Dictionnaires d'autrefois
Dictionnaires des 17ème, 18ème, 19ème et 20ème siècles

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Jean-François Féraud: Dictionaire critique de la langue française (Marseille, Mossy 1787-1788)

MAƮTRE (Page B590b)

MAîTRE, MAîTRESSE, s. m. et f. MAîTRISE, s. f. MAîTRISER, v. act. [Mêtre, trèce, trize, tri-zé: 1re lon. mais plus au 1er qu'aux deux aûtres; 2e e muet au 1er, è moy. au 2d, lon. au 3e] Maître, Maîtresse, 1°. Celui, celle, qui a des domestiques, des esclâves. "Bon maître; bone maîtresse. = 2°. Qui enseigne. "Maître à danser. Maître de Musique. Maître, ou maîtresse d'école. = 3°. Celui, celle qui est reçu dans quelque corps de métier. "Maître cordonier. Maîtresse lingère. = 4°. Maître, savant, expert en quelque art. "Homère, Virgile sont deux grands maîtres en Poésie. "Les Maîtres de l'art. "Il prêche en maître. "Coup de maître. — On ne dit point maîtresse en ce sens. = 5°. Titre doné aux Avocats, Gréfiers, etc. Maître tel. = 6°. En termes de Marine, le premier Oficier marinier, qui comande toute la manoeuvre. Sur la mer méditerranée on l'apèle Nocher. = 7°. Maîtres, au pluriel, cavaliers. "Une Compagnie de cinquante maîtres. = 8°. En parlant de certaines chôses, il est adj. Premier ou principal. "Le maître autel. "Le maître brin d'une plante, etc.
   Rem. On dit, se rendre maître d'un Royaume, le conquérir; et se rendre le maître dans un royaume, y devenir le plus fort. Plusieurs Auteurs ont confondu ces deux expressions. "Maxime se rend Maître à Rome. Boss. Il falait dire, suivant le sens qu'avait en vue l'Auteur; se rend maître de Rome, ou se rend le maître à Rome. "Non-seulement, il se rendit le maître de cette Province, mais il y joignit la Cilicie. Let. Édif. "Avant que les Maures s'en fussent rendus les maîtres. Ibid. — Je crois qu'il falait; il se rendit maître de, etc. Avant qu'ils s'en fussent rendus maîtres. = Être maître, et être le maître, ont aussi des sens et des emplois diférens. Le 1er se dit dans le figuré et signifie, dominer, assujétir, se rendre maître de. Il régit le génitif.
   Cette haine atachée aux restes de mon être
   A pris un ascendant, dont je ne suis plus maître.
       Gresset, Sidney.
"Il parait être maître de tous les autres hommes, mais il n'est pas maître de lui-même. Télém.Être le maître, se dit dans le propre et sans régime des noms. Il signifie comander. "Ici, je suis maître et vous êtes esclâve. Marm. L'oposition de maître et d'esclâve fait passer l'irrégularité de l'expression. Il aurait été mieux de dire: ici je suis le maître et vous êtes l'esclave, le serviteur: je suis fait pour comander et vous pour obéïr. Être le maître régit de devant les verbes. "Vous êtes le maître de faire ce que vous voudrez. = Passer maître se dit, dans le propre, des artisans, qui sont reçus à la maitrise. Être maître passé se dit, au figuré, d'un homme habile et rusé. "Retournant à la charge, comme maître passé en l'art oratoire. — La Fontaine dit, dans la Fable du Renard et du Bouc.
   Celui-ci ne voyoit pas plus loin que son nez,
   L'autre étoit passé maître en fait de tromperie.
La contrainte de la mesûre lui a fait placer pâssé devant maître. = De main de maître, adv. Parfaitement. "Vous serez satisfait de la description d'un orage (dans le Poème des saisons) elle est de main de maître. ANN. LITT. "Ce portrait (des Philosophes, dans l'Homme Dangereux) est tracé de main de maître.
   Le proverbe dit: l'oeil du maître engraisse le cheval: il faut tout voir par soi-même, et ne pas s'en raporter aux aûtres. — Tel maître, tel valet; les valets imitent les maîtres. — Trouver son maître, un plus habile que soi. — "C'est un maître gonin; un homme fin, rusé; un maître coquin, un grand coquin.
   MAITRESSE, Amante, n'est plus depuis long-tems du beau style. Racine le bannit du style noble, et s' il se troûve deux fois dans ses pièces, c'est dans un sens de mépris. — Phénix dit à Pirrhus, qui renvoie Oreste à Hermione.
   Ainsi vous l'envoyez aux pieds de sa maîtresse.
Et Mithridate dit en colère.
   J'ai besoin d'un vengeur et non d'une maîtresse.
Cependant les Tragiques modernes et Voltaire lui-même ont employé maîtresse pour la comodité de la mesure ou de la rime.
   PETIT-MAîTRE, jeune homme, qui se distingue par un air avantageux, par des manières libres et étourdies. — L'origine de ce mot est le tems de la Fronde. "On avait apelé la cabale du Duc de Beaufort, celle des Importans, on apelait celle du Prince de Condé, le parti des Petits-Maîtres, parce qu'ils voulaient être les maîtres de l'État. Il n'est resté de tous ces troubles d'autres traces que ce nom de Petit-Maître, qu'on aplique aujourd'hui à la jeunesse avantageûse et mal élevée. Siècle de Louis XIV. "Un Petit-Maître, avec ses grimaces, est aussi loin du caractère d'un galant homme, qu'un faux dévot, avec son air sanctifié, est éloigné du caractère d'un homme véritablement religieux. MARIN, l'Homme Aimable. = Peite-maîtresse, femme, qui afecte les manières d' un petit-maitre. — Celui-ci est plus nouveau, parce que le ridicule qu' il représente est devenu depuis quelques années plus outré et plus comun. = On doit dire, au pluriel, des petits maîtres, des petites-maîtresses, et non pas de petits-maîtres, etc. Voy. MAISON, à la fin.
   MAîTRISE, qualité de maître, en parlant des Arts et Métiers. Il a acheté la maîtrise. — Grande-maîtrise, se dit de certaines dignités, ou charges. La grande-maîtrise de Malte. "La grande maîtrise des Eaux et Forêts.
   MAîTRISER, gouverner en maître. "C'est une injustice de vouloir maîtriser ses égaux. "Ne vous laissez pas maîtriser. = Il est beau au figuré avec le régime des chôses. "Le pêcheur est l'esclâve des passions qu'il croit maîtriser. P. Berthier. "Maîtrise enfin une douleur, qui te conduit à une double mort. Jér. Dél. "Cette fière Princesse, qui savoit si bien juger et maîtriser le danger. Hist. des Tudors. * L'Ab. Prévot (Hist. des Stuarts) a employé maîtrisant adjectivement. "Son naturel (de Cromwel) lui dictoit une impérieuse et maîtrisante politique. "L'esprit maîtrisant des Presbytériens. — c'est un anglicisme.


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