ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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sujettes à amendes, qui se commettent à l'église pendant l'office ou autrement.

PONCTUATION

PONCTUATION, s. f. c'est l'art d'indiquer dans l'écriture par les signes reçus, la proportion des pauses que l'on doit faire en parlant.

Il existe un grand nombre de manuscrits anciens, où ni les mots, ni les sens, ni les propositions, ne sont distingués en aucune maniere; ce qui porteroit à croire que l'art de la ponctuation étoit ignoré dans les premiers tems. Les principes en sont même aujourd'hui si incertains, si peu fixés par l'usage uniforme & constant des bons auteurs, qu'au premier aspect on est porté à croire que c'est une invention moderne; le pere Buffier, Gramm. fr. n°. 975. & M. Restaut, chap. xvj. disent expressément que c'est une pratique introduite en ces derniers siecles dans la Grammaire.

On trouve néanmoins dans les écrits des anciens, une suite de témoignages qui démontrent, que la nécessité de cette distinction raisonnée s'étoit fait sentir de bonne heure; qu'on avoit institué des caracteres pour cette fin, & que la tradition s'en conservoit d'âge en âge; ce qui apparemment auroit porté l'art de ponctuer à sa perfection, si l'Imprimerie, qui est si propre à éterniser les inventions de l'esprit humain, eût existé dès ces premiers tems.

Dans le vij. siecle de l'ere chrétienne, Isidore de Séville parle ainsi des caracteres de la ponctuation connue de son tems: quoedam sententiarum notoe apud celeberrimos auctores fuerunt, quasque antiqui ad distinctionem scripturarum carminibus & historiis apposuerunt. Nota est figura propria in litteroe modum posita, ad demonstrandam unamquamque verbi, sententiarumque, ac versuum rationem. Orig. I. 20.

Vers la fin du iv. siecle, & au commencement du v. S. Jérome traduisit en latin l'Ecriture - sainte qu'il trouva sans aucune distinction dans le texte original; c'est sa version que l'Eglise a adoptée sous le nom de vulgate, excepté les pseaumes, qui sont presque entierement de l'ancienne version. Or le saint docteur remarque dans plusieurs de ses préfaces, que l'on trouve à la tête des bibles vulgates (in Josue, in lib. paralip. in Ezech.), qu'il a distingué dans sa version les mots, les membres des phrases, & les versets.

Cicéron connoissoit aussi ces notes distinctives, & l'usage qu'il convenoit d'en faire. On peut voir (article Accent.) un passage de cet orateur (Orat. lib. III. n. xliv.), où il est fait mention des Librariorum notis, comme de signes destinés à marquer des repos & des mesures.

Aristote, qui vivoit il y a plus de 2000 ans, se plaint (Rhet. III. 5.) de ce qu'on ne pouvoit pas ponctuer les écrits d'Héraclite, sans risquer de lui donner quelque contre sens. Nam scripta Heracliti interpungere operosum est, quia incertum utri vox conjungenda, an priori, an verò posteriori, ut in principio ipsius libri; ait enim: Rationis existentis semper imperiti homines nascuntur, (TD= LO/GD TD=D) E)O/NTOS2 AI)EI\ A)CU/<-> NETOI A)/NQRWPOI GI/GNON*GAI); incertum est enim illud semper (AI)EI\) utri interpunctione conjungas. Ce passage prouve que le philosophe de Stagyre, non - seulement sentoit la nécessité de faire avec intelligence des pauses convenables dans l'énonciation du discours, & de les marquer dans le discours écrit, mais même qu'il connoissoit l'usage des points pour cette distinction: car le mot original DIASTI/CAI, rendu ici par interpungere & interpunctione, a pour racines le verbe STI/ZW, pungo, & la préposition DIA\, qui, selon l'auteur des racines grecques de P. R. vient de DAI/W, divido; en sorte que DIASTI/CAI, signifie proprement pungere ad dividendum, ou punctis distinguere.

Comment est - il donc arrivé que si long - tems après l'invention des signes distinctifs de la ponctuation, il se soit trouvé des copistes, & peut - être des auteurs, qui écrivoient sans distinction, non - seulement de phrases ou de membres de phrases, mais même de mots? Par rapport aux livres saints, il est facile de le concevoir. Antérieurs de beaucoup, pour la plûpart, à l'art de ponctuer, ils ont dû être écrits sans aucun signe de distinction. Les Israélites faisant profession de n'avoir point de commerce avec les autres peuples, ne durent pas être instruits promptement de leurs inventions; & les livres inspirés, même dans les derniers tems, durent être écrits comme les premiers, tant pour cette cause, que par respect pour la forme primitive. Ce même respect, porté par les Juifs jusqu'au scrupule & à la minutie, ne leur a pas permis depuis d'introduire dans le texte sacré le moindre caractere étranger. Ce ne fut que longtems après leur derniere dispersion dans toutes les parties de la terre, & lorsque la langue sainte devenue une langue morte eut besoin de secours extraordinaires pour être entendue & conservée, que les docteurs juifs de l'école de Tibériade, aujourd'hui connus sous le nom de Massorethes, imaginerent les points voyelles (voyez Point.), & les signes de la ponctuation que les Hébraïsans nomment accentus pausantes & distinguentes: mais les témoignages que je viens de rapporter d'une tradition plus ancienne qu'eux sur la ponctuation, prouvent qu'ils n'en inventerent point l'art; ils ne firent que le perfectionner, ou plutôt que l'adapter aux livres sacrés, pour en faciliter l'intelligence.

Pour ce qui est des autres nations, sans avoir le même attachement & le même respect que les Juifs pour les anciens usages, elles purent aisément préférer l'habitude ancienne aux nouveautés que les bons esprits leur présentoient: c'est une suite de la constitution naturelle de l'homme; le peuple sur - tout se laisse aller volontiers à l'humeur singeresse dont parle Montagne, & il n'y a que trop de savans qui sont peuples, & qui ne savent qu'imiter ou même copier. D'ailleurs la communication des idées nouvelles, avant l'invention de l'Imprimerie, n'étoit ni si facile, ni si prompte, ni si universelle, qu'elle l'est aujourd'hui: & si nous sommes étonnés que les anciens ayent fait si peu d'attention à l'art de ponctuer, il seroit presque scandaleux, que dans un siecle éclairé comme le nôtre, & avec les moyens de communication que nous avons en main, nous négligeassions une partie si importante de la Grammaire.

« Il est très - vrai, dit M. l'abbé Girard, (tome II. disc. xvj. page 435.) que par rapport à la pureté du langage, à la netteté de la phrase, à la beauté de l'expression, à la délicatesse & à la solidité des pensées, la ponctuation n'est que d'un mince mérite. .. mais... la ponctuation soulage & conduit le lecteur. Elle lui indique les endroits où il convient de se reposer pour prendre sa respiration, & combien de tems il y doit mettre. Elle contribue à l'honneur de l'intelligence, en dirigeant la lecture de maniere que le stupide paroisse, comme l'homme d'esprit, comprendre ce qu'il lit. Elle tient en regle l'attention de ceux qui écoutent, & leur fixe les bornes du sens: elle remédie aux obscurités qui viennent du style ».

De même que l'on ne parle que pour être entendu, on n'écrit que pour transmettre ses pensées aux absens d'une maniere intelligible. Or il en est à - peu - près de la parole écrite, comme de la parole prononcée: « le repos de la voix dans le discours, dit M. Diderot (article Encyclopédie.), & les signes de la ponctuation dans l'écriture, se correspondent toujours, indiquent également la liaison ou la disjonction des idées ». Ainsi il y auroit autant d'inconvénient à supprimer ou à mal placer dans l'écriture les signes de la ponctuation, qu'à supprimer

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