ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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la simplicité, la proportion & l'accord auxquels je voudrois que l'architecture fût réduite; de maniere que l'on trouvera dans la diversité de ces exemples une variété de préceptes, de formes & de compositions, qui je crois fera plaisir aux amateurs. Heureux si je puis trouver par - là l'occasion de prouver aux hommes du métier, qu'il n'est point de vice plus honteux que la jalousie, ni qui dégrade tant l'humanité: du moins me saura - t - on quelque gré, malgré les bontés dont le public a honoré mes ouvrages jusques à présent, de m'être fait honneur de partager le bien d'être utile au public, avec les deux habiles architectes que je viens de nommer, qui méritent à toute sorte d'égards l'estime des citoyens & l'attention du Ministre. (P)

ARCHITECTONIQUE

ARCHITECTONIQUE, adj. (Physiq.) est ce qui donne à quelque chose une forme réguliere, convenable à la nature de cette chose, & à l'objet auquel elle est destinée: ainsi la puissance plastique, qui, selon quelques Philosophes, change les oeuss des femelles en créatures vivantes de la même espece, est appellée par ces Philosophes esprit architectonique. Sur le systeme des puissances & natures plastiques, voyez l'article Plastique. (O)

ARCHITECTURE

ARCHITECTURE, subst. f. est en général l'art de bâtir.

On en distingue ordinairement de trois especes; savoir, la civile qu'on appelle architecture tout court, la militaire, & la navale.

L'Ordre encyclopédique de chacune est différent. Voyez l'Arbre qui est à la suite du Discours préliminaire.

On entend par architecture civile, l'art de composer & de construire les bâtimens, pour la commodité & les différens usages de la vie, tels que sont les édifices sacrés, les palais des rois & les maisons des particuliers; aussi - bien que les ponts, places publiques, théatres, arcs de triomphes, &c. On entend par architecture militaire, l'art de fortifier les places, en les garantissant par de solides constructions de l'insulte des ennemis, de l'effort de la bombe, du boulet, &c. & c'est ce genre de construction qu'on appelle Fortification. Voyez l'art. Fortification. On entend par architecture navale, celle qui a pour objet la construction des vaisseaux, des galeres, & généralement de tous les bâtimens flottans, aussi - bien que celle des ports, moles, jettées, corderies, magasins, &c. érigés sur le rivage de la me, ou sur ses bords. Voyez l'art. de la Marine.

Pour parler de l'architecture civile qui est notre objet, nous dirons en général que son origine est aussi ancienne que le monde; que la nécessité enseigna aux premiers hommes à se bâtir eux - mêmes des huttes, des tentes & des cabanes; que par la suite des tems, se trouvant contraints de vendre & d'acheter, ils se réunirent ensemble, où vivant sous des lois communes, ils parvinrent à rendre leurs demeures plus régulieres.

Les anciens auteurs donnent aux Egyptiens l'avantage d'avoir élevé les premiers des bâtimens symmétriques & proportionnés; ce qui fit, disent - ils, que Salomon eut recours à eux pour bâtir le temple de Jérusalem, quoique Vilapandre nous assûre qu'il ne fit venir de Tyr que les ouvriers en or, en argent & en cuivre, & que ce fut Dieu lui - même qui inspira à ce roi les préceptes de l'architecture (ce qui seroit, selon cet auteur, un trait bien honorable pour cet art.) Mais sans entrer dans cette discussion, nous regardons la Grece comme le berceau de la bonne architecture, soit que les regles des Egyptiens ne soient pas parvenues jusqu'à nous, soit que ce qui nous reste de leurs édifices ne nous montrant qu'une architecture solide & colossale (tels que ces fameuses pyramides qui ont triomphé du tems depuis tant de sie<cb-> cles) ne nous affecte pas comme les restes des monumens que nous avons de l'ancienne Grece. Ce qui nous porte à croire que nous sommes redevables aux Grecs des proportions de l'architecture, ce sont les trois ordres, dorique, ionique & corinthien, que nous tenons d'eux, les Romains ne nous ayant produit que les deux autres qui en sont une imitation assez imparfaite, quoique nous en fassions un usage utile dans nos bâtimens, exprimant parfaitement chacun à part le genre d'architecture rustique, solide, moyen, délicat & composé, connus sous le nom de toscan, dorique, ionique, corinthien, & composite, qui ensemble comprennent ce que l'architecture a de plus exquis; puisque nous n'avons pû en France, malgré les occasions célebres que nous avons eues de bâtir depuis un siecle, composer d'ordres qui ayent pû approcher de ceux des Grecs & des Romains: je dis approcher; car plusieurs habiles hommes l'ont tenté, tols que Bruant, le Brun, le Clerc, &c. sans être approuvés ni imités par leurs contemporains ni leurs successeurs; ce qui nous montre assez combien l'architecture, ainsi que les autres Arts, ont leurs limites. Mais sans parler ici des ouvrages des Grecs, qui sont trop éloignés de nous, & dont plusieurs auteurs célebres ont donné des descriptions, passons à un tems moins reculé, & disons que l'architecture dans Rome parvint à son plus haut degré de perfection sous le regne d'Auguste; qu'elle commença à être négligée sous celui de Tibere son successeur; que Néron même, qui avoit une passion extraordinaire pour les Arts, malgré tous les vices dont il étoit possédé, ne se servit du goût qu'il avoit pour l'architecture, que pour étaler avec plus de prodigalité son luxe & sa vanité, & non sa magnificence. Trajan témoigna aussi beaucoup d'affection pour les Arts; & malgré l'affoiblissement de l'architecture, ce fut sous son regne qu'Appollodore éleva cette fameuse colonne qui porte encore aujourd'hui dans Rome le nom de cet empereur. Ensuite Alexandre Severe soûtint encore par son amour pour les Arts, l'architecture: mais il ne put empêcher qu'elle ne fût entraînée dans la chûte de l'empire d'Occident, & qu'elle ne tombât dans un oubli dont elle ne put se relever de plusieurs siecles, pendant l'espace desquels les Visigots détruisirent les plus beaux monumens de l'antiquité, & où l'architecture se trouva réduite à une telle barbarie, que ceux qui la professoient négligerent entierement la justesse des proportions, la convenance & la correction du dessein, dans lesquels consiste tout le mérite de cet art.

De cet abus se forma une nouvelle maniere de bâtir que l'on nomma gothique, & qui a subsisté jusqu'à ce que Charlemagne entreprit de rétablir l'ancienne. Alors la France s'y appliqua avec quelque succès, encouragée par Hugues Capet, qui avoit aussi beaucoup de goût pour cette science: Robert son fils qui lui succéda, eut les mêmes inclinations; de sorte que par degrés l'architecture, en changeant de face, donna dans un excès opposé en devenant trop légere, les Architectes de ces tems - là faisant consister les beautés de leur architecture dans une délicatesse & une piofusion d'ornemens jusqu'alors inconnus; excès dans lequel ils tomberent sans doute par opposition à la gothique qui les avoit précédés, ou par le goût qu'ils reçûrent des Arabes, & des Maures, qui apporterent ce genre en France des pays méridionaux: comme les Vandales & les Goths avoient apporté du pays du nord le goût pesant & gothique.

Ce n'est guere que dans les deux derniers siecles que les Architectes de France & d'Italie s'appliquerent à retrouver la premiere simplicité, la beauté, & la proportion de l'ancienne architecture; aussi n'estce que depuis ce tems que nos édifices ont été exécutés à l'imitation & suivant les préceptes de l'architecture antique: nous remarquerons à cette occasion

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