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C'est parce que cette philosophie a été portée tout - à - coup par son divin auteur, à un point de perfection auquel la Medecine étoit bien éloignée d'avoir atteint avant lui, & qui, pour l'essentiel, n'a ensuite presque rien acquis de plus, que l'on a constamment, depuis plus de vingt siecles, regardé Hippocrate comme l'instituteur & presque absolument comme l'inventeur de cet art salutaire; comme étant celui qui en a le premier recueilli, indiqué les principes enseignés par la nature même, & les a rédigés en corps de doctrine, en les déduisant des faits qu'une application infatigable & une expérience éclairée lui avoient appris à bien observer & à bien juger, soit en les comparant avec ceux qui lui avoient été transmis des plus célebres medecins qui l'avoient précédé, soit en confirmant les uns par les autres ceux qu'il avoit ramassés pendant le cours d'une longue vie qu'il avoit consacrée au service de l'humanité, pour la lui rendre à jamais utile par les monumens immortels qu'il lui a laissés de ses lumieres & de son zèle.
Ce célebre philosophe medecin, l'un des plus grands hommes qui aient paru dans le monde, naquit dans l'île de Coos, l'une des Cyclades, environ 460 ans avant J. C. la premiere année de l'olympiade lxxx. selon Soranus, 30 ans avant la guerre du Péloponnèse; selon d'autres auteurs, tels qu'Eusebe, Hippocrate étoit plus ancien, & d'autres le font moins ancien. On prétend qu'il descendoit d'Esculape par Héraclide son pere, & d'Hercule du côté de Praxithée sa mere: il étoit par conséquent de la race des Asclépiades, nom que l'on donnoit aux descendans du dieu d'Epidaure, desquels il paroît qu'Hippocrate se glorifioit d'être le dix - huitieme.
Cet Esculape grec, qu'il ne faut pas confondre avec l'égyptien, est le même dont Celse & Galien disent qu'il fut le premier qui retira la Medecine des mains du vulgaire & la rendit clinique; c'est - à - dire qu'il établit la coûtume de visiter les malades dans leurs lits: ce qui ne se pratiquoit point auparavant. On consultoit les Medecins au coin des rues, où ils se tenoient toute la journée à cet effet. La connoissance de la Medecine s'étant, pour ainsi dire, établie dans la famille des Asclépiades, & s'étant conservée pendant plusieurs siecles dans ses différentes branches, elle y passoit du pere au fils, & y étoit véritablement héréditaire.
Mais Hippocrate ne se borna pas à la tradition &
aux observations qu'il avoit reçues de ses ancêtres;
il eut encore pour maître dans l'étude qu'il fit de
bonne heure de la Medecine, Hérodicus qui est un
de ceux auxquels on a attribué l'invention de la Medecine gymnastique. Voyez
Les premiers Medecins s'étant bornés pendant plusieurs siecles, dans la pratique de leur art, à observer avec grande attention les différens phénomènes de la santé & de la maladie, & à les comparer entre eux, pour en tirer leur indication, sans se mettre en peine d'expliquer ce qui les produit; ils s'appliquoient en même tems à chercher le régime le plus salutaire & les remedes les plus efficaces, sans entreprendre de rendre raison des effets qui s'ensuivoient; ils pensoient que des observations exactes & des secours expérimentés étoient beaucoup plus utiles que tous les raisonnemens.
La famille des Asclépiades, qui, comme on vient de le dire, possédoit, pour ainsi dire, en propre l'art de guérir, n'avoit point eu d'abord d'autre maniere de pratiquer, jusqu'à ce que, même avant Pythagore, qui le premier a introduit la Philosophie dans la Medecine, environ quatre - vingts ans avant Hippocrate, les Medecins prirent goût pour le fanatisme & la superstition: pour se dispenser du soin pénible qu'exige l'observation, ils avoient volontiers recours aux charmes & aux amulettes; superstition qui devint fort commune parmi les Pythagoriciens, qui ne laissoient pas d'ailleurs, à l'exemple de leur chef, de vouloir expliquer les causes des maladies & autres choses de ce genre. Mais il est vrai que ces philosophes pour la plûpart, se bornerent à la simple théorie de la Medecine, & ne firent pas beaucoup de mal. Mais un des plus fameux disciples de Pythagore, le célebre Empédocle, à qui le mont AEthna fit payer cher sa curiosité, se mêla de pratiquer: quelques autres de sa secte commençoient à suivre cet exemple, & leur pratique étoit accompagnée de toutes les mystérieuses chimeres de la philosophie de leur maître.
C'est au milieu des brouillards de cette fausse philosophie,
qu'Hippocrate travailloit à acquérir des
lumieres qui devoient le rendre le fondateur de la
vraie Medecine: mais, ce qui est très - remarquable,
ni ses raisonnemens, ni ses observations, ni ses remedes
n'ont pas la moindre teinture de cette superstition
philosophique qui régnoit de son tems: son
bon sens la lui fit mépriser, & lui fit sentir la nécessité
d'ôter l'exercice de l'art de guérir des mains de
ceux qui n'étoient que philosophes; à quoi il travailla
de tout son pouvoir & avec succès: ce qui a fait
dire qu'il avoit séparé la Medecine de la Philosophie,
dont en effet il ne retint que ce qui pouvoit être
d'une utilité réelle; c'est - à - dire qu'il joignit avec sagesse
le raisonnement à l'expérience, en prenant
toûjours celle - ci pour principe; ce qu'aucun médecin
n'avoit fait avant lui. C'est pour cela qu'Hippocrate a été regardé assez généralement par les anciens
comme le pere de la Medecine raisonnée, le
chef des medecins dogmatiques; ce dont conviennent
aussi la plûpart des modernes, avec Boerrhaave, sans avoir égard au sentiment de M. de Haller.
Cet auteur a pris à ce sujet occasion de s'expliquer
d'une maniere peu favorable à notre respectable maître,
dans la note 2 sur le §. xiij. du commentaire sur
les institutions du célebre medecin de Leyde, qui cependant
faisoit tant de cas des écrits d'Hippocrate,
qu'il a écrit, ex professo, un discours à leur louange
(de commendando studio Hippocratico inter opuscula);
il le reconnoissoit, avec tout le monde, pour le véritable
inventeur de l'art de guérir, à plus juste titre
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