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La seconde source d'athéisme, c'est la débauche & la corruption des moeurs. On trouve des gens qui, à force de vices & de déreglemens, ont presqu'éteint leurs lumieres naturelles, & corrompu leur raison. Au lieu de s'appliquer à la recherche de la vérité d'une maniere impartiale, & de s'informer avec soin des regles ou des devoirs que la nature prescrit, ils s'accoûtument à enfanter des objections contre la religion, à leur prêter plus de force qu'elles n'en ont, & à les soûtenir opiniatrément. Ils ne sont pas persuadés qu'il n'y a point de Dieu: mais ils vivent comme s'ils l'étoient, & tâchent d'effacer de leur esprit toutes les notions qui tendent à leur prouver une divinité. L'existence d'un Dieu les incommode dans la joüissance de leurs plaisirs criminels: c'est pourquoi ils voudroient croire qu'il n'y a point de Dieu, & ils s'efforcent d'y parvenir. En effet il peut arriver quelquefois qu'ils réussissent à s'étourdir & à endormir leur conscience: mais elle se réveille de tems en tems; & ils ne peuvent arracher entierement le trait qui les déchire.
Il y a divers degrés d'athéisme pratique; & il faut être extrèmement circonspect sur ce sujet. Tout homme qui commet des crimes contraires a l'idée d'un Dieu, & qui persévere même quelque tems, ne sauroit être déclaré aussi - tôt athée de pratique. David, par exemple, en joignant le meurtre à l'adultere, sembla oublier Dieu: mais on ne sauroit pour cela le ranger au nombre des athées, de pratique; ce caractere ne convient qu'à ceux qui vivent dans l'habitude du crime, & dont toute la conduite ne paroît tendre qu'à nier l'existence de Dieu.
L'athéisme du coeur a conduit le plus souvent à celui
de l'esprit. A force de desirer qu'une chose soit
vraie, on vient enfin à se persuader qu'elle est telle:
l'esprit devient la dupe du coeur; les vérités les
plus évidentes ont toûjours un côté obscur & ténébreux,
par où l'on peut les attaquer. Il suffit qu'une
vérité nous incommode & qu'elle contrarie nos passions: l'esprit agissant alors de concert avec le coeur,
découvrira bientôt des endroits foibles auxquels il
s'attache; on s'accoûtume insensiblement à regarder
comme faux ce qui avant la dépravation du coeur
brilloit à l'esprit de la plus vive lumiere: il ne faut pas
moins que la violence des passions pour étouffer une
notion aussi évidente que celle de la divinité. Le monde,
la cour & les armées fourmillent de ces sortes d'athées. Quand ils auroient renversé Dieu de dessus son
throne, ils ne se donneroient pas plus de licence &
de hardiesse. Les uns ne cherchant qu'à se distinguer
par les excès de leurs débauches, y mettent le c>mble en se moquant de la religion; ils veulent faire
parler d'eux, & leur vanité ne seroit pas satisfaite
s'ils ne jouissoient hautement & sans bornes de la réputation
d'impies: cette réputation dangereuse est le
but de leurs souhaits, & ils seroient mécontens de
leurs expressions si elles n'etoient extraordinairement
odieuses. Les railleries, les profanations, & les blasphèmes
de cette sorte d'impies, ne sont point une marque
qu'en effet ils croyent qu'il n'y a point de divinité: ils ne parlent de la soite, que pour faire dire
qu'ils enchérissent sur les débauchés ordinaires; leur
athéisme n'est rien moins que raisonné, il n'est pas
méme la cause de leurs débauches; il en est plûtôt le
fruit & l'effet, & pour ainsi dire, le plus haut degré.
Les autres, tels que les grands qui sont le plus soupçonnés
d'athéisme, trop paresseux pour décider en
leur esprit que Dieu n'est pas, se reposent mollement
dans le sein des délices.
Il y a enfin des athées de spéculation & de raisonnement,
qui se fondant sur des principes de Philosophie, soûtiennent que les argumens contre l'existence
& les attributs de Dieu, leur paroissent plus forts
& plus conciuans que ceux qu'on employe pour établir ces grandes vérités. Ces sortes d'athées s'appellent
des athées théoriques. Parmi les anciens on compte
Protagoras, Démocrite, Diagoras, Théodore,
Nicanor, Hippon, Evhemere, Epicure & ses sectateurs,
Lucrece, Pline le jeune, &c. & parmi les modernes,
Averroès, Calderinus, Politien, Pomponace, Pierre Bembus, Cardan, Caesalpin, Taurellus,
Crémonin, Bérigord, Viviani, Thomas Hobbe, Benoît Spinosa, le marquis de boulainvilliers, &c. Je
ne pense pas qu'on doive leur associer ces hommes
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