ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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laires en forme de joncs, à l'extrémité desquels sont placés entre trois petites feuilles, des épis de fleurs de couleur rousse comme dans le souchet. Ses racines sont ligneuses, aussi grosses que celles du roseau, & genouillées; elles jettent une infinité de branches qui s'étendent obliquement; par leur odeur & leur saveur, elles approchent de celles du souchet, mais elles sont d'une couleur moins brune; de leur surface inférieure sortent plusieurs racines menues & fibreuses; & de la supérieure s'élevent des tiges nombreuses, qui tant qu'elles sont tendres, contiennent un suc doux. Cette plante a été apportée des marais de Sicile dans le jardin de Pise: venit in hortum pisanum ex Sicilioe palustribus. Théophraste décrit deux plantes, différentes seulement par leur grandeur, qui ont du rapport avec notre papyrus; savoir le papyrus & le sari. L'auteur copie ensuite le texte de Théophraste, & donne par extrait celui de Pline, & ce que les anciens ont dit des usages que le papyrus avoit en Médecine.

Le panache du papyrus de Sicile est assez bien représenté, quoique fort en raccourci, dans la seconde partie du Musoeum de Boccone. Ce panache est une touffe ou assemblage d'une très - grande quantité de longs pédicules fort minces, qui naissent d'un même point de division, disposés en maniere de parasol, & qui portent à leur extrémité supérieure trois feuilles longues & étroites, du milieu desquelles sortent d'autres pédicules plus courts, chargés vers le haut de plusieurs paquets, ou épis de fleurs. Micheli, dans ses nova plantarum genera, imprimés à Florence en 1728, a fait graver un de ces longs pédicules de grandeur naturelle; il est d'abord enveloppé à la base par une gaine qui a un pouce & plus de longueur; ensuite vers son extrémité supérieure, il supporte trois feuilles longues & étroites, & quatre pédicules où sont attachés les paquets de fleurs; chaque pédicule de fleurs a aussi une très - petite graine à la base. Enfin, on trouve dans l'agrostographia de Scheuchzer, une description fort détaillée du panache d'une espece de cyperus, qui paroît être celui de la plante de Sicile.

On peut conclure de cet exposé, que le papyrus de Sicile est à peu de chose près, bien connu en Botanique; il seroit à souhaiter qu'on eût autant de connoissances sûres à l'egard du papyrus d'Egypte. Néanmoins il faut avouer que ces deux plantes ont entre elles une très - grande affinité, puisqu'on les a souvent confondues, ainsi que le sari & le papyrus nilotica, qui suivant Théophraste, ont un caractere de ressemblance bien marqué, & ne different seulement qu'en ce que le papyrus pousse des tiges fort hautes & fort grosses, qui étant divisées en lames minces, servent à la composition des feuilles de papier; & que le sari au contraire a ses tiges plus menues, & moins élevées, dont on ne peut faire usage pour la fabrique du papier.

Le papyrus de Sicile vient aussi dans la Calabre & dans la Pouille; mais on ne doit pas le confondre avec le papyrus qu'on employoit anciennement pour faire le papier; car, selon Strabon, le papyrus ne croissoit que dans l'Egypte & dans l'Inde, in AEgypto & sola India. La plûpart des botanistes ont cru que la plante de Sicile étoit le sari dont parle Théophraste; d'autres ont avancé que le papyrus d'Egypte & le sari, étoient une même plante considerée seulement en deux états différens, & relativement à leur plus ou moins de grandeur; ce qui selon eux, pouvoit dépendre de la qualité du terrein, & de la différence du climat, ou d'autres accidens; les piés qui croissoient au milieu des eaux, ayant des tiges plus hautes, plus grosses, & un panache en forme d'une touffe de cheveux très - longs, foibles, & sans aucunes graines; pendant que d'autres piés qui nais<cb-> soient sur le bord des rivieres, des marais, ou des lacs, portoient des tiges plus basses, plus grêles, & un panache moins long, moins foible, chargé de fleurs & de graines par conséquent.

Ces sentimens offrent néanmoins des difficultés insurmontables; & l'on peut prouver que la différence du papyrus d'Egypte & du sari, ne dépendoient ni du climat, ni de la qualité du terrein; on tiroit du papyrus des lames minces, dont on fabriquoit ensuite le papier; on ne pouvoit pas employer le sari à cet usage. Le papyrus de Sicile ne sauroit semblablement être confondu avec le papyrus des anciens, qui ne venoit que dans l'Egypte ou dans l'Inde.

Enfin, le papyrus de Sicile n'a commencé à être connu des Botanistes que vers les années 1570, 1572, & 1583, tems où ont paru les premieres éditions des ouvrages de Lobel, de Guillandin, & de Céfalpin. Il paroît clairement que les anciens n'ont eu aucune connoissance de cette plante. Pline n'en fait aucune mention dans ses livres sur l'Histoire naturelle, ce qui montre que cette plante n'étoit pas en usage à Rome, ni même dans le pays où elle vient naturellement. Il suit encore de son silence à cet égard, qu'il n'avoit pas vu la plante de Sicile; car il auroit été frappé par la ressemblance qu'elle a avec le papyrus du Nil & le sari, tels que les a décrits Théophraste. Enfin, si Pline eut connu cette plante, il n'auroit pas manqué dans les chapitres où il traite à fond du papyrus du Nil & du sari, de nous apprendre tout ce qu'il auroit pû appercevoir de conforme entre ces différentes plantes.

Parmi plusieurs plantes desséchées en herbier, & recueillies dans les Indes orientales par M. Poivre, il s'est trouvé une espece de papyrus, fort différente de la plante de Sicile: il porte un panache composé d'une touffe considérable de pédicules très - longs, foibles, menus, & délicats comme de simples silets, terminés le plus souvent par deux ou trois petites feuilles très - étroites, mais entre lesquelles on n'apperçoit aucuns épis ou paquets de fleurs; ainsi le panache auroit été stérile, & n'auroit produit aucunes graines.

Ces pédicules ou filets sont chacun garnis à leur base d'une gaîne membraneuse, assez longue, dans laquelle ils sont pour ainsi dire emboîtés, & ils naissent tous du même point de division en forme de parasol; le panache est à sa naissance environné de feuilles disposées en rayons, en maniere de couronne. La tige qui le soutenoit, étoit, suivant le rapport de M. Poivre, haute de dix piés & plus, lorsqu'elle croissoit dans l'eau à la profondeur d'environ deux piés, & de forme triangulaire, mais à angles fort mousses; par sa grosseur elle imitoit assez bien un bâton, qu'on peut entourer avec la main plus ou moins exactement.

Sa substance intérieure quoique moëlleuse, pleine de fibres, étoit solide, de couleur blanche; par ce moyen, la tige avoit un certain degré de force, & elle résistoit à de petits efforts; on la plioit sans la rompre, on pouvoit encore s'en servir en guise de canne, étant fort légere; le même M. Poivre n'en porta point d'autre pendant plusieurs mois de séjour à Madagascar; cette tige n'est pas dans toute sa longueur également grosse, elle diminue insensiblement de grosseur vers le haut, elle est sans noeuds, & fort lisse; lorsque cette plante croît hors de l'eau dans les endroits simplement humides, elle est beaucoup plus petite, ses tiges sont fort basses, & le panache qui le termine, est composé de filets ou pédicules plus courts, lesquels, à leur extrémité supérieure, sont partagés en trois feuilles fort étroites, & un peu plus longues que celles qui sont à l'extrémité des filets du panache de la plante, qui a crû dans le milieu des eaux.

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