ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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sirs de l'ame, ceux de l'esprit sont - ils préférables à ceux du coeur? Pour en juger, imaginons - les entierement séparés les uns des autres & portés à leur plus haut point de perfection. Qu'un être insensible à ceux de l'esprit goûte ceux du corps dans toute sa durée, mais que privé de toute connoissance, il ne se souvienne point de ceux qu'il a sentis, qu'il ne prévoye point ceux qu'il sentira, & que renfermé pour ainsi dire dans son écaille, tout son bonheur consiste dans le sentiment sourd & aveugle qui l'affecte pour le moment présent. Imaginons au contraire, un homme mort à tous les plaisirs des sens, mais en saveur de qui se rassemblent tous ceux de l'esprit & du coeur; s'il est seul, que l'histoire, la géométrie, les belles - lettres, lui fournissent de belles idées, & lui marquent chaque moment de sa retraite par de nouveaux témoignages de la force & de l'étendue de son esprit; s'il se livre à la société, que l'amitié, que la gloire, compagne naturelle de la vertu, lui fournissent hors de lui des preuves toujours renaissantes de la grandeur & de la beauté de son ame, & que dans le fond de son coeur sa conformité à la raison soit toujours accompagnée d'une joie secrete que rien ne puisse altérer; il me semble qu'il est peu d'hommes nés sensibles aux plaisirs de l'esprit & du corps, qui placés entre ces deux états de bonheur, à - peu - près comme un philosophe l'a seint d'Hercule, préférassent au sort de l'être intelligent la félicité d'une huitre.

Les plaisirs du corps ne sont jamais plus vifs que quand ils sont des remedes à la douleur; c'est l'ardeur de la soif qui décide du plaisir qu'on ressent à l'éteindre. La plûpart des plaisirs du coeur & de l'esprit ne sont point altérés par ce mélange impur de la douleur. Ils l'emportent d'ailleurs par leur agrément; ce que la volupté a de délicieux, elle l'emprunte de l'esprit & du coeur; sans leur secours elle devient bientôt fade & insipide à la fin. Les plaisirs du corps n'ont guere de durée, que ce qu'ils en empruntent d'un besoin passager; dès qu'ils vont au - delà, ils deviennent des germes de douleur; les plaisirs de l'esprit & du coeur leur sont donc bien supérieurs, n'eussent - ils sur eux que l'avantage d'être bien plus de nature à remplir le vuide de la vie.

Mais parmi les plaisirs de l'esprit & du coeur, auxquels donnerons - nous la préférence? Il ine semble qu'il n'en est point de plus touchant, que ceux que fait naître dans l'ame l'idée de perfection; elle est comme un objet de notre culte, auquel on sacrifie tous les jours les plus grands établissemens, sa conscience même & sa personne. Pour se garantir de la flétrissure attachée à la poltronnerie, elle a précipité dans le sein de la mort des hommes, flattés d'acheter à ce prix la conservation de ce qui leur étoit cher. C'est elle qui rend les indiennes insensibles à l'horreur de se brûler vives, & qui leur ferme les yeux sur tous les chemins que leur ouvre la libéralité & la religion de leur prince, pour les dérober à ce supplice volontaire; les vertus, l'amitié, les passions, les vices mêmes empruntent d'elle la meilleure partie de leur agrément.

Un comique grec trouvoit qu'on ne prenoit pas d'assez justes mesures, quand on vouloit s'assurer d'un prisonnier. Que n'en confie - t - on la garde au plaisir? Que ne l'enchaîne - t - on par les délices? Plaute & l'Arioste ont adopté cette plaisanterie; mais tous ces poëtes auroient peu connu le coeur humain, s'ils eussent cru sérieusement que jamais leur captif n'auroit brisé ses chaînes. Il n'eût pas été nécessaire de faire briller à ses yeux tout l'éclat de la gloire; qu'il se fût trouvé méprisable dans sa prison, ou qu'il y eût craint le mépris des autres hommes, il eût bientôt été tenté de préférer un péril illustre à une volupté honteuse. La gloire a plus d'attrait pour les ames bien nées, que la volupté; tous craignent moins la douleur & la mort, que le mépris.

Les qualités de l'esprit, il est vrai, fournissent à ceux que la passion n'éblouit pas, un spectacle encore plus agréable que celui de la figure; il n'y a que l'envie ou la haine qui puissent rendre insensible au plaisir d'appercevoir en autrui cette pénétration vive, qui saisit dans chaque objet les faces qui s'assortissent le mieux avec la situation où l'on est; mais la beauté de l'esprit, quelque brillante qu'elle soit, est effacée par la beauté de l'ame. Les saillies les plus ingénieuses n'ont pas l'éclat des traits qui peignent vivement une ame courageuse, désintéressée, bienfaisante. Le genre humain applaudira dans tous les siecles, au regret qu'avoit Titus d'avoir perdu le tems qu'il n'avoit pas employé à faire des heureux; & les échos de nos théatres applaudissent tous les jours aux discours d'une infortunée, qui abandonnée de tout le genre humain, interrogée sur les ressources qui lui restent dans ses malheurs, moi, répond - elle, & c'est assez. Il est peu de personnes qui soient du caractere d'Alcibiade, qui étoit plus sensible à la réputation d'homme d'esprit, qu'à celle d'honnête homme; tant il est vrai que les sentimens du coeur flatent plus que les plaisirs de l'esprit. En un mot, les traits les plus réguliers d'un beau visage sont moins touchans que les graces de l'esprit, qui sont effacées à leur tour par les sentimens & par les actions qui annoncent de l'élévation dans l'ame & dans le courage: l'agrément naturel des objets se gradue toujours dans l'ordre que je viens d'exposer, & c'est ainsi que la nature nous apprend ce que l'expérience confirme, que la beauté de l'esprit donne plus de droit à la félicité, que celle du corps, & qu'elle en donne moins que celle de l'ame.

Parmi les plaisirs, il y en a qui sont tels par leur jouissance, que leur privation n'est point douleur: la vapeur des parfums, les spectacles de l'Architecture, de la Peinture, & de la déclamation; les charmes de la Musique, de la Poésie, de la Géométrie, de l'Histoire, d'une société choisie; tous ces plaisirs sont de ce genre. Ce ne sont point des secours qui soulagent notre indigence, ce sont des graces qui nous enrichissent & augmentent notre bonheur: combien de gens qui les connoissent peu, & qui jouissent pourtant d'une vie douce? Il n'en est pas ainsi de quelque autres sortes de sentimens agréables; la loi, par exemple, qui nous invite à nous nourrir ne se borne point à récompenser notre docilité, elle punit notre désobéissance. L'auteur de la nature ne s'est pas reposé sur le plaisir seul du soin de nous convier à notre conservation, il nous y porte par un ressort encore plus puissant, par la douleur.

PLAIT

PLAIT, s. m. (Jurisprud.) du latin placitum, est un droit seigneurial, connu particulierement en Dauphiné; c'est une espece de relief qui est dû aux mutations de seigneur & de vassal, ou emphitéote, ou aux mutations de l'un ou de l'autre seulement, suivant ce qui a été stipulé par le titre d'inféodation au bail emphitéotique.

Il a lieu sur les fiefs, comme sur les rotures.

Il n'est dû qu'en vertu d'une stipulation expresse, cependant il se divise en trois sortes; savoir le plait conventionnel, le plait accoutumé, & le plait à mercy.

Le plait conventionnel est celui dont la quotité est reglée par le titre; il peut être imposé en argent, en grain ou en plume.

Le plait accoutumé est celui dont la quotité se regle suivant l'usage du lieu, ou en tout cas, suivant l'usage le plus général du Dauphiné.

Le plait à merci est communément le revenu d'un an, comme le relief dans la coutume de Paris. Voyez Salvaing, de l'usag des Fiefs; Guyot en son second

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