ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"733"> rées, il y a cependant bien d'autres causes qui y produisent le chaud ou le froid suivant les lieux, comme nous allons le voir.

D'abord les saisons différent dans divers endroits de la zone tempérée, ensorte que sous le même climat il fait plus chaud ou plus froid, plus sec ou plus humide dans un lieu que dans un autre; cependant les saisons ne different jamais de l'hiver à l'été, ni de l'été à l'hiver; les variétés qui se rencontrent dépendent de la nature du sol, haut ou bas, pierreux ou marécageux, proche ou loin de la mer.

La plûpart des lieux voisins du tropique sont fort chauds en été; quelques - uns ont une saison humide, à - peu - près semblable à celle de la zone torride. Ainsi dans la partie du Guzarate qui est au - delà du tropique, il y a les mêmes mois de sécheresse & d'humidité qu'en - dedans du tropique, & l'été se change en un tems pluvieux. Chez nous, nous ne jugeons pas de l'hiver & de l'été par la secheresse & l'humidité, mais par le chaud & le froid.

Sur les cotes de Perse & au pays d'Ormus, il y a tant de chaleur en été, à cause du voisinage du soleil, que les habitans, hommes & femmes, dorment la nuit dans des citernes pleines d'eau. Il fait aussi très - chaud en Arabie.

Dans presque toute la Barbarie, (c'est ainsi qu'on nomme les pays d'Afrique situés sur la Méditerranée), il commence à regner apres le milieu d'Octobre un froid vif & des pluies, suivant le rapport de Léon l'africain; & aux mois de Décembre & de Janvier, le froid est plus violent (ainsi que par - tout ailleurs sous la zone tempérée), mais ce n'est que le matin; au mois de Février, la plus grande partie de l'hiver est passée, quoique le tems reste très - incorstant; au mois de Mars, les vents de nord & d'ouest soufflent fortement, & les arbres sont alors charges de fleurs; en Avril, les fruits sont formés, de sorte qu'à la fin de ces mois on a des cerises; au milie de Mai, on commence à cueillir des figues sur les arbres; l'on trouve des raisins murs dans quelques endroits à la mi - Juin. La moisson des figues est en état d'être faite en Août.

Le printems terrestre commence le 15 Février, & finit le 18 Mai, dans lequel tems il y a toujours un vent frais. S'il ne tombe pas de pluie entre le 25 Avril & le 5 Mai, on estime que c'est un mauvais signe; on compte que l'été dure jusqu'au 16 Août. Le tems est alors chaud & serein. On place l'automne entre le 17 Août & le 16 Novembre, & la chaleur n'est pas si grande dans ces deux mois. Cependant les anciens comptoient le tems le plus chaud entre le 15 Août & le 15 Septembre, parce que c'étoit celui où les figues, les coings & tous les autres fruits murissoient; & ils plaçoient leur hiver depuis le 15 Novembre jusqu'au 15 Février, qu'ils s'occupoient à labourer les plaines. Ils étoient persuadés qu'il y avoit toujours dans l'année quarante jours de grandes chaleurs qui commençoient le 12 Juin, & autant de jours de froidure, qui commençoient le 12 Décembre. Le 16 de Mars & de Septembre sont les jours de leurs équinoxes, & ceux de leurs solstices arrivent le 16 de Juin & de Décembre.

Sur le mont Atlas, qui est à 30 degrés 20 minutes de latitude - nord, on ne divise l'année qu'en deux parties; car on a un hiver constant depuis Octobre jusqu'en Avril, & l'été dure depuis Avril jusqu'en Octobre: cependant il n'y a pas un seul jour où le sommet des montagnes ne soit couvert de neige.

Les saisons de l'année passent aussi fort vîte en Numidie; on y recueille le blé en Mai, & les dattes en Octobre; le froid commence au milieu de Septembre, & dure jusqu'en Janvier. Quand il ne tombe pas de pluie en Octobre, les laboureurs perdent toute espé<cb-> rance de pouvoir semer. Il en est de même quand il ne pleut pas en Avril. Léon l'Africain nous assure, qu'il y a dans le voisinage du tropique du cancer, beaucoup de montagnes chargées de neiges.

La partie septemrionale de la Chine, est à - peu - près à la même latitude que l'Italie, puisqu'elle s'éend depuis le 30e degré jusqu'au 42e degré de latit. cependant le froid qui vient selon les apparences, des montagnes neigeuses de Tartarie, s'y fait sentir si vivement, que les grandes rivieres & les lacs se gelent.

La nouvelle Albion, quoique située à 42 degrés de latitude - nord, & aussi proche de l'équateur que l'Italie, est cependant si froide au mois de Juin, que quand l'amiral Drake y alla, il fut forcé de retourner au sud, parce que les montagnes étoient alors couvertes de neiges.

Prosper Alpin dit dans son livre de la Médecine égyptienne, que le printems de l'année en Egypte, arrive en Janvier & Février; que l'été y commence en Avril, & dure en Juin, Juillet & Août; que l'automne arrive en Septembre & Octobre; & l'hiver, en Novembre & Décembre. On coupe le blé en Avril, & on le bat aussi - tôt; de sorte qu'on ne voit pas un épi dans la campagne au 20 de Mai, ni aucun fruit sur les arbres.

Au détroit de Magellan & dans les pays voisins, qui sont à 52 degrés latitude; l'été est froid, car les Hollandois trouverent dans une baie de ce détroit, un morceau de glace en Janvier, qui devroit être le mois le plus chaud; & fur les montagnes de la cóte, on voit de la neige pendant tout l'été. On remarque en général que dans les pays de la zone temperée méridionale, le froid est plus grand, les pluies plus fortes, & la chaleur moindre en été que sous la zone tempéree septentrionale. Seroit - ce que le soleil resteroit plus long - tems dans la partie septentrionale de l'ecliptique, & qu'il s'y meut plus lentement que dans la partre méridionale?

Aux environs de la ville du Pérou, dans la province du Potosi, il fait si froid, que rien ne peut croître a 4 milles à la ronde. Au royaume du Chili, qui s'étend depuis le 30 jusqu'au 50e degré de latitude - sud, le printems commence au mois d'Août, plutôt qu'il ne devroit, suivant le cours du soleil, & finit au milieu de Novembre. Ensuite vient l'été qui dure jusqu'au milieu de Février; l'automne succede jusqu'au milieu de Mai. Alors commence l'hiver, qui est humide & fort neigeux sur les montagnes. Le froid est aussi considérable dans les vallées, à cause d'un vent vif & piquant qui l'accompagne.

Au Japon, l'hiver est neigeux, humide, & plus froid que dans d'autres pays qui ont la même latitude, parce que ce royaume est entrecoupé de détroits, & qu'il est entouré de la mer.

Enfin, il n'est point sur la terre de température plus heureuse & plus favorable que celle d'une partie de l'Espagne, de l'Italie, & sur - tout de la France. C'est ici que les gelées de l'hiver préparent sans horreur leur nitre & leur fécondité. Ici, le printems varié & fleuri, modere par des pluies douces & fertiles, le feu de la nature agissante. Ici, le soleil éclairant les nuages, produit une chaleur vivisiante, darde ses influences sur l'homme, sur les animaux, sur les végétaux, couvre la terre de fruits, & les amene à leur maturité. Ici, l'automne couronnée d'épis qui s'agitent sur nos champs dorés, met sa faulx dans la main du cultivateur, pour qu'il recueille avec reconnoissance, la moisson abondante des présens de Cerès, de Pomone, & du fils aimable de la crédule Sémélé. Telles sont les saisons de notre zone: mais ma voix trop foible pour chanter leurs délices, veut que j'emprunte de nouveau les peintures brillantes & spirituelles qu'en a fait M. [p. 734] Thompson. Sa muse plaît autant qu'elle instruit. Vous jugerez pour la troisieme fois, comme elle sait employer dans ses descriptions la variété, l'harmonie, l'image & le sentiment.

Quand (Page 17:734)

Quand le soleil quitte le figne du bélier, & que le brillant taureau le reçoit, l'atmosphere s'étend, & les voiles de l'hiver font place à des nuages légers, épars sur l'horison. Les vents agréables sortent de leurs retraites, délient la terre, & lui rendent la vie. Diffugere nives.

La neige a disparu; bien - tôt par la verdure Les côteaux seront embellis: La terre ouvre son sein, & change de parure; Les fleuves coulent dans leur lit.

Le laboureur plein de joie, se félicite. Il tire de l'étable ses boeufs vigoureux, les mene à leurs travaux, pese sur le soc, brise la glêbe, & dirige le sillon, en rangeant la terre des deux côtés. Plus loin un homme vétu de blanc, seme libéralement le grain; la herse armée de pointes, suit & ferme la scène.

Ce que les douces haleines des zéphirs, les rosées fécondes, & les fertiles ondées ont commencé, l'oeil du pere de la nature l'acheve; il darde profondément ses rayons vivifians, & pénetre jusques dans les retraites obscures de la végétation. Sa chaleur se subdivise dans les germes multipliés, & se métamorphose en mille couleurs variées sur la robe renaissante de la terre. Tu concours sur tout à nos plaisirs, tendre verdure, vêtement universel de la nature riante; tu réunis la lumiere & l'ombre; tu réjouis la vûe, & tu la fortifies; tu plais enfin également sous toutes les nuances.

Sortez du sein des violettes, Croissez feuillages fortunés; Couronnez ces belles retraites, Ces détours, ces routes secrettés Aux plus doux accords destinés! Ma muse par vous attendrie, D'une charmante rêverie Subit déja l'aimable loi; Les bois, les vallons, les montagnes, Toute la scène des campagnes Prend une ame, & s'orne pour moi.

L'herbe nouvelle produite par l'air tempéré, se propage depuis les prés humides jusques sur la colline. Elle croît, s'épaissit, & rit à l'oeil de toutes parts; la seve des arbrisseaux pousse les jeunes boutons, & se développe par degré. La parure des forêts se déploie, & déja l'oeil ne voit plus les oiseaux dont on entend les concerts. La main de la Nature répand à la fois dans les jardins, des couleurs riantes sur les fleurs, & dans l'air, le doux mêlange des parfums. Le fruit attendu n'est encore qu'un germe naissant, caché sous des langes de pourpre.

Des objets si charmans, un séjour si tranquille, La verdure, les fleurs, les oiseaux, les beaux jours; Tout invite le sage à chercher un asyle Contre le tumulte des cours.

Puissai - je dans cette saison, quitter la ville ensevelie dans la fumée & dans le sommeil! Qu'il me soit permis de venir errer dans les champs, où l'on respire la fraîcheur, & où l'on voit tomber les gouttes tremblantes de l'arbuste penché! Que je promene mes rêveries dans les labyrinthes rustiques, où naissent les herbes odoriférantes, parfums des laitages nouveaux! que je parcoure les plaines émaillées de mille couleurs tranchantes, & que passant de plaisir en plaisir, je me peigne les trésors de l'automne, à travers les riches voiles qui semblent vouloir borner mes regards!

La fécondité des pluies printanieres perce la nue, abreuve les campagnes, & répand une douce humidité dans tout l'atmosphere. La bonté du ciel verse sans mesure l'herbe, les fleurs & les fruits. L'imagination enchantée, voit tous ces biens au moment même où l'oeil de l'expérience ne pent encore que le prévoir. Celle - ci apperçoit à peine la premiere pointe de l'herbe; & l'autre admire déja les fleurs, dont la verdure doit etre embellie.

La terre reçoit la vie végétative; le soleil change en lames d'or les nuages voisins: la lumiere frappe les montagnes rougies: ses rayons se répandent sur les fleuves, éclairent le brouillard jaunissant sur la plaine, & colorent les perles de la rosée. Le paysage brille de traicheur, de verdure, & de joie; les bois s'epaississent; la musique des airs commence, s'accroit, se mêle en concert champêtre au murmure des eaux.

Les troupeaux belent sur les collines: l'écho leur répond du fond des vallons. Le zéphir souffle; le bruit de ses aîles réunit toutes les voix de la nature égayée. L'arc - en - ciel au même instant sort des nuages opposés: il développe toutes les couleurs premieres, depuis le rouge jusqu'au violet, qui se perd dans le firmament que l'arc céleste embrasse, & dans lequel il semble se confondre. Illustre Newton, ces nuages opposés au soleil, & prêts à se résoudre en eau, forment l'effet de ton prisme, dévoilent à l'oeil instruit l'artifice admirable des couleurs, qu'il n'étoit réservé qu'à toi de découvrir, sous l'enveloppe de la blancheur qui les dérobe à nos regards!

Enfin l'herbe vivante sort avec profusion, & la terre entiere en est veloutée. Le plus habile botaniste ne sauroit en nombrer les especes, quand attentif à ses recherches, il marche le long du vallon solitaire; ou quand il perce les forêts, & rejette tristement les mauvailes herbes, sentant qu'elles ne sont telles à ses yeux, que parce que son savoir est borné; ou lorsqu'il franchit les rochers escarpés, & porte au sommet des montagnes des pas diriges par le signal des plantes qui semblent appeller son avide curiosité; car la nature a prodigué par - tout ses faveurs; elle en a confie les germes sans nombre aux vents favorables, pour les deposer au milieu des élemens qui les doivent nourrir.

Lorsque le soleil dardera ses rayons du haut de son trône du midi, repose - toi à l'abri du lilas sauvage, dont l'odeur est delectable. Là, la primevere penche sa tête baignée de rosée, & la violette se cache parmi les humbles enfans de l'ombre; si tu l'aimes mieux, couche - toi sous ce frêne, d'où la colombe à l'aile rapide prend son essort bruyant; ou bien enfin assis au pié de ce roc sourcilleux, résidence éternelle du faucon, laisse errer tes pensées à travers ces scènes champêtres, que le berger de Mantoue illustra jadis par l'harmonie incomparable de ses chants:

Tu vois sur ces côteaux fertiles Des troupeaux riches & nombreux; Ceux qui les gardent sont heureux, Et ceux qui les ont sont tranquilles. Puisse - tu, à leur exemple, assoupi par les échos des bois & le murmure des eaux, réunir mille images agréables, émousser dans le calme les traits des passions turbulentes, & ne souffrir dans ton coeur que les tendres émotions, sentiment pur, également ennemi de la léthargie de l'ame, & du trouble de l'esprit.

Toi que j'adore, toi que les graces ont formée, toi la beauté même, viens avec ces yeux modestes, & ces regards mesurés où se peignent à - la - fois une aimable légereté, la sagesse, la raison, la vive imagination, & la sensibilité du coeur; viens, ma Thémire, honorer le printems qui passe couronné de roses.

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