ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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paroît point suffisamment démontrée. Les faits sont l'unique boussole qui doit nous guider ici, & je ne crois pas que nous en ayons encore un assez grand nombre pour nous élever à une assertion si hardie: on peut en juger par les différens théorèmes que nous venons de rapporter d'après M. Keil & d'autres philosophes. Le systeme du monde est en droit de nous faire soupçonner que les mouvemens des corps n'ont peut - être pas l'impulsion seule pour cause; que ce soupçon nous rende sages, & ne nous pressons pas de conclurre que l'attraction soit un principe universel, jusqu'à ce que nous y soyons forcés par les phénomenes. Nous aimons, il est vrai, à généraliser nos découvertes; l'analogie nous plaît, parce qu'elle flatte notre vanité & soulage notre paresse: mais la nature n'est pas obligée de se conformer à nos idées. Nous voyons si peu avant dans ses ouvrages, & nous les voyons par de si petites parties, que les principaux ressorts nous en échappent. Tâchons de bien appercevoir ce qui est autour de nous; & si nous voulons nous élever plus haut, que ce soit avec beaucoup de circonspection: autrement nous n'en verrions que plus mal, en croyant voir plus loin; les objets éloignés seroient toûjours confus, & ceux qui étoient à nos piés nous échapperoient.

Après ces refléxions, je crois qu'on pourroit se dispenser de prendre aucun parti sur la dispute qui a partagé deux académiciens célebres, savoir si la loi d'attraction doit nécessairement être comme une puissance de la distance, ou si elle peut être en généal comme une fonction de cette même distance, voyez Puissance & Fonction; question purement métaphysique, & sur laquelle il est peut - être bien hardi de prononcer, apres ce que nous venons de dire; aussi n'avons - nous pas cette prétention, surtout dans un ouvrage de la nature de celui - ci. Nous croyons cependant que si on regarde l'attraction comme une propriété de la matiere ou une loi primitive de la nature, il est assez naturel de ne faire dépendre cette attraction que de la seule distance, & en ce cas sa loi ne pourra être représentée que par une puissance; car toute autre fonction contiendroit un parametre ou quantité constante qui ne dépendroit point de la distance, & qui paroîtroit se trouver là sans aucune raison suffisante. Il est du - moins certain qu'une loi exprimée par une telle fonction, seroit moins simple qu'une loi exprimée par une seule puissance.

Nous ne voyons pas d'ailleurs quel avantage il y auroit à exprimer l'attraction par une fonction. On prétend qu'on pourroit expliquer par - là, comment l'attraction à de grandes distances est en raison inverse du quarré, & suit une autre loi à de petites distances: mais il n'est pas encore bien certain que cette loi d'attraction à de petites distances, soit aussi générale qu'on veut le supposer. D'ailleurs, si on veut saire de cette fonction une loi générale qui devienne sort différente du quarré à de très - petites distances, & qui puisse servir à rendre raison des attractions qu'on observe ou qu'on suppose dans les corps terrestres, il nous paroît difficile d'expliquer dans cette hypothese comment la pesanteur des corps qui sont immédiatement contigus à la terre, est à la pesanteur de la lune à peu près en raison inverse du quarré de la distance. Ajoûtons qu'on devroit être fort circonspect à changer la loi du quarré des distances, quand même, ce qui n'est pas encore arrivé, on trouveroit quelque phénomene céleste, pour l'explication duquel cette loi du quarré ne suffiroit pas. Les différens points du système du monde, au moins ceux que nous avons examinés jusqu'ici, s'accordent avec la loi du quarré des distances: cependant comme cet accord n'est qu'un à peu près, il est clair qu'ils s'accorderoient de même avec une loi qui seroit un peu différente de celle du quarré des distances: mais on sent bien qu'il seroit ridicule d'admettre une pareille loi par ce seul motif.

Reste donc à savoir si un seul phénomene qui ne s'accorderoit point avec la loi du quarré, seroit une raison suffisante pour nous obliger à changer cette loi dans tous les autres; & s'il ne seroit pas plus sage d'attribuer ce phénomene à quelque cause ou loi particuliere. M. Newton a reconnu lui - même d'autres forces que celle - là, puisqu'il paroît supposer que la force magnétique de la terre agit sur la lune, & on sait combien cette force est différente de la force générale d'attraction, tant par son intensité, que par les lois suivant lesquelles elle agit.

M. de Maupertuis, un des plus célebres partisans du Newtonianisme, a donné dans son discours sur les figures des astres une idée du systeme de l'attraction & des refléxions sur ce système, auxquelles nous croyons devoir renvoyer nos lecteurs, comme au milleur précis que nous connoissions de tout ce qu'on peut dire sur cett matiere. Le même auteur observe dans les Mém. acad. 1734, que Mrs de Roberval, de Fermat & Pascal ont crû long tems avant M. Newton, que la pesanteur étoit une vertu attractive & inhérente aux corps, en quoi on voit qu'ils se sont expliqués d'une maniere bien plus choquante pour les Cartésiens, que M. Newton ne l'a fait. Nous ajoûterons que M. Hook avoit eu la même idée, & avoit prédit qu'on expliqueroit un jour très - heureusement par ce principe les mouvemens des planetes. Ces refléxions, en augmentant le nombre des partisans de M. Newton, ne diminuent rien de sa gloire, puisqu'étant le premier qui ait fait voir l'usage du principe, il en est proprement l'auteur & le créateur. (O)

Attraction des montagnes

Attraction des montagnes. Il est certain que si on admet l'attraction de toutes les parties de la terre, il peut y avoir des montagnes dont la masse soit assez considérable pour que leur attraction soit sensible. En effet, supposons pour un moment que la terre soit un globe d'une densité uniforme, & dont le rayon ait 1500 lieues, & imaginons sur quelque endroit de la surface du globe une montagne de la même densité que le globe, laquelle soit faite en demi - sphere & ait une lieue de hauteur; il est aisé de prouver qu'un poids placé au bas de cette montagne sera attiré dans le sens horisontal par la montagne, avec une force qui sera la 3000e partie de la pesanteur, de maniere qu'un pendule ou fil à plomb placé au bas de cette montagne, doit s'écarter d'environ une minute de la situation verticale; le calcul n'en est pas difficile à faire & on peut le supposer.

Il peut donc arriver que quand on observe la hauteur d'un astre au pié d'une fort grosse montagné, le fil à plomb, dont la direction sert à faire connoître cette hauteur, ne soit point vertical; & si l'on faisoit un jour cette observation, elle fourniroit, ce semble, une preuve considérable en faveur du système de l'attraction. Mais comment s'assûrer qu'un fil à plomb n'est pas exactement vertical, puisque la direction même de ce fil est le seul moyen qu'on puisse employer pour déterminer la situation verticale? Voici le moyen de résoudre cette difficulté.

Imaginons une étoile au nord de la montagne, & que l'observateur soit placé au sud. Si l'attraction de la montagne agit sensiblement sur le fil à plomb, il sera écarté de la situation verticale vers le nord, & par conséquent le zénith apparent reculera, pour ainsi dire, d'autant vers le sud: ainsi la distance observée de l'étoile au zénith, doit être plus grande que s'il n'y avoit point d'attraction.

Donc si après avoir observé au pié de la montagne la distance de cette étoile au zénith, on se transporte loin de la montagne sur la même ligne à l'est

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