavites, & dont elle se seroit roellement appauvrie. Il puroit par les experrences de M. le comte de Mar<-> , de Halley & de Hales, qu'une livre d'eau de la tient en dissolution quatre gros de sel, c'est - à dire un trente - deuxieme de son poids: ainsi trente - deux livres d'eau prodursent une livre de sel, & soixante quatre en donneront deux. Le pre - cube d'eau pelant 70 livres, ou peut pour une plus grande exactitude compter deux livres de sel dans ces 70. Nous partirons donc de ce prineipe, qu'un pie - cube d'eau douce doit avoir depore deux livres de sel avant que de parvenir à la source d'une tiviere. Or s'il passe lous le pont royal, suivant la détermination de M. Martotte, 288, 000, 000 de pies - cubes d'eau en 24 heures, cette quantité d'eau aura depose seus terre 576, 000, 000 de livres de sel.

Cependant comme ceux qui admettent la circulasion intérieure del cau de la mer convierment queles pluies grossissent les rivieres, nous réduisons ce produit à la moitié: ainsi l'eau de la Seine laisse chaque jour dans les entrailles de la terre 288 millions de livres de sel, & nous aurons plus de cent milliards de livres pour l'année: mais qu'est - ce que la Seine comparée avec toutes les rivieres de l'Europe, & enfin du monde entier? quel amas prodigieux de sel aura donc formé dans des canaux souterreins, la ma immense d'eau que les fleuves & les rivieres déchargent dans la mer depuis tant de siecles! Voyez Salure & Mer.

On peut réduire à trois classes les physiciens qui ont essayé de répondre à ces difficultes.

I. M. Gualtieri (Journ. des Sçav. an. 1725. Juin) dans des réflexions adressées à M. Valisnieri, exige seulement qu'on lui accorde deux propositions. La premiere, qu'il se trouve au fond de la mer une terre particuliere ou un couloir, au - travers duquel l'eau de la mer ne peut passer sans se dépouiller de son sel. La seconde, que l'eau de la mer fait équilibre à une colonne d'eau douce, qui s'insinue dans l'intérieur du globe à une hauteur qui est en raison inverse de sa pesanteur spécisique, c'est - à - dire dans le rapport de 103 à 100. Pour établir sa premiere proposition, il allegue l'analogie des filtrations des sucs dans les animaux & dans les végétaux, & enfin l'adoucissement de l'eau de la mer par évaporation. Ce qui embarrasse d'abord, c'est de savoir ou les sels se deposeront dans le filure particulier qui aura la vertu d'adoucir l'eau de la mer. Dans les animaux, les fucs qui n'entrent point dans certains couloirs, sont absorbés par d'autres; sans cela il se formeroit des obstructions, comme il doit s'en former au fond de la mer.

En second lieu, si la colonne d'eau soûterreine est en equilibre avec celle de l'eau marine, par quelle force l'eau penétrera - t - elle les couloirs? D'auleurs si l'on suppose que la mer est aussi profonde que les montagnes sont elevées, le rapport de pesanteur spécisique de 100 à 103, qui se trouve entre l'eau douce & l'eau salée, ne peut élever l'eau douce qu'au 3/12 de la hauteur des montagnes; ainsi elle ne parviendra jamais au sommet même des collines de moyenne grandeur.

II. D'autres physiciens n'ont pas été allarmés des blocs de sels aussi enormes que la mer doit deposer dans les entrailles de la tèrre; leur imagination a été aussi féconde pour creuser des alembies & des canaux soûterreins, que l'eau salee peut être active pour combler les uns & boucher les autres; elle a formé un échaffaudage de nouvelles pieces, qui jouent selon ses voeux & selon les besoins du systeme. Voyez Méditations sur les fontaines, de Kuhn.

On a rencontré dans l'Ocean & dans certains détroits ou mers particuheres, des especes de goufres où les eaux sont violemment agitees, & paroissent s'engloutir dans des cavites soûterreines qui les rejettent avec la même violence. Le plus fameux de ces goufres est près des côtes de la Laponie, dans la mer du Nord; il engloutit les baleines, les vaisseaux, &c. & rejette ensuite les debris de tout ce qu'il paroît avoir absorbé. On en place un auprès de l'ile d'Eubée, qui absorbe & rend les eaux sept fois en vingt - quatre heures: celui de Charibde pres des côtes de la Calabre absorbe & vomit trois fois le jour; ceux de Sylla dans le detroit de la Sicile, du détroit de Babelmandel, du golfe Persique, du detroit de Magellan, ne sont qu'absorbans. On soupçonne outre cela que lous les banes de sable, sous les roches à fleur d'eau, & dans la mer Caspienne en partieulier, il y a beaucoup de ces goufres tant absorbans que vomissans.

Comme ils sont pres des iles & des continens, on en conelut que les eaux absorbées sont engloutres dans les soûterreins de la terre - ferme; & que recipro<pb->

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