ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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mes freres ayent bien des erreurs capitales pour
que je refuse de les supporter; puisque je n'ai aucun
droit de dominer sur la foi des autres, & que
je ne suis que le serviteur de ceux qui croient,
afin de faire croître en eux la paix & la joie en
notre Seigneur Jesus - Christ. Que si mes freres jugent
eux - mêmes qu'ils ne doivent pas me tolérer
ni permettre que j'occupe aucune place parmi
eux, j'espere que, malgré cela, je ne causerai jamais
de schisme, puisqu'il n'y en a déja que trop parmi
les Chrétiens; ce qui est un objet lamentable qui doit
obliger chacun à travailler de tout son pouvoir à
les éteindre. En ce cas, je posséderai mon ame en
patience, & quitterai sans peine ma charge, dans
l'espérance, tant que Dieu me conservera la vie,
de l'employer toujours au bien commun du Christianisme, en me souvenant de ce mot, sat ecclesioe,
sat patrioe datum; c'est assez donné à l'église
& à la patrie ».
Après la mort de ce savant & respectable théologien,
la doctrine qu'il avoit embrassée porta son
nom. Bertius, Utenbogaert, Episcopius, Corvinus,
Courcelles, Poclemberg, la défendirent & la confirmerent
par leurs écrits. Elle est devenue la doctrine
générale des pays protestans, celle de Genève, celle
des Provinces - Unies, & sur - tout celle de la grande - Bretagne où elle regne aujourd'hui.
Un savant théologien anglois du dernier siecle
écrivit la lettre suivante à un de ses collegues, qui
l'avoit prié de lire le chapitre ix. de l'épître aux Romains, pour le convaincre de la vérité du système
de la réprobation absolue.
« Il y a long - tems, mon cher frere, que j'ai étudié
le chapitre ix. de l'épître aux Romains avec toute
l'impartialité & toute l'attention propres à me dévoiler
le grand mystere qui y est caché. Et, pour
vous parler franchement, je vous dirai que le
meilleur commentateur que j'aie trouvé pour me
guider dans cette route ténébreuse, c'est un ou
deux autres passages de l'Ecriture mis en parallele
avec celui - ci & joints ensemble; il me paroît qu'ils
forment parfaitement la colonne de nuée qui guidoit
les Israélites dans le désert, laquelle étoit une
nuée obscure pour les Egyptiens, & une colonne
de feu pour les Israélites. Je suis sûr, mon très cher
frere, que S. Paul n'a point écrit de contradictions,
& qu'aucun des autres apôtres n'a établi
des doctrines contradictoires à celle de S. Paul.
Je présume aussi que vous n'avez pas tellement
oublié le livre d'Aristote PERI ERMENEIAS2, que vous ne
sachiez qu'une affirmation universelle & une négation
particuliere, sont une contradiction, & ne
peuvent être toute deux vraies. Voici donc la
question.
Fondant votre opinion sur la profondeur du
chapitre ix. des Romains, vous en inférez que
Dieu ne donne la répentance qu'à un petit nombre
de personnes, & que sa volonté péremptoire est
qu'ils soient seuls sauvés. Saint Paul, dans sa premiere
épître à Timothée, chap. ij. vers. 4. nous
donne une sonde pour scruter cette profondeur,
& dit en termes exprès que Dieu veut que tous
les hommes soient sauvés; il n'y a point de milieu
pour concilier ces deux propositions; il veut que
tous soient sauvés, & il veut qu'un petit nombre
soit sauvé; l'une doit être nécessairement vraie,
& l'autre fausse. Cela étant ainsi, j'ai toujours cru
qu'il étoit plus assûré de fonder ma foi sur les passages
de l'Ecriture qui sont clairs & conformes à
la bonté divine, que sur ceux qui sont mystérieux,
& qui menent sur les bords d'un abysme qui m'effraye,
mais dont je ne puis rien conclure. Je vous
déclare enfin que je ne suis pas tellement attaché
à cette opinion, ni à aucune autre opinion spécu<cb->
lative, que je ne sois prêt à renoncer à mes sentimens
& à épouser les vôtres, si vous pouvez me
produire des preuves plus fortes que les miennes
tirées de l'Ecriture, & des perfections de l'Etre
suprème ».
Quelqu'un a remarqué que la réprobation absolue
a un grand rapport au decret fatal des Stoïciens,
contre lequel Lucien propose dans son ZHNA ELEGXOMENON des argumens dignes d'un pere de l'Eglise.
« Premierement, dit - il, tous ceux qui sont soumis
au decret fatal des Stoïciens, étant entraînés par
une nécessité immuable à faire ce qu'ils font, ne
peuvent avec raison être récompensés quand
ils font bien, ni avec justice être punis s'ils font
mal. En second lieu, les fautes qu'ils commettent,
s'ils ne peuvent s'empêcher de les commettre,
ne doivent point se nommer leurs fautes, mais les
fautes de ce decret qui les a mis dans la nécessité
de les commettre. Et par conséquent en troisieme
lieu, un meutrier destiné au meurrtre, amené en
jugement, pourroit dire à tout juge qui seroit dans
les principes stoïques: Pourquoi m'accusez - vous?
Citez, je vous prie, mon destin devant vous, &
ne me condamnez pas, moi, mais mon destin, à la
potence; je n'ai été qu'un instrument passif dans
ce meurtre, & j'ai été, par rapport à ma destinée,
ce que mon épée est par rapport à moi ».
On voit au - moins par ce passage de Lucien, que
les philosophes païens ne s'accordoient pas plus sur
le Fatalisme, que l'ont fait depuis les Chrétiens sur
les decrets de Dieu. Les Stoiciens croyoient que
toutes choses arrivoient nécessairement, tandis que
les Epicuriens les attribuoient toutes au hasard.
Les Mahométans ont aussi, dans leur religion, des
opinions différentes sur la prédestination. Je sai bien
que l'état de la question n'est pas le même chez les
Païens, les Mahométans & les Chrétiens; mais puisque
chez ces derniers on a toujours vû dans l'Eglise
des disputes déplorables, & que le mystere de la
prédestination est un abysme, une mer qui n'a ni fond
ni rivage, un dogme enfin sur lequel la raison ne
peut rien nous apprendre de nouveau, il en résulte
qu'il est très - sage de n'en point disputer, mais au
contraire de se tolérer les uns les autres dans la diversité
d'opinions, & s'en tenir à l'Ecriture qui dit
formellement, que Dieu aime tous les hommes, &
principalement les fideles. (Le Ch. de Jaucourt.)
PRÉDESTINÉ
PRÉDESTINÉ, (Critique sacrée.) je ne dirai point
ce que sont les prédestinés, PROWRIDME/NOI, ni ce que c'est
que la prédestination, PROWRIDMO\S2, PROE/GNWSIS2, PROQE/SIS2;
car je vois que les peres de l'Eglise ont varié dans
l'explication de ces mots; les uns l'expliquent d'un
decret de l'élection, & les autres de la volonté de
l'homme. *E)UDOKI/A, dit Eusebe, bon plaisir, PROQESIS2,
sont termes synonymes. Jean Damascene définit la
prédestination, un jugement sur les choses futures.
Théodoret entend par ces mots la seule disposition
de l'homme. Selon Clément d'Alexandrie, les
prédestinés sont les fideles, les élus; & par élus il entend
ceux qui se distinguent des autres par l'excellence
de leurs vertus. Ce pere établit par - tout que la
foi est libre, & qu'elle dépend de l'homme & de son
choix. Je ne fais ces courtes observations que pour
tâcher, s'il est possible, de ramener à des sentimens
d'équité & de tolérance ceux qui rompent la communion
fraternelle, avec ceux qui sont dans des principes
où ont été d'illustres & de savans docteurs de
l'Eglise primitive. (D. J.)
PRÉDÉTERMINANS
PRÉDÉTERMINANS, s. m. (Théolog.) celui qui
défend le système de la prédétermination ou prémotion
physique.
PRÉDÉTERMINATION
PRÉDÉTERMINATION, s. f. (Théolog.) voyez
Prémotion physique.
Prédétermination
Prédétermination, terme de Philosophie & de
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