ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"75"> formes l'un à l'autre, & tous deux signés des parties qui s'y engagent. (A)

Double emploi (Page 5:75)

Double emploi, est une partie qui a été portée deux fois en recette ou en dépense dans un compte. L'ordonnance de 1667, tit. xxjx, de la reddition des comptes, art. 21, porte qu'il ne sera procédé à la revision d'aucun compte; mais que s'il y a des erreurs, omissions de recette, ou faux emplois, les parties pourront en former leur demande, ou interjetter appel de la clôture du compte, & plaider leurs prétendus griefs en l'audience. Cet article ne parle pas nommément des doubles emplois, à moins qu'on ne les comprenne sous le terme de faux emplois, quoique faux emploi soit différent de double emploi, en ce que tout emploi double est faux; au lieu qu'un emploi peut être faux, sans être double: par exemple, si la partie employée ne concerne point l'oyant. Quoi qu'il en soit, il est certain, dans l'usage, que les doubles emplois ne se couvrent point, non plus que les faux emplois, ni les erreurs de calcul & omissions. (A)

Double lien (Page 5:75)

Double lien, (Jurispr.) est la parenté qui se trouve entre deux personnes, lesquelles sont jointes ex utroque latere, c'est - à - dire tant du côté paternel que du côté maternel, comme les freres & soeurs qui sont enfans des mêmes pere & mere, & que l'on appelle freres & soeurs germains; à la différence de ceux qui sont de même pere seulement, que l'on appelle consanguins; & de ceux qui sont seulement d'une même mere, que l'on appelle freres & soeurs utérins.

Dans quelques provinces, les freres & soeurs consanguins & utérins sont appellés demi - freres, demisoeurs, quasi juncti ex uno tantum latere. Cette expression est adoptée dans la coûtume de S. Aventin.

La distinction du double lien n'a lieu dans quelques pays que pour les freres & soeurs seulement, & pour leurs enfans. Dans d'autres pays, elle s'étend plus loin: c'est ce que l'on expliquera, après avoir parlé de l'origine du double lien.

Le privilége ou prérogative attaché au double lien dans les pays où il a lieu, consiste en ce que celui qui est parent du défunt ex utroque latere, est préféré dans sa succession à celui qui est seulement parent du côté de pere ou de mere.

Cette distinction du double lien étoit absolument inconnue dans l'ancien droit romain. Il n'en est fait aucune mention dans le digeste, ni dans les institutes; on y voit seulement que l'on distinguoit dans l'ancien droit, deux sortes de parens & d'héritiers en collatérale, savoir les agnats & les cognats; que les premiers appellés agnati ou consanguinci, étoient tous les parens mâles ou femelles qui étoient joints du côté du pere: il étoit indifférent qu'ils vinssent aussi de la même mere que le défunt, cette circonstance n'ajoûtoit rien à leur droit. Les cognats, co<-> gnati, étoient tous les parens du côté maternel.

Les agnats les plus proches étoient appellés à la succession, à l'exclusion des cognats mâles ou femelles, quoiqu'en même degré.

Par rapport aux agnats entre eux, la loi des douze tables n'avoit établi aucune distinction entre les mâles & les femelles du côté paternel; mais la jurisprudence avoit depuis introduit, que les mâles étoient habiles à succéder en quelque degré qu'ils fussent, pourvû qu'ils fussent les plus proches d'entre les agnats; au lieu que les femelles, même du côté paternel, ne succédoient point, à moins que ce ne fussent des soeurs du défunt.

Les préteurs corrigerent cette jurisprudence, en accordant la possession des biens aux femmes, qui n'avoient pas le droit de consanguinité comme les soeurs.

Enfin Justinien rétablit les choses sur le même pié qu'elles étoient par la loi des douze tables, en ordonnant que tous les parens mâles ou femelles, descendans du côté paternel, viendroient en leur rang à la succession, & que les femelles ne seroient point excluses sous prétexte qu'elles ne seroient point soeurs du pere du défunt, & quoique consanguini<-> tatis jura sicut germanoe non haberent. Instit. lib. III. tit. ij. . 3.

Il ajoûta, que non - seulement le fils & la fille du frere viendroient à la succession de leur oncle, mais que les enfans de la soeur germaine - consanguine & de la soeur utérine y viendroient aussi concurremment.

On voit ici les termes de germain, consanguin, & utérin, employés pour les freres & soeurs; mais on ne distinguoit point alors les freres & soeurs simplement consanguins, de ceux que nous appellons germains: on leur donnoit ces deux noms confusément, parce que les germains n'avoient pas plus de droit que les consanguins.

Ainsi jusque - là le privilége du double lien étoit totalement inconnu; il n'y avoit d'autre distinction dans les successions collaterales, que celle des agnats & des cognats; distinction qui fut abrogée par la novelle 118, qui les admit tous également à succéder, selon la proximité de leur degré.

Pour ce qui est de la distinction & prérogative du double lien, quelques auteurs, du nombre desquels est Guiné lui - même, qui a fait un traité du double lien, supposent mal - à - propos que cette distinction ne tire son origine que des novelles de Justinien.

En effet elle commença à être introduite par plusieurs lois du code. Il est vrai qu'elle n'étoit pas encore connue sous plusieurs empereurs, dont les lois sont insérées dans le code; ce qui fait qu'il se trouve quelque contradiction entre ces lois & celles qui ont ensuite admis le double lien. Par exemple, la loi 1ere. au code de legitimis hoeralibus, qui est de l'empereur Alexandre Severe, décide que les freres & soeurs succedent également, quoiqu'ils ne soient pas tous d'une même mere: ainsi l'on ne connoissoit point encore le double lien.

La plus ancienne loi qui en fasse mention, est la loi quoecumque 4e, au code de bonis quoe liberis, &c. Cette loi est des empereurs Leon & Anthemius, qui tenoient l'empire en 468, soixante ans avant Justinien. Elle ordonne que tous les biens advenus aux enfans ou petits - enfans, mâles ou femelles, d'un premier, second, ou autre mariage, soit à titre de dot ou donation, ou qu'ils ont eu par succession, legs, ou fidei - commis, appartiendront, quant à l'usufruit, au pere qui avoit les enfans en sa puissance; que la propriété appartiendra aux enfans ou petitsenfans, mâles & femelles, du défunt, quoiqu'ils ne fussent pas tous procréés du même mariage dont les biens sont provenus à leurs pere ou mere.

Que si quelqu'un desdits freres ou soeurs décede sans enfans, sa portion appartiendra à ses autres freres & soeurs survivans, qui seront conjoints des deux côtés.

Que s'il ne reste plus aucun de ces freres & soeurs germains, alors ces biens passeront aux autres freres & soeurs qui sont procréés d'un autre mariage.

Voilà certainement la distinction & la prérogative du double lien bien établies par cette loi, du moins pour le cas qui y. est prévû. Il n'est donc pas vrai, comme l'ont dit Guiné & quelques autres auteurs, que le privilége du double lien ait été introduit par Justinien; il ne s'agissoit plus que de l'étendre aux biens dont l'empereur Leon n'avoit pas parlé: c'est ce qui a été fait par deux autres lois du code, & par trois des novelles.

La seconde loi qui est de l'empereur Justinien, est la loi sancimus onzieme & derniere, au code com<pb-> [p. 76] munia de successionibus. Cette loi, dans l'arrangement du code, se trouve précédée par la troisieme, dont on parlera dans un moment: mais elle est la plus ancienne dans l'ordre des dates & de la publication.

Justinien y rappelle d'abord ce qui avoit été reglé pour l'ordre de succéder aux biens que les fils de famille avoient recueilli de leur mariage. Il paroît qu'il a cu en vûe la loi quoecumque de l'empereur Leon: l'analyse qu'il en fait n'est cependant pas parfaitement exacte, car il suppose que cette loi ne parle que des biens que le fils de famille a acquis à l'occasion de son mariage: cependant elle comprend aussi dans sa disposition, ceux qui sont advenus au fils de famille par succession, legs, ou fidei - commis.

Quoi qu'il en soit, Justinien ordonne que le même ordre qui a été établi pour la succession aux biens que le fils de famille a gagnés à l'occasion de son mariage, sera observé pour les biens qui lui sont échûs de la ligne maternelle, à quelque titre ou occasion que ce soit, entre - vifs, à cause de mort, ou ab intestat: il détaille même cet ordre à peu - près dans les mêmes termes que l'empereur Leon, & par - là adopte expressément l'usage du double lien.

La troisieme loi qui est aussi de l'empereur Justinien, est la loi de emancipatis 13, au code de legi<-> timis hoeredibus; elle ordonne que si un fils de famille, émancipé par son pêre, décede ab intestat & sans enfans, sa succession sera reglée suivant ce qui avoit déjà été ordonné pour les biens maternels & autres. Il paroît qu'en cet endroit il veut parler de la loi sancimus: « Le pere, dit - il, aura l'usufruit des biens sa vie durant, & les freres & soeurs la propriété, excepté néanmoins les biens maternels qui appartiendront aux freres & soeurs procréés de la même mere, à l'exclusion des autres freres & soeurs ».

La derniere partie de cette loi, si on la prend à la lettre, semble à la vérité établir la distinction des biens & des lignes, plûtôt que la prérogative du dou<-> ble lien; & c'est pourquoi l'explication de cette loi a beaucoup partagé les docteurs. La plus saine partie a soûtenu que cette disposition ne pouvoit s'entendre que des freres & soeurs germains, & non des utérins, qui n'ont pas encore le droit de succéder concurremment avec les consanguins; & pour être convaincu de la solidité de cette interprétation, sans entrer dans une longue discussion à ce sujet, il suffit d'observer que dans la premiere partie la loi se réfere aux deux lois précedentes, qui établissent suffisamment la prérogative du double lien, & qu'il n'y a pas d'apparence que Justinien ait entendu dans la derniere partie de cette loi, ordonner quelque chose de contraire à la premiere partie, & aux deux lois précedentes qu'il a laissé subsister. Les lois 14 & 15 du même titre, confirment encore ce que l'on vient de dire; car elles appellent les freres & soeurs consanguins & utérins, & leurs enfans concurremment, dans les cas qui y sont exprimés.

Quoi qu'il en soit, il est certain, de l'aveu des auteurs, que la novelle 118, qui appelle indistinctement après les freres germains, tous ceux d'un seul côté, abolit en sa préface toutes lois contraires; au moyen de quoi elle auroit dérogé à la distinction des biens & des lignes, supposé qu'elle eût été établie par la loi de emancipatis.

Nous ne parlons point en cet endroit des authentiques qui font mention de la prérogative du double lien, & que l'on a inserées en différens titres du code, étant plus convenable, pour voir les progrès de la jurisprudence, de remonter d'abord aux novelles qui en sont la source, & de rapporter sous chacune les authentiques qui en ont été tirées.

Il est singulier que Guiné & quelques autres auteurs qui ont traité du double lien, n'ayent fait mention que de la novelle 118, & n'ayent rien dit des novelles 84 & 127, dont l'une précede la novelle 118, & l'autre a pour objet de l'interpréter.

La novelle 84 est composée d'une préface & de deux chapitres.

Dans la préface l'empereur propose l'espece d'un homme qui ayant des enfans d'un premier mariage, convole en secondes noces, dont il a des enfans qui sont, dit - il, consanguins à l'égard de ceux du premier lit, mais non pas utérins. Cet homme passe ensuite à un troisieme mariage, & en a des enfans: après sa mort sa femme se remarie, & a de son second mariage des enfans qui sont freres utérins de ceux de son premier mari, mais non pas consanguins. La mere étant décedée, un des enfans du troisieme mariage meurt aussi, sans enfans & ab intestat, laissant plusieurs freres, les uns consanguins, les autres utérins, d'autres consanguins & utérins: ce sont les termes de la novelle. Il fut question de savoir si tous les freres du défunt, germains, consanguins & utérins, devoient être admis tous ensemble à la succession.

Dans le chapitre j. Justinien dit qu'ayant examiné toutes les lois anciennes, & celles qu'il avoit faites lui - même, il n'en avoit point trouvé qui eût décidé la question; que des freres du défunt, les uns (c'est - à - dire les utérins) avoient les droits de cognation, que l'empereur avoit fait concourir avec les héritiers légitimes (c'est - à - dire les freres consanguins, qui succédoient en vertu de la loi); que les uns tenoient au défunt du côté du pere, d'autres du côté de la mere; enfin que d'autres étoient procréés des mêmes pere & mere, & undique veluti quoddam si<-> gnum eis germanitatis resplendebat.

Il y a apparence que plusieurs de nos coûtumes ont tiré de - là le nom de freres & soeurs germains. On trouve bien dans quelques lois du code les termes de soeurs germaines - consanguines, germanoe consangui<-> neoe, ou germanoe simplement; mais ces termes ne signifioient encore autre chose que des soeurs consan<-> guines: on les appelloit germanas, quasi ex eodem ger<-> mine natas; c'est pourquoi germanoe & consanguineoe étoient des termes synonymes, & même souvent conjoints.

La novelle décide que les freres germains doivent être préférés aux freres consanguins & utérins.

Justinien donne pour motif de cette décision, la loi qu'il avoit déjà faite pour les biens maternels, qui est la loi sancimus, dont il rappelle les dispositions; & il ajoûte que puisque cette loi avoit lieu au profit des freres germains, dans le cas où le pere étoit encore vivant, à plus forte raison devoit - elle avoir lieu lorsque le pere étoit mort, & que ce qui avoit été ordonné, tant pour les biens maternels que pour ceux que le défunt avoit gagnés à l'occasion de son mariage, & autres dont le pere n'avoit pas la propriété, auroit lieu pareillement pour tous les autres biens du frere défunt; c'est - à - dire que les freres germains seroient préférés aux freres consanguins & utérins, pour tous les biens, sans aucune distinction, de côté paternel & maternel.

Il ordonne encore que la même regle sera observée, au cas que le pere n'eût contracté que deux mariages, & excludant duplici utentes jure eos qui uno solo uti possunt: c'est sans doute de - là qu'on a pris l'idée du terme de double lien.

Enfin dans le chapitre ij. il ordonne que s'il ne se trouve point de freres germains, mais seulement des freres consanguins ou utérins, la succession sera réglée entr'eux suivant les anciennes lois; par où il paroît avoir eu en vûe les lois du code, dont on a ci - devant fait l'analyse.

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