ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"342"> nous avons suivi celui qui a été le premier employé, comme le plus simple. Aujourd'hui on met ordinairement un bouchon dans la bouteille, au - travers duquel passe un fil - de - fer qui va tremper dans l'eau, & dont l'extrémité qui deborde le bouchon, est courbée comme un anneau: on l'appelle le crochet. Par ce moyen on se sert plus commodément de cette bouteille; & l'ayant chargée, on peut la transporter où l'on veut.

Après avoir donné notre explication des causes de l'expérience du coup foudroyant, il est à propos de dire, comme nous l'avons promis, deux mots de celles qu'en ont donné les plus habiles physiciens, comme MM. l'abbé Nolet, Jallabert, Watson & Franklin.

Selon le premier, tout dans cette expérience consiste à électriser un corps fortement, lequel cependant on puisse toucher & manier sans lui rien faire perdre de sa vertu; & la commotion que l'on ressent, vient de ce que la matiere électrique du corps non - électrisé qui fait l'expérience, est vivement & en même tems choquée d'un côté par celle qui sort du conducteur; & de l'autre, par celle qui s'élance de la bouteille. Selon M. Jallabert, au moment de l'expérience, deux courans d'un fluide très - élastique mûs avec violence, entrent & se précipitent dans le corps par deux routes opposées, se rencontrent, se heurtent, & leur mutuelle répulsion cause une condensation forcée de ce fluide en diverses parties du corps. Selon M. Watson, lorsque la personne qui fait l'expérience de Leyde ou du coup foudroyant, tire l'étincelle du conducteur, elle perd au moment de l'explosion qui se fait alors, autant de feu de son corps, qu'il y en avoit d'accumulé dans l'eau & dans le canon de fusil; & elle sent dans ses deux bras l'effet du courant de son feu qui passe à - travers l'un, au canon de fusil; & à - travers l'autre, à la phiole ou à la bouteille. Enfin, selon M. Franklin, la commotion n'a lieu qu'en conséquence de la prodigieuse condensation du fluide électrique dans la surface du verre touchée par le corps électrisable par communication électrisé, comme l'eau, le métal, &c. & raréfié au même degré dans la surface opposée; & ce fluide, pour se rétablir en équilibre, ne pouvant passer à - travers le verre, qui, selon cet auteur, y est imperméable; ce fluide, dis - je, dans l'instant que l'on tire l'étincelle, se précipite avec une rapidité inexprimable à - travers le corps électrisable par communication, qui fait la jonction du conducteur à la bouteille, pour entrer dans la surface du verre de cette bouteille, dans laquelle il avoit été tant raréfié.

On voit par cet exposé de la doctrine de M. Franklin sur la cause du coup foudroyant, que la nôtre y a assez de rapport. Nous prétendons en effet, comme lui, qu'il se fait un mouvement du fluide électrique, du crochet de la bouteille vers son ventre; & il faut en convenir. Il est le premier qui à cet égard ait bien observé ce qui se passe dans cette expérience, & nous sommes d'accord avec lui, quant aux effets en général, mais d'une opinion tres - différente de la sienne. On vient de voir que, selon lui, le verre est imperméable à la matiere électrique; que lorsqu'on charge la bouteille, il sort autant de fluide électrique de sa surface intérieure, qu'il en entre par l'extérieure. Or il ne prouve nullement l'imperméabilité du verre à la matiere électrique, d'une maniere décisive, non plus que la seconde proposition: tous les faits qu'il allegue à ce sujet étant équivoques, & pouvant tout aussi - bien provenir d'autres causes. Enfin on ne voit pas comment dans son système il pourroit expliquer ce qui arrive dans l'expérience que j'ai rapportée, où deux personnes ayant tout à la fois les mains sur la bouteille, celle qui ne tire pas l'étincelle du conducteur, ne laisse pas de sentir une secousse, & même assez vive, dans la partie qui communique avec la bouteille: car dans la supposition de M. Franklin, n'y ayant aucun fluide qui la traversât, elle ne devroit ressentir aucun choc; mais c'est ce qui est directement contraire à l'expérience. Quoi qu'il en soit, il faut rendre à cet habile physicien la justice de dire qu'il est le premier qui par un grand nombre d'expériences ingénieuses nous ait mis sur la voie de bien analyser ce qui se passe dans l'expérience du coup foudroyant; & en cela on peut dire qu'il n'a pas rendu un petit service à l'électricité. En effet, parmi tous ses différens phénomenes, il n'en est point dont il soit plus essentiel d'avoir une connoissance exacte, que de celui - ci, au moins quant à la route qu'y tient le fluide électrique. J'exhorte tous les Physiciens à la chercher, & à tâcher de la reconnoître; car comme on a crû qu'une expérience de cette nature devoit sûrement agir sur le corps humain, & qu'en conséquence on a crû en devoir faire l'application à différentes maladies, il est de la plus grande conséquence de savoir quelle route prend le fluide électrique; s'il va de la bouteille à - travers la personne au conducteur, ou de celui - ci à travers la personne à la bouteille. Pour peu effectivement qu'on y fasse attention, on voit que si l'on n'a pas une connoissance exacte de cette route, on peut, en appliquant cette expérience au corps humain, donner lieu à des effets directement contraires à ceux que l'on se proposoit de produire.

Après avoir donné une idée de ce qui se passe dans l'expérience du coup foudroyant, il fait voir qu'elle n'est qu'une suite des différentes propriétés du verre, & des corps non électriques par eux - mêmes qu'on y employe. Il ne sera pas difficile de satisfaire à plusieurs questions que l'on peut faire par rapport à cette expérience, & au procédé que l'on observe pour la faire. Ces questions nous paroissent pouvoir se réduire aux suivantes: 1°. si on peut substituer indifféremment toutes sortes de matieres à l'eau que l'on met dans la bouteille: 2°. si la grandeur ou la forme du vase n'y change rien: 3°. si l'on peut en augmenter la force, & comment: enfin si plusieurs personnes peuvent faire cette expérience tout à la fois comme une seule; ou, ce qui revient au même, si le circuit, le cercle ou la chaîne des corps non électriques par eux - mêmes, qui font la communication du ventre de la bouteille avec le conducteur dont on tire l'étincelle, peut avoir telle étendue qu'on veut; & si alors dans cette grande étendue l'effet est instantané.

On a vû qu'il n'étoit question dans cette expérience, que d'électriser le verre de communication. Toutes les substances capables de s'électriser de cette façon, & disposées sous une forme à toucher le verre en un grand nombre de points tout à la fois, y seront donc propres; ainsi tous les métaux réduits en limaille ou en feuilles, le plomb en grains, le mercure, un corps animé, &c. y conviendront fort bien, & enfin toutes les matieres bien électrisables par communication. Il y a cependant une remarque assez intéressante à ce sujet, par rapport aux métaux: c'est que lorsqu'ils sont calcinés on ne peut plus les y employer; quoique réduits en limaille, ils y servent très - bien: ainsi la céruse, le minium, & en général toutes les chaux de métaux, n'y conviennent pas, comme l'a observé M. Watson. Cela est d'autant plus singulier, que pour revivifier un métal de sa chaux, il ne faut, comme on sait, qu'ajoûter à celle - ci un peu de phlogistique. Or comme il y a toute apparence que c'est le phlogistique qui fait les corps originairement électriques, puisque nous voyons que la plûpart de ceux qui en contiennent beaucoup, sont dans ce cas, il sembleroit que cette addition devroit rendre le métal moins électrisable par communica<pb-> [p. 343] tion, que sa chaux: ce qui cependant, comme on vient de le voir, est contraire à l'expérience. Nous avons dit en parlant des propriétés du verre, que lorsqu'on ôtoit le contact de l'air d'une de ses surfaces, c'étoit comme si on la touchoit par des corps électriques par communication. Donc, si au lieu d'eau dans la bouteille, on y substituoit le vuide, si cela se peut dire; ou plûtôt si épuisant la bouteille d'air, on la scelloit hermétiquement, & qu'on électrisât bien son cou pendant qu'on la tiendroit par son ventre, on feroit avec cette bouteille ainsi préparée, l'expérience de Leyde, de même que si l'on y avoit mis de l'eau. Nous devons cette curieuse expérience à M. l'abbé Nolet. Enfin on la feroit encore, si au lieu de vuider la bouteille d'air, on l'emplissoit ou d'eau ou de limaille, &c. & qu'on la scellât hermétiquement, ainsi que je l'ai éprouvé. J'ai dit que les matieres substituées à l'eau dans cette expérience, devoient être des plus électrisables, & cela est ainsi; car le bois & d'autres substances, qui d'ailleurs ne laissent pas de s'électriser beaucoup par communication, n'y sont pas propres.

Ayant montré que la bouteille ne produisoit le coup foudroyant que par la propriété qu'a le verre, lorsqu'il a été fortement électrisé, de donner de l'électricité par le côté qui en a reçu, & d'en pomper par celui qui en a donné, on voit par rapport à la seconde question, que la forme du vase ou celle sous laquelle vous employez le verre, n'y fait rien; puisque cela ne peut apporter aucun changement à la propriété dont nous venons de parler: ainsi qu'il soit formé en bouteille, en cylindre, qu'il soit rond ou plat, &c. pourvû que les corps électrisables par communication qui touchent ses deux surfaces, laissent de chaque côté, comme nous l'avons dit, deux especes de rebords ou marges tout - autour pour empêcher l'électricité de passer d'une surface à l'autre le long de ces corps, on fera toûjours l'expérience de Leyde. En effet, on voit que le verre disposé en forme de carreau n'est, à le bien prendre, que la bouteille ou le vase développé & étendu. Cependant, quoique cette idée paroisse aujou d'hui fort simple, nous sommes en géneral si fort attachés à l'imitation, qu'il s'écoula près de deux ans depuis la premiere decouverte de cette expérience jusqu'au tems où l'on pensa à la faire de cette maniere. Le docteur Bevis & M. Jallabert furent les premiers qui s'en aviserent; mais il seroit difficile de décider lequel de ces deux savans a la date sur l'autre: car dans un mémoire que lut M. Watson à la société royale de Londres, le 21 Janv. (vieux style) 1748; il dit avoir tenté l'expérience de Leyde de cette maniere, sur ce que le docteur Bevis lui en avoit dit quelque tems auparavant; & M. Jallabert nous en parle dans son livre imprimé en Mars 1748, en nous disant qu'il ne sache pas que personne l'ait tentée avant lui de cette façon. Il est plus que vraissemblable que ces deux habiles physiciens se sont rencontrés; ce qui est arrivé déjà plusieurs fois, & qui arrivera apparemment encore souvent, si la même émulation à cultiver la Physique continue. Quoi qu'il en soit, il faut remarquer que le procédé du docteur Bevis differe en une circonstance essentielle de celui de M. Jallabert: celui - ci n'a fait son expérience qu'avec des glaces de miroir, dont l'étain alloit jusqu'au bord; celui - là au contraire laisse de chaque côté du verre deux rebords ou marges, semblables à ceux dont j'ai déjà parlé, & qui rendent par - là son procédé plus sûr que celui de M. Jallabert.

Pour répondre à la troisieme question, nous dirons que si l'on suppose le globe ou les globes que l'on employe capables de fournir une assez grande quantité d'électricité, plus le vase ou plûtôt le morceau de verre dont vous vous servirez pour faire l'expérience sera grand, plus l'expérience sera forte, ou plus les effets en seront considérables. En voici la raison. On ne peut enlever au verre son électricité, comme nous l'avons fait voir, qu'en le touchant tout - à - la - fois dans un grand nombre de parties, parce qu'alors vous enlevez, & dans un instant, l'électricité de chacune de ses parties: il s'ensuit donc que plus il y aura de parties du verre qui seront électrisées en même tems, plus vous enleverez d'électricité tout - à - la - fois, & par conséquent plus vous aurez d'effet. Il résulte deux choses de cette considération, non - seulement qu'il faut que le verre soit grand, mais encore que le métal, &c. qui le couvre le touche dans le plus grand nombre de points possibles, en supposant toûjours qu'on reserve les marges dont nous avons parlé. C'est M. Watson qui a découvert le premier que quand on augmentoit ainsi la quantité des points de la surface du verre touchée par le corps électrisable par communication, on augmentoit la force de l'expérience. Par ce que nous venons de dire, on conçoit que si l'on enleve dans un instant l'électricité d'une surface de 12 pouces en quarré, on aura un effet beaucoup plus grand que si l'on enlevoit celle d'une surface de 6 pouces, quoiqu'il fût fort difficile de déterminer dans quel rapport. Cependant, selon l'expérience ordinaire, il paroît que l'effet ne suit pas ici la loi des surfaces; car s'il la suivoit, il devroit être quadruple, & c'est ce qui ne paroît pas être: mais, comme nous venons de le dire, il est fort difficile de s'assûrer de ce qui en est. En effet, il faudroit pour cela être certain que la force du globe augmente comme la résistance du verre à s'électriser par communication, ce verre paroissant, comme nous l'avons dit, opposer dans cette opération une véritable résistance à l'action de l'électricité qui vient du globe. M. Watson a, je crois, poussé ces expériences plus loin que personne; ayant fait faire des jarres ou cylindres de verre de 16 pouces de haut & de 18 pouces de circonférence, & de 22 pouces de haut sur 41 de circonférence, qu'il faisoit argenter avec des feuilles depuis le haut jusque en - bas, à la reserve d'une marge au - haut d'un pouce. Selon ce physicien, lorsqu'on les déchargeoit d'un seul coup, les effets en étoient très - considérables; mais il ne nous dit rien là - dessus qui nous montre dans quel rapport cette grande surface augmentoit la force. On augmentera encore la force du coup foudroyant, si l'on combine ensemble plusieurs bouteilles ou plusieurs carreaux, que l'on déchargera tout - à - la - fois, pourvû cependant que ces bouteilles ou ces carreaux ne soient pas tellement arrangés que l'on reçoive le fluide électrique qui sort de la surface non électrisée de l'autre; car alors on auroit tout au plus l'effet ordinaire d'une seule bouteille. Enfin voici une circonstance qui est en quelque sorte étrangere, mais cependant qui peut beaucoup augmenter ou diminuer la force du coup foudroyant; c'est que le corps électrisable par communication avec lequel vous tirez l'étincelle du conducteur pour décharger la bouteille, ne soit pas pointu, qu'au contraire il soit rond, & d'une certaine grosseur. On verra à l'article Électricité, que les étincelles augmentent de force jusqu'à un certain degré, à mesure que les corps dont on les tire, & qui les tire, ont plus de volume & plus de rondeur. Or il en est de même dans cette expérience; car on peut décharger la bouteille la plus électrisée ou la plus chargée sans crainte, lorsqu'en la tenant d'une main au lieu de tirer de l'autre avec la jointure du doigt ou un corps obtus, l'étincelle du conducteur, on en approche une pointe de métal, cette pointe tirant successivement l'électricité de la bouteille, & par - là la déchargeant insensiblement.

Après avoir fait voir que d'après les propriétés

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