ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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remarquer d'impulsion: souvent même nous sommes en état de prouver, que toutes les explications qu'on peut donner de ces essets, par le moyen des lois connues de l'impulsion, sont chimériques & contraires aux principes de la méchanique la plus simple. Rien n'est donc plus sage & plus conforme à la vraie Philosophie, que de suspendre notre jugement sur la nature de la force qui produit ces effets. Par tout où il y a un effet, nous pouvons conclurre qu'il y a une cause, soit que nous la voyions ou que nous ne la voyions pas. Mais quand la cause est inconnue, nous pouvons considérer simplement l'effet, sans avoir égard à la cause; & c'est même à quoi il semble qu'un philosophe doit se borner en pareil cas: car, d'un côté, ce seroit laisser un grand vuide dans l'histoire de la nature, que de nous dispenser d'examiner un grand nombre de phénomenes sous prétexte que nous en ignorons la cause; & de l'autre, ce seroit nous exposer à faire un roman, que de vouloir raisonner sur des causes qui nous sont inconnues. Les phénomenes de l'attraction sont donc la matiere des recherches physiques; & en cette qualité ils doivent faire partie d'un système de physique: mais la cause de ces phénomenes n'est du ressort du physicien, que quand elle est sensible, c'est - à - dire, quand elle paroît elle - même être l'effet de quelqué cause plus relevée: (car la cause immédiate d'un esset ne paroît elle - même qu'un effet, la premiere cause étant invisible.) Ainsi nous pouvons supposer autant de causes d'attraction qu'il nous plaira, sans que cela puisse nuire aux effets. L'illustre Newton semble même être indécis sur la nature de ces causes: car il paroît quelquefois regarder la gravité, comme l'effet d'une cause immatérielle; (Optiq. p. 343, &c.) & quelquefois il paroît la regarder comme l'effet d'une cause matérielle. Ibid. p. 325.

Dans la philosophie Newtonienne, la recherche de la cause est le dernier objet qu'on a en vûe; jamais on ne pense à la trouver que quand les lois de l'effet & les phénomenes sont bien établis; parce que c'est par les effets seuls qu'on peut remonter jusqu'à la cause: les actions mêmes les plus palpables & les plus sensibles n'ont point une cause entierement connue: les plus profonds philosophes ne sauroient concevoir comment l'impulsion produit le mouvement, c'est - à - dire, comment le mouvement d'un corps passe dans un autre par le choc: cependant la communication du mouvement par l'impulsion est un principe admis, non - seulement en Philosophie, mais encore en Mathématique; & même une grande partie de la Méchanique élémentaire a pour objet les lois & les effets de cette communication. Voyez Percussion & Communication de mouvement.

Concluons donc que quand les phénomenes sont suffisamment établis, les autres especes d'effets, où on ne remarque point d'impulsion, ont le même droit de passer de la Physique dans les Mathématiques, sans qu'on s'embarrasse d'en approsondir les causes qui sont peut - être au - dessus de notre portée: il est permis de les regarder comme causes occultes, (car toutes les causes le sont, à parler exactement) & de s'en tenir aux effets, qui sont la seule choseimmédiatement à notre portée.

Newton a donc éloigné avec raison de sa philosophie cette discussion étrangere & métaphysique; & malgré tous les reproches qu'on a cherché à lui faire là - dessus, il a la gloire d'avoir découvert dans la méchanique, un nouveau principe, qui étant bien approfondi, doit être infiniment plus étendu que ceux de la méchanique ordinaire: c'est de ce principe seulement que nous pouvons attendre l'explication d'un grand nombre de changemens qui arrivent dans les corps, comme productions, générations, corruptions, &c. en un mot, de toutes les opérations sur<cb-> prenantes de la Chimie. Voyez Géneration, Corruption, Opération, Chimie , &c.

Quelques Philosophes Anglois ont approfondi les principes de l'attraction. M. Keil en particulier a tâché de déterminer quelques - unes des lois de cette nouvelle cause, & d'expliquer par ce moyen plusieurs phénomenes généraux de la nature, comme la cohésion, la fluidité, l'élasticité, la fermentation, la mollesse, la coagulation. M. Friend, marchant sur ses traces, a encore fait une application plus étendue de ces mêmes principes aux phénomenes de la Chimie. Aussi quelques philosophes ont été tentés de regarder cette nouvelle méchanique comme une science complete, & de penser qu'il n'y a presque aucun effet physique dont la force attractive ne fournisse une explication immédiate.

Cependant en tirant cette conséquence, il y auroit lieu de craindre qu'on ne se hâtât un peu trop: un principe si fécond a besoin d'être examiné encore plus à fond; & il semble qu'avant d'en faire l'application générale à tous les phénomenes, il faudroit examiner plus exactement ses lois & ses limites. L'attraction en général est un principe si complexe, qu'on peut par son moyen expliquer une infinité de phénomenes différens les uns des autres: mais jusqu'à ce que nous en connoissions mieux les propriétés, il seroit peut - être bon de l'appliquer à moins d'effets, & de l'approfondir davantage. Il se peut faire que toutes les attractions ne se ressemblent pas, & que quelques - unes dépendent de certaines causes particulieres, dont nous n'avons pû nous former jusqu'à présent aucune idée, parce que nous n'avons pas assez d'observations exactes, ou parce que les phénomenes sont si peu sensibles qu'ils échappent à nos sens. Ceux qui viendront après nous, découvriront peut - être ces diverses sortes de phénomenes: c'est pourquoi nous devons rencontrer un grand nombre de phénomenes qu'il nous est impossible de bien expliquer, ou de démontrer, avant que ces causes ayent été découvertes. Quant au mot d'attraction, on peut se servir de ce terme jusqu'à ce que la cause soit mieux connue.

Pour donner un essai du principe d'attraction, & de la maniere dont quelques Philosophes l'ont appliqué, nous joindrons ici les principales lois qui ont été données par M. Newton, M. Keill, M. Friend, &c.

Théor

Théor. I. Outre la force attractive qui retient les planetes & les cometes dans leurs orbites, il y en a une autre par laquelle les différentes parties dont les corps sont composés, s'attirent mutuellement les unes les autres; & cette force décroît plus qu'en raison inverse du quarré de la distance.

Ce théoreme, comme nous l'avons déja remarqué, peut se démontrer par un grand nombre de phénomenes. Nous ne rappellerons ici que les plus simples & les plus communs: par exemple, la figure sphérique que les gouttes d'eau prennent, ne peut provenir que d'une pareille force: c'est par la même raison que deux boules de mercure s'unissent & s'incorporent en une seule dès qu'elles viennent à se toucher, ou qu'elles sont fort près l'une de l'autre; c'est encore en vertu de cette force que l'eau s'éleve dans les tuyaux capillaires, &c.

A l'égard de la loi précise de cette attraction, on ne l'a point encore déterminée: tout ce que l'on sait certainement, c'est qu'en s'éloignant du point de contact, elle décroît plus que dans la raison inverse du quarré de la distance, & que par conséquent elle suit une autre loi que la gravité. En effet, si cette force suivoit la loi de la raison inverse du quarré de la distance, elle ne seroit guere plus grande au point de contact que fort proche de ce point: car M. Newton a démontré dans ses Principes mathématiques, que si l'attraction d'un corps est en raison inverse du quarré de la distance, cette attraction est finie au point de contact, & qu'ainsi elle n'est guere plus grande au

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