ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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fait Cicéron dans son plaidoyer contre Pison, qui allant en Macédoine en qualité de proconsul, se fit donner par cette province pour sa vaisselle seulement, cent fois 80 mille sesterces, qui font environ deux millions de notre monnoie.

Tite - Live, dec. V. liv. ij. fait connoître que cet abus ne s'étoit introduit que depuis que le consul Postumius étant allé à la ville de Préneste pour y faire un sacrifice comme un simple particulier, mais n'y ayant pas été reçu avec la distinction qu'il auroit souhaitée, il avoit exigé de cette ville qu'elle le défrayât & lui fournît des chevaux pour son retour, en punition de ce peu d'égards qu'elle avoit eu à sa dignité. Cette usurpation servit d'autorité depuis aux magistrats qui alloient à leurs gouvernemens, pour se faire défrayer sur leur route, sans se contenter de ce que la république fournissoit, & en même tems de prétexte à ceux qui étoient intéressés & avares pour se faire donner de grosses sommes.

Quand les postes furent établies, ces magistrats eurent le privilege de s'en servir sur leur route où ils étoient aussi défrayés. Suétone dit qu'Auguste enchérit sur ce qui se pratiquoit du tems de la république, en ordonnant de leur fournir une certaine somme de deniers publics, afin qu'ils n'exigeassent rien de plus des provinces.

On voit dans Lampridius, que long - tems après, l'empereur Alexandre Sévere faisoit aussi fournir aux magistrats qu'il envoyoit dans les provinces en qualité de gouverneur, certaine somme d'argent, & ce qui leur étoit nécessaire, comme meubles, habits, chevaux, mulets, domestiques; le tems de leur gestion expiré, ils devoient rendre les domestiques, les chevaux & les mulets; pour le reste ils le gardoient, s'ils avoient bien rempli leur ministere; mais s'ils s'en étoient mal acquittés, l'empereur les condamnoit à rendre le quadruple. Il ne paroît pas que cette loi ait été suivie sous les autres empereurs.

Tous ces gouverneurs menoient avec eux outre les officiers qui leur étoient adjoints, comme lieutenans, questeurs, assesseurs, & autres subalternes, nombre de leurs amis qui les accompagnoient pour leur faire honneur, & qu'on nommoit contubernales, parce qu'ils mangeoient à leur table: c'étoient la plûpart des jeunes gens de la premiere noblesse qui alloient apprendre le métier de la guerre, s'il y en avoit dans ce département, & se mettre en état de remplir les magistratures. Ce cortege formoit une espece de cour à ces gouverneurs; leur suite devint encore plus nombreuse sous les empereurs, par la quantité d'officiers subalternes qu'ils menoient avec eux, & dont il est fait mention dans la notice de l'empire sous les noms de proecones, pictores, interpretes, aruspices, tabellarios, numerarios, commentarienses, comicularios, adjutores, sub - adjuvas, exceptores, & autres.

Leur maison & leur train étoient aussi composés de plus de domestiques, & ils paroissoient avec plus de pompe & d'appareil que sous la république; ils étoient obligés pendant le tems de leur administration, de faire des voyages dans les principales villes de leur gouvernement pour y rendre la justice, & tenir les assemblées de la province, afin d'y maintenir le bon ordre.

Tous ces gouverneurs, avant que de sortir de Rome, alloient au capitole faire des sacrifices, & prendre le manteau de guerre qu'on nommoit paludamentum, qui marquoit le commandement des troupes, ce qui se pratiquoit aussi par ceux qui alloient commander les armées de la république; ils sortoient de Rome dans une espece de pompe, précédés de leurs licteurs, avec les faisceaux & les haches, & conduits par leurs amis qui les accompagnoient hors la ville jusqu'à une certaine distance.

Ils gouvernoient leurs provinces, selon les lois romaines, & conformément à ce que les magistrats observoient à Rome; on ne comptoit l'année de leur charge, que du jour qu'ils avoient commencé d'en faire la fonction, & non pas du jour de leur nomination. Quand on envoyoit un successeur à celui dont le tems étoit fini, celui - ci lui remettoit les troupes qu'il avoit sous son commandement, & ne pouvoit plus différer son départ au - delà de trente jours après l'arrivée de son successeur. Si après l'année révolue, on n'envoyoit personne pour lui succéder; il n'en quittoit pas moins son gouvernement, mais il laissoit son lieutenant jusqu'à ce que le nouveau gouverneur fût arrivé, & à son retour, il rendoit compte au sénat de son administration; il en dressoit un précis qu'on déposoit au trésor, trente jours après avoir rendu compte au sénat. Les proconsuls avoient dans leurs provinces les mêmes honneurs que les consuls à Rome, auxquels ils cédoient en tout lorsqu'ils y étoient.

Quoiqu'en apparence le proconsul n'étoit pas différent du consul, cependant il est certain qu'il ne fut point mis dans le rang des vrais magistrats. Il avoit le pouvoir que les Romains appelloient potestas, mais il n'avoit pas l'empire, imperium.

Ceux que le peuple choisissoit pour remplir des fonctions indéfinies & lorsque l'occasion s'en présentoit, n'avoient qu'une autorité bornée; mais lorsque le peuple élisoit quelqu'un pour une affaire particutiere, comme pour faire la guerre à quelque roi, il lui donnoit un pouvoir absolu qu'ils appelloient imperium. Entre les lois militaires dont Ciceron a fait mention dans son traité de Legib. On trouve celle - ci; Milit. ab eo, qui imper abit provocatio. ne esto, quoque Is. qui bellum, gerit. imperabit jus. ratum que esto. Le pouvoir du proconsul est marqué dans le titre de officio proconsulis, au digeste.

Dès qu'il étoit sorti de Rome, il pouvoit prendre la qualité de proconsul & les ornemens consulaires; mais il n'avoit que l'exercice de la jurisdiction volontaire, & son pouvoir étoit renfermé dans la manumission des esclaves, dans l'émancipation des enfans, & dans l'adoption; tout ce qui est de la jurisdiction contentieuse lui étoit défendu, jusqu'à ce qu'il fût arrivé dans la province qui lui étoit échûe, ou pour lors sa jurisdiction étoit aussi étendue que celle des consuls. Il est vrai que Pighius n'est pas de ce sentiment, & il prétend prouver par l'autorité de Tite - Live, que le proconsul n'avoit point l'imperium.

Les proconsuls n'obtenoient jamais le triomphe, quoiqu'ils l'eussent mérité, parce qu'on les regardoit comme simples citoyens, & sans caractere de magistrature; c'est par cette raison, au rapport de Tite - Live & de Plutarque, que Scipion ne put obtenir les honneurs du triomphe, après avoir soumis l'Espagne à l'empire romain. Mais les mêmes historiens nous apprennent, que l'on se relâcha de cette rigueur, & l'on commença d'y déroger en faveur de L. Lentulus qui fut le premier à qui le peuple accorda l'ovation, & dans la suite Q. P. Philo triompha, après avoir vaincu certains peuples qui s'étoient déclarés ennemis des Romains.

Il y a eu à Rome quatre sortes de proconsuls; 1°. ceux qui, après l'année expirée de leur consulat, conservoient encore le commandement d'une armée avec autorité de consul; 2°. ceux qui sans sortir actuellement de charge, étoient envoyés dans une province, ou pour la gouverner, ou pour commander une armée; 3°. ceux, qui après l'extinction du gouvernement républicain, étoient nommés par le sénat, pour gouverner quelques - unes des provinces que l'on appelloit pour cela proconsulaires; 4°. on donna ce nom à ceux qui servoient sous les consuls en qualité de lieutenans. L'amour de la patrie faisoit que ceux mêmes qui avoient commandé en chef

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