ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"770"> dans les exemples ci - dessus, l'ordre est hoet urbs, quam urbem statuo, est vestra. Ille ager, quem agrum vir habet, tollieur. Ille eunuchus, quem eunuchum dedisti nobis, quas turbas dedit. Il en est de même de l'exemple tiré du prologue de l'Andrienne de Térence, populo ut placerent quas fecisset fabulas, la construction est ut fabuloe, quas fabulas fecisset, placerent populo.

Ce qui fait bien voir la vérité & la fécondité du principe que nous avons établi au mot Construction, qu'il faut toûjours réduire à la forme de la proposition toutes les phrases particulieres & tous les membres d'une période.

L'autre figure dont les Grammairiens font mention avec aussi peu de raison, c'est l'énallage, E)NALLAGH\, permutatio. Le simple changement des cas est une antiptose; mais s'il y a un mode pour un autre mode qui devoit y être selon l'analogie de la langue, s'il y a un tems pour un autre, ou un genre pour un autre genre, ou enfin s'il arrive à un mot quelque changement qui paroisse contraire aux regles communes, c'est un énallage; par exemple, dans l'Eunuque de Térence, Thrason qui venoit de faire un présent à Thaïs, dit, magnas verò agere gratias Thaïs mihi, c'estlà une énallage, disent les Commentateurs, agere est pour agit; mais en ces occasions on peut aisément faire la construction selon l'analogie ordinaire, en suppléant quelque verbe au mode fini, comme Thaïs tibi visa est agere, &c. ou coepit, ou non cessat. Cette façon de parler par l'infinitif, met l'action devant les yeux dans toute son étendue, & en marque la continuité; le mode fini est plus momentané: c'est aussi ce que la Fontaine, dans la fable des deux rats, dit:

Le bruit cesse, on se retire, Rats en campagne aussi - tôt, Et le citadin de dire, Achevons tout notre rôt. c'est comme s'il y avoit, & le citadin ne cessoit de dire, se mit à dire, &c. ou pour parler grammaticalement, le citadin fit l'action de dire. Et dans la premiere fable du liv. VIII. il dit:

Ainsi, dit le Renard, & flatteurs d'applaudir. la construction est les flatteurs ne cesserent d'applaudir, les flatteurs firent l'action d'applaudir.

On doit regarder ces locutions comme autant d'idiotismes consacrés par l'usage; ce sont des façons de parler de la construction usuèle & élégante, mais que l'on peut réduire par imitation & par analogie à la forme de la construction commune, au lieu de recourir à de prétendues figures contraires à tous les principes.

Au reste, l'inattention des copistes, & souvent la négligence des auteurs même, qui s'endorment quelquefois, comme on le dit d'Homere, apportent des difficultés que l'on feroit mieux de reconnoître comme autant de fautes, plûtôt que de vouloir y trouver une régularité qui n'y est pas. La prévention voit les choses comme elle voudroit qu'elles fussent; mais la raison ne les voit que telles qu'elles sont.

Il y a des figures de mots qu'on appelle tropes, à cause du changement qui arrive alors à la signification propre du mot; car trope vient du grec, TROPH\, conversio, changement, transformation; TREPW/, verto. In tropo est nativoe significationis commutatio, dit Martinius: ainsi toutes les fois qu'on donne à un mot un sens différent de celui pour lequel il a été premierement établi, c'est un trope. Ces écarts de la premiere signification du mot se font en bien des manieres différentes, auxquelles les Rhéteurs ont donné des noms particuliers. Il y a un grand nombre de ces noms dont il est inutile de charger la mémoire; c'est ici une des occasions où l'on peut dire que le nom ne fait rien à la chose: mais il faut du moins connoître que l'expression est figurée, & en quoi elle est figurée: par exemple, quand le duc d'Anjou, petit - fils de Louis XIV. fut appellé à la couronne d'Espagne, le roi dit, il n'y a plus de Pyrénées; personne ne prit ce mot à la lettre & dans le sens propre: on ne crut point que le roi eût voulu dire que les Pyrénées avoient été abysmées on anéanties; tout le monde entendit le sens figuré, il n'y a plus de Pyrénéts, c'est - à - dire, plus de séparation, plus de divisions, plus de guerre enare la France & l'Espagne; on se contenta de saisir le sens de ces paroles; mais les personnes instruites y reconnurent une métaphore.

Les principaux tropes dont on entend souvent parler, sont la métaphore, l'allégorie, l'allusion, l'ironie, le sarcasme, qui est une raillerie piquante & amere, irrisio amarulenta, dit Robertson; la catachrèse, abus, extension ou imitation, comme quand on dit ferré d'argent, aller à cheval sur un bâton; l'hyperbole, la synecdoque, la métonymie, l'euphémisme qui est fort en usage parmi les honnêtes gens, & qui consiste à déguiser des idées desagréables, odieuses, tristes ou peu honnêtes, sous des termes plus convenables & plus décens. L'ironie est un trope; car puisque l'ironie fait entendre le contraire de ce qu'on dit, il est évident que les mots dont on se sert dans l'ironie, ne sont pas pris dans le sens propre & primitif. Ainsi, quand Boileau, satyre IX. dit

Je le déclare donc, Quinault est un Virgile,
il vouloit faire entendre précisément le contraire. On trouvera en sa place dans ce Dictionnaire, le nom de chaque trope particulier, avec une explication suffisante. Nous renvoyons aussi au mot Tropf, pour parler de l'origine, de l'usage & de l'abus des tropes.

Il y a une derniere sorte de figures de mots, qu'il ne faut point confondre avec celles dont nous venons de parler; les figures dont il s'agit ne sont point des tropes, puisque les mots y conservent leur signification propre. Ce ne sont point des figures de pensées, puisque ce n'est que des mots qu'elles tirent ce qu'elles sont; par exemple, dans la répétition, le mot se prend dans sa signification ordinaire; mais si vous ne répetez pas le mot, il n'y a plus de figure qu'on puisse appeller répétition.

Il y a plusieurs sortes de répétitions auxquelles les Rhéteurs ont pris la peine de donner assez inutilement des noms particuliers. Ils appellent climax, lorsque le mot est répété, pour passer comme par degrés d'une idée à une autre: cette figure est regardée comme une figure de mots, à cause de la répétition des mots, & on la regarde comme une figure de pensée, lorsqu'on s'éleve d'une pensée à une autre: pat exemple, aux discours il ajoûtoit les prieres, aux pricres les soûmissions, aux soûmissions les promesses, &c.

La synonymie est un assemblage de mots qui ont une signification à - peu - près semblable, comme ces quatre mots de la seconde Catilinaire de Ciceron: abiit, excessit, evasit, erupit; « il s'est en allé, il s'est retiré, il s'est évadé, il a disparu ». Voici quelques autres figures de mots.

L'onomatopée, E)NOMATOPOI/A, c'est la transformation d'un mot qui exprime le son de la chose; O)/NOMA, nomen, & PSIE/W, facio; c'est une imitation du son naturel de ce que le mot fignifie, comme le glouglou de la bouteille, & en latin bilbire, bilbit amphora, la bouteille fait glouglou; tinnitus oeris, le tintement des métaux, le cliquetis des armes, des épées; le trictrac, qu'on appelloit autrefois tictac, sorte de jeu ainsi nommé, du bruit que font les dames & les dès dont on se sert. Taratantara, le bruit de la trompette, ce mot se trouve dans un ancien vers d'Ennius, que Servius a rapporté:

At tuba terribili sonitu taratantara dixit.

Voyez Seryius sur le 503. vers du IX. livre de l'E<pb-> [p. 771] néïde. Boubari, aboyer, se dit des gros chiens; mutire, se dit des chiens qui grondent, mu canum est undè mutire, dit Chorisius.

Les noms de plusieurs animaux sont tirés de leur cri; xpupa, une hupe; cuculus, qu'on prononçoit coucoulous, un coucou, oiseau; hirundo, une hirondelle; ulula, une choüette; bubo, un hibou; graculus, une espece particuliere de corneille.

Paranomasie, ressemblance que les mots ont entr'eux; c'est une espece de jeu de mots: amantes sune amentes, les amans sont insensés. La figure n'est que dans le latin, comme dans cet autre exemple, cum lectum petis de letho cogita, « pensez à la mort quand vous entrez dans votre lit ».

Les jeunes gens aiment ces sortes de figures; mais il faut se ressouvenir de ce que Moliere en dit dans le Misantrope.

Ce style figuré dont on fait vanité. Sort du bon caractere & de la vérité. Ce n'est que jeux de mots, qu'affectation pure, Et ce n'est point ainsi que parle la nature.

Voici deux autres figures qui ont du rapport à celles dont nous venons de parler: l'une s'appelle similiter cadens, c'est quand les différens membres ou incises d'une période finissent par des cas ou par des tems dont la terminaison est semblable.

L'autre figure qu'on appelle similiter desinens, n'est différente de la précédente, que parce qu'il ne s'y agit ni d'une ressemblance de cas ou de tems: mais il suffit que les membres ou incises ayent une désinance semblable, comme facere fortiter, & vivere turpiter. On trouve un grand nombre d'exemples de ces deux fignres: ubi amatur, non laboratur, dit S. Augustin; « quand le goût y est, il n'y a plus de peine ».

Il y a encore l'isocolon, c'est - à - dire l'égalité dans les membres ou dans les incises d'une période: ce mot vient de E)/TOS2, égal, & XWLON, membre; lorsque les différens membres d'une période ont un nombre de syllabes à - peu - près égal.

Enfin observons ce qu'on appelle polysyndeton, POLUSU/NDETON, de POLU\S2, multus, SI\N, cum, & S W, itgo, lorsque les membres ou incises d'une période sont joints ensemble par la même conjonction répétée: ni les caresses, ni les menaces, ni les supplices, ni les recompenses, rien ne le fera changer de sentiment. Il est évident qu'il n'y a en ces figures, ni tropes ni figures de pensées.

Il nous reste à parler des figures de pensées ou de discours que les maîtres de l'art appellent figures de sentences, figuroe sententiarum, schemata; SXPMA, forme, habit, habitude, attitude; SXE/W, habeo, & E)/XW, plus usité.

Elles consistent dans la pensée, dans le sentiment, dans le tour d'esprit; ensorte que l'on conserve la figure, quelles que soient les paroles dont on se sert pour l'exprimer.

Les figures ou expressions figurées ont chacune une forme particuliere qui leur est propre, & qui les distingue les unes des autres; par exemple l'antithèse est distinguée des autres manieres de parler, en ce que les mots qui forment l'antithèse ont une signification opposée l'une à l'autre, comme quand S. Paul dit: « on nous maudit, & nous bénissons; on nous persécute, & nous souffrons la persécution; on prononce des blasphèmes contre nous, & nous répondons par des prieres ». I. cor. c. jv. v. 12.

« Jesus - Christ s'est fait fils de l'homme, dit S. Cyprien, pour nous faire enfans de Dieu; il a été blessé pour guérir nos plaies; il s'est fait esclave, pour nous rendre libres; il est mort pour nous faire vivre ». Ainsi quand on trouve des exemples de ces sortes d'oppositions, on les rapporte à l'antithèse.

L'apostrophe est différente des autres figures; parce que ce n'est que dans l'apostrophe qu'on adresse toutd'un - coup la parole à quelque personne présente ou absente: ce n'est que dans la prosopopée que l'on fait parler les morts, les absens, ou les êtres inanimés. Il en est de même des autres figures; elles ont chacune leur caractere particulier, qui les distingue des autres assemblages de mots.

Les Grammairiens & les Rhéteurs ont fait des classes particulieres de ces différentes manieres, & ont donné le nom de figure de pensées à celles qui énoncent les pensées sous une forme particuliere qui les distingue les unes des autres, & de tout ce qui n'est que phrase ou expression.

Nous ne pouvons que recueillir ici les noms des principales de ces figures, nous reservant de parler en son lieu de chacune en particulier: nous avons déjà fait mention de l'antithèse, de l'apostrophe, & de la prosopopée.

L'exclamation; c'est ainsi que S. Paul, après avoir parlé de ses foiblesses, s'écrie: Malheureux que je suis, qui me délivrera de ce corps mortel? Ad Rom. cap. vij.

L'épiphoneme ou sentence courte, par laquelle on conclut un raisonnement.

La description des personnes, du lieu, du tems.

L'interrogation, qui consiste à s'interroger soi - même & à se répondre.

La communication, quand l'orateur expose amicalement ses raisons à ses propres adversaires; il en délibere avec eux, il les prend pour juges, pour leur faire mieux sentir qu'ils ont tort.

L'énumération ou distribution, qui consiste à parcourir en détail divers états, diverses circonstances & diverses parties. On doit éviter les minuties dans l'énumération.

La concession, par laquelle on accorde quelque chose pour en tirer avantage: Vous êtes riche, servez - vous de vos richesses; mais faites - en de bonnes oeuvres.

La gradation, lorsqu'on s'éleve comme par degrés de pensées en pensées, qui vont toujours en augmentant: nous en avons fait mention en parlant du climax, XLE/MAC, échelle, degré.

La suspension, qui consiste à faire attendre une pensée qui surprend.

Il y a une figure qu'on appelle congeries, assemblage; elle consiste à rassembler plusieurs pensées & plusieurs raisonnemens serrés.

La réticence consiste à passer sous silence des pensées que l'on fait mieux connoître par ce silence, que si on en parloit ouvertement.

L'interrogation, qui consiste à faire quelques demandes, qui donnent ensuite lieu d'y répondre avec plus de force.

L'interruption, par laquelle l'orateur interrompt tout - à - coup son discours, pour entrer dans quelque mouvement pathétique placé à propos.

Il y a une figure qu'on appelle optatio, souhait; on s'y exprime ordinairement par ces paroles: Ha, plût à Dieu que, &c. Fasse le ciel! Puissiez - vous!

L'obsécration, par laquelle on conjure ses auditeurs au nom de leurs plus chers intérêts.

La périphrase, qui eonsiste à donner à une pensée, en l'exprimant par plusieurs mots, plus de grace & plus de force qu'elle n'en auroit si on l'énonçoit simplement en un seul mot. Les idées accessoires que l'on substitue au mot propre, sont moins seches & occupent l'imagination. C'est le goût, ce sont les circonstances qui doivent décider entre le mot propre & la périphrase.

L'hyperbole est une exagération, soit en augmentant ou en diminuant.

On met aussi au nombre des figures l'admiration & les sentences, & quelques autres faciles à remarquer.

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