ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"608"> tues de marbre. C'est ce que les Grecs appellent causis, ustion ».

Voilà un vernis encaustique & à la cire, dans toute la rigueur des termes. Cette manoeuvre, ignorée sans doute des restaurateurs de l'ancien encaustique, répand, ce me semble, du jour fur l'obscurité de Pline, puisqu'elle décide à - la - fois & la réalité de l'inustion, & sa maniere. Elle s'applique d'elle - même à la Peinture, & ne permet plus de dispute, ni au grammairien sur le sens d'urere, ni au peintre sur le procédé. Pline fait mention de ce vernis au livre XXXIII. mais il ne dit pas un mot de l'ustion: or on s'en est rapporté à Pline, & voilà d'où est venu l'embarras.

Ce n'est qu'en supposant une ustion réelle, que le dystique suivant a un sens net:

Eneaustus Phaëton tabulâ depictus in istâ est: Quid tibi vis, Dipyron qui Phaëtonta facis? Martial, liv. IV. Epigr. xlvij. « Ce tableau est un Phaëton brûlé: pourquoi Phaëton est - il brûlé deux fois?»

Preuve que l'ustion ne se faisoit qu'après la peinture.

Autre observation. Aussi - tôt qu'il s'agit des anciens, on n'imagine que du parfait, sans suivre les progrès de l'art. Cela est fort à leur honneur; mais ce n'est point la marche de l'esprit humain, & il n'est pas absurde que les anciens, avec d'excellens sculpteurs, n'ayent eu que de médiocres peintres.

Ils avoient un vernis encaustique à la cire: ils imaginerent de teindre la cire, pour la substituer à la détrempe; mais il ne faut pas croire qu'ils en eussent de trente - six couleurs. Pline, liv. XXXV. chap. vij. en nomme quelques - unes, & dit: Cerae tinguntur iisdem his coloribus ad eas picturas, quae inuruntur. « C'est avec ces couleurs qu'on teint les cires pour les peintures qui se brûlent ».

Il dit plus positivement ailleurs, qu'autrefois les peintres, & Polygnote entr'autres, n'employoient que quatre couleurs, le blanc, le jaune, le rouge, & le noir, & toutes très - communes. Ils n'avoient ni bleu, ni verd.

Ce ne fut pas d'abord des peintures au pinceau; ils gravoient; ils imaginerent d'enluminer leurs gravûres. La détrempe avoit peu de consistance; ils employerent leurs cires colorées, & l'ustion en fit des encaustiques. Quelle que fût d'ailleurs leur manoeuvre, car faute de guide on ne peut faire ici que des conjectures hasardées, on conçoit que ces manieres dûrent précéder l'encaustique au pinceau, qui évidemment étoit plus difficile. On conçoit encore que ces peintures devoient être assez grossieres, & ceci n'est point une idée de système.

Quintilien en parle ainsi, liv. X. Primi quorum quidem opera non vetustatis modo gratiâ visenda sunt, clari pictores fuisse dicuntur Polygnotus atque Aglaophon, quorum simplex color tam sui studiosos adhuc habet, ut illa propè rudia, ac velut futuroe mox artis primordia maximis qui post eos extiterunt auctoribus proeferantur, proprio quodam intelligendi (ut mea fert opinio) ambitu.. « Les premiers peintres célebres dont on doit voir les ouvrages, non pas seulement parce qu'ils sont anciens, sont Polygnote & Aglaophon. Leur coloris simple a encore des partisans si zélés, qu'ils préferent ces préludes grossiers de l'art qui alloit naître, aux ouvrages des plus grands maîtres qui ont paru après eux; & cela, je pense, par une certaine affectation d'intelligence qui leur est particuliere ».

Zeuxis qui, selon le même Quintilien, inventa le premier l'art des ombres & des clairs, montra un art qui vraissemblablement ne fut pas fort cultivé; car le même auteur dit, liv. VIII. ch. v. Nec pictura in quâ nihil circumlitum est, eminet. Ideòque artifices, etiàm cùm plura in unam tabulam opera contulerunt; spatiis distinguunt, ne umbroe in corpora cadant. « La peinture ne sort point, si les entours des corps ne sont ombrés. Aussi les artistes qui ont mis plusieurs figures dans un tableau, laissent entr'elles des intervalles, pour que les ombres ne tombent pas sur les figures ». C'est - à - dire qu'ils n'entendoient guereni le clair - obscur, ni les reflets, ni la dégradation des teintes, & toutes les finesses de la perspective, qui font le charme de la peinture: aussi leurs compositions n'étoient pas chargées, & tout devoit y être distribué sur les devans, comme dans leurs bas - reliefs.

Cela devoit être encore plus dans l'encaustique au pinceau, par l'embarras de manier les cires. De - là vient que Pausias ne faisoit guere que de petits tableaux, & sur - tout des enfans. Ses envieux en donnoient pour raison, que cette espece de peinture étoit lente; c'est pourquoi voulant donner de la célébrité à son art, il acheva dans un jour un tableau qui représentoit encore un enfant. Cette production parut singuliere, puisqu'on lui donna un nom, H(MERH/SIOS2, peinture d'un jour. Pline qui rapporte ces faits, livre XXXV. chap. xj. ajoûte, comme quelque chose de remarquable, que Pausias peignit aussi de grands tableaux; & il fait ailleurs la même observation sur Nicias: fecit & grandes picturas.

En effet la difficulté étoit toute autre. On conçoit qu'en petit, le peintre pouvoit donner au bois par - dessous, un degré de chaleur capable de maintenir à un certain point la liquidité des cires, pour fondre ses teintes, & donner aux couleurs leur ton; au lieu qu'en grand il falloit travailler à grands coups de brosse & avec une main sûre, comme dans la fresque, sans autre ressource pour retoucher son tableau, que le moment même de l'inustion; laquelle ne pouvant se faire que par - devant, devoit gêner la main de l'artiste.

Cet encaustique étoit sans doute bien plus pratiquable dans les vaisseaux, où il falloit plûtôt de grandes & bonnes ébauches, que des peintures finies avec le dernier soin; car ce n'étoit pas seulement des couleurs appliquées, mais des figures; quand Pline ne l'auroit pas dit, Ovide le prouveroit:

. . . . . Et picta coloribus ustis Coelestûm matrem concava puppis habet. Fast. liv. IV. vers. 274. « Et la pouppe représente la mere des dieux peinte en couleurs brûlées ».

Qu'on ne dise point que si ces tableaux encaustiques avoient été imparfaits, les Romains n'en auroient pas fait si grand cas. Ils étoient estimables sans doute; mais c'étoit par la noblesse des idées & l'élégance du dessein, sur - tout dans un tems où le faux brillant & le mauvais goût faisoient abandonner la nature, au moment que les Grecs l'avoient à peine saisie. Je parle d'après Vitruve, livre VII. ch. v. Et de son tems, avec des couleurs plus fines & plus cheres, on ne voyoit que des idées fausses & sans art, telles à - peu - près que ces ornemens bisarres dont sont chargés nos anciens manuscrits. Nous les traitons de gothiques, & c'est du goût romain, & du meilleur siecle. De plus, cette peinture avoit sur la détrempe l'avantage d'une vigueur & d'une solidité à l'épreuve de l'air, du soleil & des vers; comme elle en a un autre fort considérable sur notre peinture à l'huile, celui d'un mat uniforme: d'où résulte une harmonie flateuse, & indépendante des jours.

On doit voir à - présent ce que c'étoit que l'encaustique des anciens. Ceux qui ont travaillé à nous le restituer, paroissent n'avoir pas seulement pensé aux deux premieres especes, & vraissemblablement il n'y a pas grand mal. Ne nous occupons donc, com<pb-> [p. 609] me eux, que de la troisieme, de l'encaustique au pinceau. Voici le résultat de tout ce qui précede, & l'ordre des opérations.

1°. Il avoient des cires colorées, cerae tinguntur iisdem his coloribus. Ces cires étoient peut - être mêlées d'un peu d'huile, pour les rendre plus fusibles & moins cassantes, paulò oleo temperatam; & ils les conservoient dans des boîtes à compartimens, dit Varron, liv. II. de re rust. Pictores loculatas habent arculas, ubi discolores sunt ceroe; si cependant ces boîtes n'étoient pas pour les tenir en fusion.

2°. Ils faisoient fondre ces cires, & les employoient au pinceau, resolutis igni ceris, penicillo utendi; soit qu'ils fissent leurs teintes dans des godets chauds, soit au bout du pinceau, comme font quelquefois nos peintres.

3°. Ils fixoient leur tableau par l'inustion, picturam inurere. Je dis leur tableau, parce que le mot pictura ne signifie point des couleurs, mais ou l'art de peindre, ou le tableau. Ils les fixoient avec un réchaut plein de charbons, qu'ils promenoient à la surface: carbonibus in ferreo vase compositis, comme dit Vitruve. Ce ferreum vas, ce réchaut étoit sans doute le même instrument dont il est fait mention dans le digeste sous le nom de cauteria.

4°. Enfin ils frotoient & polissoient le tout avec des linges nets, linteis puris subigat; opération qui doit donner l'éclat du vernis, sans en avoir les défauts.

Toute peinture qui ne remplira pas ces conditions, les trois premieres sur - tout, ou qui ne les remplira pas dans cet ordre, pourra égaler, surpasser même l'encaustique des anciens, mais ne sera jamais leur encaustique.

C'est l'art de peindre avec des cires colorées, & de fixer la peinture par l'inustion; & ce n'est que cela. Ce même art qu'on appelloit communément encaustique, inustion, Callixene de Rhodes, dans Athénée, le nomme KHROURAFI/AN, peinture en cire. Il n'y en avoit qu'un.

Voilà, je crois, des principes incontestables, & suffisans pour apprécier sûrement toutes les manieres de peindre à la cire connues jusqu'à présent. Nous les devons à M. le comte de Caylus, & à M. Bachelier, peintrc; ce sont les seuls qui puissent prétendre au titre d'inventeurs ou de restaurateurs de l'encaustique. Ceux qui nous ont donné des ouvrages dans ce genre, ne sont que leurs disciples, puisqu'ils n'ont travaillé que d'après eux.

M. le comte de Caylus a publié cinq manieres, dont les quatre premieres sont, selon lui, autant de vrais encaustiques.

Premiere maniere de peindre en cire, selon M. de Caylus.

Couleurs, teintes, peinture, tout se prépare & se finit au bain - marie.

1°. Au lieu de pierre à broyer, faites construire une espece de coffre de fer - blanc de seize pouces quarrés sur deux & demi de hauteur, bien soudé partout, & sans autre ouverture qu'un goulot un peu élevé, pour le remplir d'eau. Sur la surface quarrée du côté de laquelle le goulot s'éleve, faites appliquer & attacher avec huit tenons de fer - blanc, une glace de l'épaisseur ordinaire, qui ne soit qu'adoucie, & qui conserve assez de grain pour broyer les couleurs: elles glisseroient sur une glace polie. Remplissez àpeu - près ce coffre d'eau, mettez - le sur le feu, chargez la glace de cire & de couleurs; la cire fondra, & vous broyerez avec une molette de marbre, que vous aurez eu la précaution de faire chauffer. Enlevez la couleur broyée avec un couteau pliant d'ivoire; mettez - la refroidir, & préparez de même les autres couleurs.

2°. Au lieu de godets ordinaires, ayez un autre coffre de fer - blanc avec son goulot, de la même hauteur, & assez grand pour y percer symmétriquement dix - huit trous ronds, de quinze lignes de diametre. Dans ces trous, soudez autant de godets de fer - blanc d'un pouce de profondeur, de façon qu'ils plongent dans le coffre. Dans ces godets, mettez - en d'autres de crystal, pour n'avoir rien à craindre de l'étain du fer - blanc. Remplissez le coffre d'eau bouillante; les cires colorées fondront, & seront en état d'être employées.

3°. Au lieu de palette, ayez un troisieme coffret couvert d'une glace adoucie, & toute seinblable à la machine à broyer; remplissez - le d'eau bouillante, & formez vos teintes.

4°. Au lieu de chevalet, ayez encore un coffre de fer - blanc semblable au premier, mais plus grand, & dont la face supérieure soit de cuivre d'une ligne d'épaisseur, avec une coulisse de chaque côté, pour recevoir & assujettir la planche sur laquelle vous allez peindre (car il ne s'agit point ici de peindre sur toile). Seulement à l'angle opposé au goulot, vous ferez souder un robinet, pour pouvoir vuider & remplir, quand il faudra renouveller l'eau bouillante, sans cependant exposer les cires à couler.

5°. Enduisez le côté de la planche sur lequel vous devez peindre, de plusieurs couches de cire blanche, dont vous fondrez les premieres avec une poële pleine d'un brasier ardent, pour les faire entrer dans le bois, comme le pratiquent les Ebénistes. Pour plus grande précaution, & de peur que la planche ne se voile par la chaleur, composez - la de trois petites planches d'une ligne d'épaisseur, collées l'une sur l'autre, de façon que leurs fibres se croisent à angles droits.

6°. Enfin ajustez la planche dans les coulisses, & peignez.

Voilà des cires colorées. On peint avec ces cires colorées, mais on ne brûle point la peinture; il n'y a point d'inustion, la troisieme condition manque: c'est donc une peinture en cire, & non l'encaustique des Grecs.

D'ailleurs la multiplicité des machines, d'une part, de l'autre la difficulté d'avoir & d'entretenir toûjours de l'eau au degré de chaleur convenable, rendent cette maniere rebutante, & les effets ne satisfont point un goût difficile, quoique peut - être la maniere des Grecs fût encore plus imparfaite.

Ajoûtez qu'on ne peut peindre qu'en bois, & en petir, ce qui borne trop l'art. M. de Caylus, qui porte lui - même ce jugement de cette premiere maniere de peindre, s'est déterminé par ces raisons, à chercher des moyens plus faciles & plus sûrs.

Seconde maniere de peindre en cire, selon M. de Caylus.

Prenez des cires colorées, préparées comme dans la maniere précédente: faites - les fondre dans l'eau bouillante; une once de cire, par exemple, dans huit onces d'eau. Quand elles seront fondues, battez - les avec une spatule d'ivoire ou avec des osiers blancs, jusqu'à ce que l'eau soit refroidie. La cire par cette manoeuvre se divisera en petites molécules, & fera une espece de poudre qui nagera dans l'eau, & que l'on conservera toûjours humide dans un vase bouché, parce que si elle étoit seche, les molécules se colleroient, & ne pourroient servir.

Ces cires ainsi préparées, mettez dans des godets une portion de chacune, & travaillez avec des pinceaux ordinaires, comme si vous peigniez en détrempe. Vous ne formerez cependant point les teintes sur la palette avec le couteau, car la cire seroit exposée à se peloter; mais au bout du pinceau. Il convient de peindre sur le bois à crû; mais on peut aussi opérer sur un enduit de cire.

Le tableau étant achevé, vous viendrez à l'inuf<pb->

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