ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Ligature

Ligature, s. f. (Théolog.) chez les Théologiens mystiques, signifie une suspension totale des facultés supérieures ou des puissances intellectuelles de l'ame. Ils prétendent que quand l'ame est arrivée à une parfaite contemplation, elle reste privée de toutes ses opérations & cesse d'agir, afin d'être plus propre & mieux disposée à recevoir les impressions & les communications de la grace divine. C'est cet état passif que les mystiques appellent ligature.

Ligature

Ligature, (Divinat.) se dit d'un état d'impuissance vénérienne causée par quelque charme ou maléfice.

L'existence de cet état est prouvée par le sentiment commun des Théologiens & des Canonistes, & rien n'est si fréquent dans le Droit canon, que les titres de frigidis & maleficiatis, ni dans les decrétales des papes que des dissolutions de mariage ordonnées pour cause d'impuissance, soit de la part du mari, soit de la part de la femme, soit de tous deux en même tems provenue de maléfice. L'Eglise excommunie ceux qui par ligature ou autre malefice, empêchent la consommation du saint mariage. Enfin, le témoignage des historiens & des faits certains concourent à établir la réalité d'une chose si surprenante.

On appelle communément ce maléfice, nouer l'éguillette: les rabbins prétendent que Cham donna cette maladie à son pere Noé, & que la plaie dont Dieu frappa Abimelech roi de Gerare, & son peuple, pour le forcer à rendre à Abraham Sara qu'il lui avoit enlevée, n'étoit que cette impuissance réciproque répandue sur les deux sexes.

Delrio, qui traite assez au long de cette matiere dans ses disquisitions magiques, liv. III. part. I. quoest. iv. sect. 8. pag. 417. & suivantes, dit que les sorciers font cette ligature de diverses manieres, & que Bodin en rapporte plus de cinquante dans sa démonomanie, & il en rapporte jusqu'à sept causes, telles que le dessechement de semence & autres semblables, qu'on peut voir dans son ouvrage; & il observe que ce maléfice tombe plus ordinairement sur les hommes que sur les femmes, soit qu'il soit plus difficile de rendre celles - ci stériles, soit, dit - il, qu'y ayant plus de sorcieres que de sorciers, les hommes se ressentent plutôt que les femmes de la malice de ces magiciennes. On peut, ajoute - t - il, donner cette ligature pour un jour, pour un an, pour toute la vie, ou du - moins jusqu'à ce que le noeud soit dénoué, mais il n'explique ni comment ce noeud se forme, ni comment il se dénoue.

Kempfer parle d'une sorte de ligature extraordinaire qui est en usage parmi le peuple de Macassar, de Java, de Siam, &c. par le moyen de ce charme ou maléfice, un homme lie une femme ou une femme un homme, en sorte qu'ils ne peuvent avoir de commerce vénérien avec aucune autre personne, l'homme étant rendu impuissant par rapport à toute autre femme, & tous les autres hommes étant rendus tels par rapport à cette femme.

Quelques philosophes de ces pays - là prétendent qu'on peut faire cette ligature en fermant une serrure, en faisant un noeud, en plantant un couteau dans un mur, dans le même tems précisément que le prêtre unit les parties contractantes, & qu'une ligature ainsi faite peut être rendue inutile, si l'époux urine à - travers un anneau: on dit que cette superstition regne aussi chez les Chrétiens orientaux.

Le même auteur raconte que durant la cérémonie d'un mariage en Russie, il remarqua un viel homme qui se tenoit caché derriere la porte de l'église, & qui marmotant certaines paroles, coupoit en même tems en morceaux une longue baguette qu'il tenoit sous son bras; pratique qui semble usitée dans les mariages des gens de distinction de ce pays, & avoir pour but de rendre inutiles les efforts de toute autre personne qui voudroit employer la ligature.

Le secret d'employer la ligature est rapporté par Kempfer, de la même maniere que le lui enseigna un adepte en ce genre; comme c'est une curiosité, je ne ferai pas de difficulté de l'ajoûter ici dans les propres termes de l'auteur, à la faveur desquelles elle passera beaucoup mieux qu'en notre langue.

Puella amasium vel conjux maritum ligatura, absterget à concubitûs actu, Priapum indutio, ut seminis quantum potest excipiat. Hoc probe convolutum sub limine domûs suoe in terram sepeliet, ibi quamdiu sepultum reliquerit, tamdiu ejus hasta in nullius proeter quam sui (fascinantis) servitium obediet, & prius ab hoc nexu non liberabitur quam ex claustro liminis liberetur ipsum linteum. Vice versâ vir lecti sociam ligaturus, menstruatum ab ea linteum comburito; ex cineribus cum propriâ urinâ subactis efformato figuram Priapi, vel si cineres (peut - être faut - il mentuloe) junculoe fingendoe non sufficient, eosdem subigito cum parte terroe quam recens perminxerit. Formatum iconem caute exsiccato, siccumque asservato loco sicco ne humorem contrahat. Quamdiu sic servaveris, omnes arcus dum ad scopum socioe collimaverint, momento contabescent. Ipse vero Dominus abrunum hunc suum prius humectato. Quandiu sic manebit, tandiu suspenso nexu Priapus ipsi parebit, quin & alios quot quot foemina properantes admiserit.

Tout cela sans doute est fondé sur un pacte tacite; car quelque relation qu'aient les matieres qu'on emploie dans ce charme avec les parties qu'on veut lier ou rendre impuissantes, il n'y a point de système de Physique qui puisse rendre raison des effets qu'on attribue à ce linge maculé & à cette figure.

M. Marshal parle d'une autre sorte de ligature qu'il apprit d'un brachmane dans l'Indostan: « Si l'on coupe en deux, dit - il, le petit ver qui se trouve dans le bois appellé lukerata kara, ensorte qu'une partie de ce ver remue, & que l'autre demeure sans mouvement: si l'on écrase la partie qui remue, & qu'on la donne à un homme avec la moitié d'un escarbot, & l'autre moitié à une femme; ce charme les empêchera l'un & l'autre d'avoir jamais commerce avec une autre personne ». Transact. philosoph. n°. 268.

Ces effets surprenans bien attestés, paroissent aux esprits sensés procéder de quelque cause surnaturelle, principalement quand il n'y a point de vice de conformation dans le sujet, & que l'impuissance survenue est perpétuelle ou du moins de longue durée. Les doutes fondés qu'elle doit suggérer n'ont pas empêché Montagne, tout pyrrhonien qu'il étoit, de regarder ces nouemens d'éguillettes comme des effets d'une imagination vivement frappée, & d'en chercher les remedes dans l'imagination même, en la séduisant sur la guérison comme elle a été trompée sur la nature du mal.

« Je suis encore en ce doute, dit - il, que ces plaisantes liaisons dequoi notre monde se voit si entravé, qu'il ne se parle d'autre chose, ce sont volontiers des impressions de l'appréhension & de la crainte: car je sais par expérience, que tel de qui je puis répondre, comme de moi - même, en qui il ne pouvoit choir soupçon aucun de foiblesse, & aussi peu d'enchantement, ayant oui faire le conte à un sien compagnon d'une défaillance extraordinaire en quoi il étoit tombé sur le point qu'il en avoit le moins de besoin, se trouvant en pareille occasion, l'horreur de ce conte lui vint à coup si rudement frapper l'imagination, qu'il encourut une fortune pareille: ce vilain souvenir de son inconvénient le gourmandant & tyrannisant, il trouva quelque remede à cette rêverie, par une autre rê<pb->

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