ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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grace ou à force d'argent, des certificats par lesquels on leur donnoit acte de leur obéissance aux ordres de l'empereur, & on défendoit de les inquiéter davantage sur le fait de la religion.

Ces certificats se nommoient en latin libelli, libelles, d'où l'on fit les noms de libellatiques.

Les centuriateurs prétendent cependant que l'on appelloit libellatiques ceux qui donnoient de l'argent aux magistrats pour n'être point inquiétés sur la religion, & n'être point obligés de renoncer au Christianisme.

Les libellatiques, selon M. Tillemont, étoient ceux qui, sachant qu'il étoit défendu de sacrifier, ou alloient trouver les magistrats, ou y envoyoient seulement, & leur témoignoient qu'ils étoient chretiens, qu'il ne leur étoit pas permis de sacrifier ni d'approcher des autels du diable; qu'ils les prioient de recevoir d'eux de l'argent, & de les exempter de faire ce qui leur étoit défendu. Ils recevoient ensuite du magistrat ou lui donnoient un billet qui portoit qu'ils avoient renoncé à J. C. & qu'ils avoient sacrifié aux idoles, quoiqu'ils n'en eussent rien fait, & ces billets se lisoient publiquement.

Ce crime, quoique caché, ne laissoit pas que d'être très - grave. Aussi l'église d'Afrique ne recevoit à la communion ceux qui y étoient tombés, qu'après une longue pénitence: la rigueur des satisfactions qu'elle exigeoit, engagea les libellatiques à s'adresser aux confesseurs & aux martyrs qui étoient en prison ou qui alloientà la mort, pour obtenir par leur intercession la relaxation des peines canoniques qui leur restoient à subir, ce qui s'appelloit demander la paix. L'abus qu'on fit de ces dons de la paix causa un schisme dans l'eglise de Carthage du tems de S. Cyprien, ce saint docteur s'étant élevé avec autant de force que d'éloquence contre cette facilité à remettre de telles prévarications, comme on le peut voir dans ses épitres 31. 52. & 68, & dans son livre de lapsis. L'onzieme canon du concile de Nicée regarde en partie les libellatiques.

LIBELLE

LIBELLE, s. m. libellus, (Jurisprud.) signifie différentes choses.

Libelle de divorce, libellus repudii, est l'acte par lequel un mari notifie à sa femme qu'il entend la répudier. Voyez Divorce, Répudiation & Séparation.

Libelle d'un exploit ou d'une demande est ce qui explique l'objet de l'ajournement; quelquefois ce libelle est un acte séparé qui est en tête de l'exploit; quelquefois le libelle de l'exploit est inséré dans l'exploit même, cela dépend du style de l'huissier & de l'usage du pays, car au fond cela revient au même.

Libelle diffamatoire est un livre, écrit ou chanson, soit imprimé ou manuscrit, fait & répandu dans le public exprès pour attaquer l'honneur & la réputation de quelqu'un.

Il est également défendu, & sous les mêmes peines, de composer, écrire, imprimer & de répandre des libelles diffamatoires.

L'injure résultant de ces sortes de libelles est beaucoup plus grave que les injures verbales, soit parce qu'elle est ordinairement plus méditée, soit parce qu'elle se perpétue bien davantage: une telle injure qui attaque l'honneur est plus sensible à un homme de bien que quelques excès commis en sa personne.

La peine de ce crime dépend des circonstances & de la qualité des personnes. Quand la diffamation est accompagnée de calomnie, l'auteur est puni de peine afflictive, quelquefois même de mort.

Voyez l'édit de Janvier 1561, article 13; l'édit de Moulins, article 77; & celui de 1571, article 10. Voyez l'article suivant. (A)

Libelle

Libelle, (Gouvern. politiq.) écrit satyrique, injurieux contre la probité, l'honneur & la réputa<cb-> tion de quelqu'un. La composition & la publication de pareils écrits méritent l'opprobre des sages; mais laissant aux libelles toute leur flétrissure en morale, il s'agit ici de les considérer en politique.

Les libelles sont inconnus dans les états despotiques de l'Orient, où l'abattement d'un côté, & l'ignorance de l'autre, ne donnent ni le talent ni la volonté d'en faire. D'ailleurs, comme il n'y a point d'imprimeries, il n'y a point par conséquent de publication de libelles; mais aussi il n'y a ni liberté, ni propriété, ni arts, ni sciences: l'état des peuples de ces tristes contrées n'est pas au - dessus de celui des bêtes, & leur condition est pire. En général, tout pays où il n'est pas permis de penser & d'écrire ses pensées, doit nécessairement tomber dans la stupipidité, la superstition & la barbarie.

Les libelles se trouvent séverement punis dans le gouvernement aristocratique, parce que les magistrats s'y voyent de petits souverains qui ne sont pas assez grands pour mépriser les injures. Voilà pourquoi les décemvirs, qui formoient une aristocratie, décernerent une punition capitale contre les auteurs de libelles.

Dans la démocratie, il ne convient pas de sévir contre les libelles, par les raisons qui les punissent criminellement dans les gouvernemens absolus & aristocratiques.

Dans les monarchies éclairées les libelles sont moins regardés comme un crime que comme un objet de police. Les Anglois abandonnent les libelles à leur destinée, & les regardent comme un inconvénient d'un gouvernement libre qu'il n'est pas dans la nature des choses humaines d'éviter. Ils croient qu'il faut laisser aller, non la licence effrénée de la satyre, mais la liberté des discours & des écrits, comme des gages de la liberté civile & politique d'un état, parce qu'il est moins dangereux que quelques gens d'honneur soient mal - à - propos diffamés, que si l'on n'osoit éclairer son pays sur la conduite des gens puissans en autorité. Le pouvoir a de si grandes ressources pour jetter l'effroi & la servitude dans les ames, il a tant de pente à s'accroître injustement, qu'on doit beaucoup plus craindre l'adulation qui le suit, que la hardiesse de démasquer ses allures. Quand les gouverneurs d'un état ne donnent aucun sujet réel à la censure de leur conduite, ils n'ont rien à redouter de la calomnie & du mensonge. Libres de tout reproche, ils marchent avec confiance, & n'appréhendent point de rendre compte de leur administration: les traits de la satyre passent sur leurs têtes & tombent à leurs piés. Les honnêtes gens embrassent le parti de la vertu, & punissent la calomnie par le mépris.

Les libelles sont encore moins redoutables, par rapport aux opinions spéculatives. La vérité a un ascendant si victorieux sur l'erreur! elle n'a qu'à se montrer pour s'attirer l'estime & l'admiration. Nous la voyons tous les jours briser les chaînes de la fraude & de la tyrannie, ou percer au - travers des nuages de la superstition & de l'ignorance. Que ne produiroit - elle point si l'on ouvroit toutes les barrieres qu'on oppose à ses pas!

On auroit tort de conclure de l'abus d'une chose à la nécessité de sa destruction. Les peuples ont souffert de grands maux de leurs rois & de leurs magistrats; faut - il pour cette raison abolir la royauté & les magistratures? Tout bien est d'ordinaire accompagné de quelque inconvénient, & n'en peut être séparé. Il s'agit de considérer qui doit l'emporter, & déterminer notre choix en faveur du plus grand avantage.

Enfin, disent ces mêmes politiques, toutes les méthodes employées jusqu'à ce jour, pour prévenir ou proscrire les libelles dans les gouvernemens mo<pb->

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