ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"382"> tinuellement, pour peu qu'il y eût de disposition. Je ne puis approuver au reste que l'on fixe aux deux côtés de chaque pilier un anneau de fer, à l'effet d'y attacher les renes du filet ou du mastigadour, lorsqu'on tourne le cheval de façon que sa croupe soit à l'auge. En premier lieu, ces anneaux peuvent demeurer relevés & non applatis contre les piliers, sans qu'on s'en apperçoive; & le cheval qui rentreroit à sa place avec vivacité, pourroit s'y prendre & s'y engager par quelques parties de son harnois, ou se heurter & se blesser. D'une autre part il faut convenir qu'ils sont dès - lors multipliés sans nécessité; car un seul anneau placé au - devant du pilier, environ deux pouces & demi au - dessus du trou dont nous avons parlé, suffiroit assûrément pour contenir la longe droite & la longe gauche de deux chevaux qui sont voisins, & l'on éviteroit les risques des heurts, des contusions & des déchiremens de quelques portions de l'équipage de l'animal. A l'égard du crochet posé au - dessus du lieu que je prescris, & que j'assigne à cet anneau, il peut être utile pour suspendre un moment une bride, un bridon, &c. mais il n'est pas si nécessaire qu'on ne puisse s'en passer.

Au moyen des séparations pratiquées selon que je viens de l'expliquer, on peut ne laisser qu'un intervalle de quatre piés pour la place de chaque cheval; mais celles que forment de véritables cloisons seroient trop étroitement espacées, si cet intervalle ne comprenoit que cinq piés de terrein. Ces cloisons sont communément en bois de chêne; les planches en sont exactement assemblées & languetées; nul clou ne peut porter atteinte au cheval; nulle fissure, nulle aspérité, n'endommagent ni ses crins ni ses poils; une de leurs extrémités est insérée par coulisse dans le pilier; l'autre est arrêtée à l'auge, & elles montent depuis le sol pavé ou parqueté, jusqu'à la hauteur des piliers & des fuseaux du ratelier. Outre la sûreté dans laquelle cet arrangement constitue les chevaux, il est certain que leurs places sont toûjours plus propres, sur - tout si elles sont garnies de madriers; & ils se trouvent pour ainsi dire emboîtés, de maniere qu'ils sont à l'abri d'une multitude d'accidens qui ne sont que trop fréquens, lorsqu'on n'établit que des barres entre eux. On ne doit pas au surplus oublier de garnir les murs qui terminent les rangs d'une semblable cloison; elle garantit le cheval de toute humidité, n'entame pas son poil, & ne porte aucune atteinte à ses crins dans le cas où il entreprend de se froter.

Dans la distribution des jours qui doivent éclairer les écuries, il est d'une nécessité absolue d'avoir égard aux yeux de ces animaux. En les exposant aux traits d'une lumiere vive & continuelle, leur vûe se perd bien - tôt, ou s'affoiblit. Les écuries simples, ou à un seul rang, présentent à cet égard moins de difficultés que les autres. Il est aisé d'y pratiquer des fenêtres dans le mur qui fait face aux croupes, & l'on a de plus la commodité d'y fixer des chevalets pour y placer les selles, d'y implanter des crosses ou des crochets au - dessous des mêmes chevalets, à l'effet de suspendre les brides, bridons, &c. & de ranger en un mot derriere les chevaux tout ce qui est d'usage pour leur service.

On ne peut joüir des mêmes avantages dans la construction des écuries à double rang, les croupes se trouvant vis - à - vis les unes des autres. En premier lieu, les palefreniers ne sauroient avoir sous leurs mains tout ce qui, eu égard à ce même service, devroit être à leur portée, à moins qu'on ne ménage d'espace en espace selon la longueur du vaisseau, une plus ou moins grande étendue de terrein, à l'effet d'y receler tous les équipages & tous les instrumens nécessaires. En second lieu, on ne peut y être tellement maître des jours, que les yeux des chevaux n'en soient incommodés, sur - tout si ce même vaisseau est médiocrement élevé.

Quant aux écuries à double rang, les têtes placées vis - à - vis les unes des autres, au moyen d'une séparation quelconque, élevée dans le milieu même du vaisseau à une hauteur convenable, il est certain qu'elles ne different point des écuries simples, puisqu'une seule de celles - là en compose en quelque façon deux de celles - ci. On en voit une à Naples, qui prouve que quelque décorées & quelque embellies qu'elles puissent être, elles n'offrent jamais aux yeux un spectacle aussi satisfaisant, que celui que leur présentent les premieres écuries à double rang dont j'ai parlé.

Je n'examinerai point si ces sortes d'édifices en général ont acquis, relativement à l'Architecture, toute la beauté & toute la perfection dont ils peuvent être susceptibles; mais persuadé de l'importance d'observer dans des constructions de cette espece, une multitude de points également essentiels à la sûreté, à la conservation des chevaux, à la commodité des hommes auxquels on en confie le soin, & qui ne sont que trop fréquemment rebutés à l'aspect des travaux les moins pénibles, j'imagine que ces mêmes points sont le principal objet que l'on doit envisager dans le plan que l'on forme, & dont on medite l'exécution.

On doit à M. Soufflot architecte du roi, le fragment d'écurie, qui occupera une place dans les Planches de cet ouvrage. Je m'empresserois ici de lui rendre l'hommage le plus légitime par un tribut d'éloges, dont un mérite réel & connu garantiroit la sincérité, & que l'amitié ne sauroit rendre suspects, si d'une part ce même mérite ne l'élevoit au - dessus des loüanges qu'on ne peut refuser à des talens supérieurs, & si de l'autre, la discussion de ses idées sur ce genre de bâtiment ne suffisoit pas à sa gloire.

La stabilité de l'édifice & la nécessité de le mettre à l'abri de l'incendie, paroissent avoir d'abord fixé son attention. L'écurie qu'il propose est voûtée en are surbaissé, & a une hauteur proportionnée. Au - dessous de cette voûte est pratiqué le fenil; il l'a recouvert d'une voûte gothique, qui sans l'entremise d'aucune charpente, porte les tuiles destinées à couvnr ce vaste bâtiment. Ces voûtes ne pouvoient se soûtenir que par une épaisseur de mur très - dispendieuse, ou par des contre - butes difformes & très - défectueuses à la vûe; mais ces deux inconvéniens, bien loin d'étonner M. Soufflot, n'ont été pour lui qu'une occasion de déployer son génie, & de démontrer que les vrais maîtres de l'art trouvent dans les difficultés mêmes les plus grandes ressources. Il a en effet lié jusqu'au premier cordon, par des murs médiocrement épais, ces butes les unes aux autres, & n'a laissé paroître de leur saillie que ce qui convient à des pilastres, dont elles tiennent lieu dans la décoration extérieure qui annonce l'incombustibilité de son ouvrage. Supérieurement à ce premier cordon, ces butes sont liées par une balustrade, au - dessus de laquelle on n'apperçoit que le mur intérieur sur lequel ces voûtes sont assises; & c'est dans ces renfoncemens que sont pratiqués les deux ordres de fenêtres qui éclairent l'écurie & le fenil. Par cette maniere d'obvier à la difformité & à la dépense que l'élévation des deux voûtes sembloit nécessairement entraîner, M. Soufflot s'est encore ménagé les moyens d'une construction aussi singuliere qu'avantageuse; il a placé entre le mur intérieur & le mur extérieur, des corridors à différens étages, qui regnent autour de son édifice. Celui qui est le plus élevé, a pour plafond les dessous des chéneaux de pierre qui reçoivent les eaux pluviales du toît; il sert à visiter ces [p. 383] chéneaux, à les réparer dans le besoin; & comme il est lui - même pavé avec beaucoup de précaution, il conduit les eaux qu'ils peuvent avoir laissés filtrer, dans des tuyaux de descente destinés à leur écoulement. Le second, qui n'est proprement qu'une espece de galerie couverte, interrompue par les butes dans la saillie desquelles il a pratiqué des communications, est un passage pour arriver aux vitraux, pour les ouvrir, & pour les fermer; & ces vitraux étant placés dans les lunettes de la voûte, la direction de la lumiere est telle qu'elle ne frappe que la croupe des chevaux. Quant aux jours du grenier au foin, ils sont au - dessus de ceux - ci. Enfin le troisieme corridor qui est fermé de toutes parts, est éclairé par des fenêtres percées dans le soubassement de l'édifice; il communique avec l'écurie par autant d'ouvertures qu'il est de places cloisonnées, & avec le dehors, par des portes distribuées avec symmétrie dans l'ordre des fenêtres pratiquées: ces portes servent à pousser au - dehors les ordures & la poussiere dont on le nettoye, & ces ouvertures, à la distribution du fourrage nécessaire aux chevaux.

En considérant l'intérieur du bâtiment, on voit que M. Soufflot s'est à - peu - près conformé aux mesures que nous avons fixées, relativement à l'espace que doit occuper chaque cheval, & eu égard à l'étendue du terrein qui livre un passage derriere eux, & qui se trouve entre deux ruisseaux, suivans parallelement toute la longueur de l'écurie: chaque place est construite en plate forme. Nous avons, malgré les objections qui nous ont été faites, persévéré dans la presérence que nous donnons aux madriers sur le pavé, de quelque espece qu'il puisse être; parce que nous ne croyons pas que l'expérience soit d'accord avec les idées de ceux qui prétendent que des chevaux sédentaires sur des planches, souffrent ensuite dans leur marche, & redoutent les terreins durs & pierreux. L'ongle du cheval en effet ne peut jamais que se ressentir du fer dont son contour est inférieurement garni, sur laquelle la masse repose, & qui garantit le pié de l'impression & du heurt direct de tous les corps quelconques qu'il rencontre: la seule partie de ce même ongle qu'il ne défend point, & qui n'est autre chose que la sole, n'est point exposée au contact du pavé; car il en arriveroit des contusions, telles que celles qui ont lieu lorsque l'animal a cheminé sans fer, & que nous appellons sole battue: ainsi l'usage du plancher nous présente non seulement tous les avantages dont j'ai parlé, & qui ne peuvent être détruits ou balancés par aucun inconvénient, mais celui de garantir l'animal de l'humidité du terrein; humidité qui perce toûjours, quelle que soit la litiere qu'on puisse faire.

M. Soufflot a appuyé les cloisons qui forment les séparations, d'une part, sur les trumeaux, & de l'autre, sur un pilier semblable à ceux qui servent communément à soûtenir les barres; il en a élevé la partie, qui répond à la tête du cheval, jusqu'à la hauteur de la traverse supérieure du ratelier. Ce sacrifice de la beauté du coup - d'oeil lui a d'autant moins coûté, qu'il importoit à la sûreté des chevaux, qui dès - lors ne sauroient s'entremordre, porter la tête hors de l'intervalle qui leur est assigné, se gratter, se frotter, &c. & il l'a d'ailleurs habilement compensé, puisqu'il met toutes les croupes à la portée de la vûe, en contournant supérieurement ces cloisons en une doucine terminée par la boule des piliers, dans lesquels elles sont engagées.

L'auge est de pierre. Les carnes en sont exactement abattues & arrondies. Le milieu de chacun des piés droits qui la soûtiennent, répond à chaque cloison, & contribue à l'affermir. Il a donné à ce canal, dont la profondeur est telle que celle que j'ai désignée, une legere pente de chaque côté; & au moyen d'un réservoir placé dans le milieu de l'écurie, un seul homme peut dans un moment, en tournant un robinet, le remplir d'eau pour abreuver tout un rang de chevaux, & l'en desemplir ensuite, en tournant à chaque extrémité la clé d'un autre robinet, par lequel cette même eau, dont on peut encore profiter de la retraite pour laver exactement l'auge, sera bien - tôt écoulée.

Ici les rateliers ne sont point saillans; il en est un pour chaque cheval à fleur de mur, & placé entre deux trumeaux qui laissent un enfoncement capable de contenir le fourrage que l'on distribue de dehors.

Pour donner l'intelligence de la maniere dont se fait ce service, j'observerai d'abord que M. Soufflot a creusé dans l'épaisseur des buttes qui sont entre chaque fenêtre, des puits ou couloirs. Les uns partent du corridor supérieur, & renferment les tuyaux de descente des eaux pluviales; les autres, qui répondent inférieurement au corridor le plus bas, & supérieurement au fenil, par un passage terminé par une mardelle, par - dessus laquelle on jette librement le fourrage, servent à couler également & le foin & l'avoine jusque sur ce même corridor, qui n'en est point embarrassé, puisque les bottes de foin & l'avoine ne sauroient s'y répandre, & n'en sortent qu'autant & à mesure que les palefreniers les en tirent.

Les enfoncemens ou les especes de niches fermées dans l'intérieur de l'écurie par les rateliers, & du côté du corridor, par des portes qui ne s'ouvrent qu'à la hauteur de la traverse supérieure de ces mêmes rateliers, sont le lieu dans lequel chaque portion nécessaire à l'animal est déposée. Un glacis, qui du haut de la paroi postérieure de l'auge incline dans le corridor, laisse échapper au - dehors la poussiere du fourrage, inférieurement soûtenu par un grillage dont la largeur égale la profondeur des niches.

M. Soufflot indique encore un autre moyen. Il masqueroit en quelque façon ces mêmes niches; la face du mur qui seroit ouverte en coulisse inclinée, & fermée du côté du corridor par un bon volet à double feuillure, descendroit jusque sur la traverse supérieure des rateliers, & le foin par son propre poids glisseroit dans cette coulisse contre leurs fuseaux; la grille du fond seroit assemblée par charniere avec la traverse inférieure; & il suffiroit au palefrenier de pouvoir y introduire la tête & les bras pour relever cette même grille contre le ratelier, à l'effet d'er lever toutes les ordures provenant des débris & de la poussiere du foin ou de la paille.

L'empire qu'usurpe l'habitude, la tyrannie qu'exerce l'usage, l'ascendant en un mot des vieilles erreurs sur l'esprit de la plûpart des hommes, sont autant d'obstacles à combattre lorsqu'on a le courage de s'écarter des routes ordinaires; les innovations même les plus sensées les révoltent & les blessent. Celle - ci tend d'une part à maintenir la propreté de l'écurie, qui n'est par ce moyen semée d'aucun brin de foin, & la propreté des chevaux, dont ni les crins ni le corps ne peuvent être chargés de la poussiere du fourrage, comme quand on les sert de l'intérieur. D'un autre côté, elle obvie à la perte qui se fait de ce même fourrage, lorsqu'on est obligé de le jetter du fenil hors de l'édifice pour le transporter ensuite dans l'écurie, & pour le distribuer encore à chaque cheval; elle supplée à ces communications dont une sage économie avoit suggeré l'idée, & que nous connoissons vulgairement sous le nom d'abat foin, mais qu'on ne pratique plus dans des constructions bien ordonnées, & qu'on n'apperçoit aujourd'hui que dans les écuries des hôtelleries, des cabarets, & de quelques particuliers; en un mot elle pare au desagrément qui résulte, pour des personnes que la curiosité peut attirer, de la rencontre de nombre de palefreniers occupés du soin de distribuer chaque

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