ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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turellement en quatre petits systèmes ou tétracordes composés chacun de quatre sons ou cordes, qui faisoient l'étendue d'une quarte.

La quatrieme corde du premier tétracorde étoit la premiere du second, & la quatrieme corde du troisieme étoit la premiere du quatrieme; mais le second & le troisieme n'avoient point de corde commune. Chaque corde étoit désignée par un nom particulier; ces noms étant très - difficiles à retenir, nous y substituerons ceux qui leur répondent dans la musique d'aujourd'hui. Les quatre tétracordes dont il s'agit étoient les suivans, en montant du grave à l'aigu.

1er tétracorde, ou le plus grave, si, ut, ré, mi. Second, mi, fa, sol, la. Troisieme, si, ut, ré, mi. Quatrieme, mi, fa, sol, la. Ce qui fait en tout quatorze sons. Pour avoir le quinzieme son & compléter les deux octaves, on ajoûtoit un son la au - dessous du si du premier tétracorde. Voyez Proslambanomene.

Il y avoit une seconde maniere d'entonner le troisieme tétracorde; c'étoit de lui substituer celui - ci, la, si, ut, ré, qui avoit son premier son la commun avec le tétracorde précédent, & qui donnoit au système un si de plus, & par conséquent une seizieme corde.

Les noms de chacune des cordes du système étant longs & embarrassans, ne pouvoient servir pour ce que nous appelions solfier. Pour y suppléer, les Grecs désignoient les quatre cordes de chaque tétracorde, en montant du grave à l'aigu, par ces quatre monosyllabes, té, ta, té, tô. Voyez les mémoires de M. Burette, dans le recueil de l'acad. des Belles - Lettr. Par - là on voit aisément la différence du système des Grecs & de celui de Guy.

On sait que les notes ut, ré, mi, &c. de la gamme de Guy, sont prites des trois premiers vers de l'hymne de S. Jean; mais on ne sait pas précisément quelle raison a déterminé Guy à ce choix. Il est certain que dans cette hymne, telle qu'on la chante aujourd'hui, les syllabes ré, mi, fa, &c. n'ont point, par rapport à la premiere syllabe ut, les sons qu'elles ont dans la gamme. Ainsi ce n'est point cette raison qui a déterminé Guy, à - moins qu'on ne veuille dire qu'alors le chant de l'hymne étoit différent de celui qu'elle a aujourd'hui, ce qu'on ne peut ni prouver, ni nier.

Il n'est pas inutile de remarquer que la gamme est une des inventions dûes aux siecles d'ignorance; Guy vivoit en 1009. Il publia sur son système une lettre dans laquelle il dit: j'espere que ceux qui viendront après nous prieront Dieu pour la rémission de nos péchés, puisqu'on apprendra maintenant en un an, ce qu'on pouvoit à peine apprendre en dix. On a vû par ce qui précede, que celui qui a inventé la gamme françoise ut, ré, mi, fa, sol, la, si, ut, appellée gamme du si, étoit encore plus en droit de se flater de la reconnoissance de la postérité, puisque la gamme de Guy a été par ce moyen très - simplifiée. (O)

Nous joindrons à ces remarques un écrit que M. le pr sident de Brosses, correspondant - honoraire de l'académie royale des Belies - Lettres, a bien voulu nous communiquer sur la gamme de Guy d'Arezzo. Il y examine par quelle suite d'idées ce musicien est parvenu à la former, & ses successeurs à la perfectionner.

« Les Grecs, dit - il, marquoient les caracteres de leur Musique par une grande quantité de lettres & de figures différentes, que les Latins réduisirent depuis aux quinze premieres lettres de l'alphabet, dont ils formerent une tablature. Mais quoique le gamma fût une de ces lettres, il est douteux que les Latins se soient jamais servi du mot gamma, comme le dit M. Saverien, pour nommer leur tablature: il faut s'en tenir à ce qu'il ajoûte dans la suite, sur le tems où ce mot fut en usage. Guy d'Arezzo forma, vers le commencement de l'onzieme siecle, un nouveau système de Musique: alors on se servoit de l'ancien système des Grecs, autrefois composé de deux tétracordes conjoints, représentés par des lettres, & égaux à ceux - ci, si, ut, ré, mi; mi, fa, fol, la, dans lesquels on peut remarquer que tous deux commencent par une tierce mineure, & qui plus est par un intervalle de sémi - ton: ou plûtôt tout deux sont de vrais tricordes du mode majeur, comprenant chacun une tierce majeure, au - dessous de laquelle les Grecs avoient savamment ajoûté la note sensible du ton, qui représente à son octave la septieme du même ton, c'est à - dire la principale dissonnance du ton. Il y a grande apparence que Guy d'Arezzo, lorsqu'il commença de concevoir son nouveau système, ayant égard à ce que les deux tétracordes des Grecs commençoient par deux tierces mineures, composa le sien de deux tricordes disjoints faisant chacun une tierce mineure; & qu'il les exprima de la maniere suivante, par les six premieres lettres de l'alphabet latin, a, b, c; d, e, f, équivalentes à la, si, ut; ré, mi, fa. Dans la suite, il conçut l'echelle diatomque de six sons, commençant par une tierce majeure, telle que nous l'avons aujourd'hui, & mit pour les trois premieres notes de son échelle, c, d, e, qui seules laissant entre chacune l'intervalle d'un ton entier, lui donnoient la tierce majeure.

Je ne doute pas que ce ne soit le sens du premier vers de l'hymne de saint Jean.

Ut queant laxis resonare fibris, qui a déterminé l'auteur à tirer de cette strophe le nom de ces six cordes qu'il vouloit faire sonner à vuide, resonare laxis fibris. C'est donc ici la cause occasionnelle de l'étymologie déjà connue des six premiers sons de la gamme.

Pour imiter & perfectionner les deux tétracordes grecs, on ajoûta à l'échelle des six tons precédens, une septieme note, que l'on nomma si, & l'octave ou répetition du premier ton, nommé de même, ut. De cette sorte, l'échelle diatonique se trouva contenir une octave complette, dirigée selon la plus grande conformité avec la voix humaine, qui ne peut facilement faire trois tons entiers de suite, tels que seroient ut, ré, mi, fa #; mais qui après deux tons entiers, aime à se reposer par l'intonation succédante d'un sémi - ton; ainsi ut, ré, mi, fa, &c. Cette échelle est en même tems composée de deux tétracordes disjoints & à - peu - près pareils, ut, ré, mi, fa; sol, la, si, ut. En suivant toûjours la méthode des Grecs usitée de son tems (car les inventeurs mêmes travaillent d'exemple), Guy d'Arezzo joignit aux syllabes qu'il prenoit pour noms des sons, les lettres A, B, C, D, E, F, qui les nommoient ci - devant: mais A représentoit la, premiere note de ses deux tricordes, & non pas ut, premiere note de son échelle d'octave: tellement que pour nommer les tons, en joignant la lettre à la syllabe, & y ajoûtant entre deux le nom de la dominante du ton qui en marque toute la modulation & les subséquences, on a dit, en suivant l'ordre des tricordes, A mi la, B fa si, C sol ut, D la ré, E si mi, F ut fa. De - là viennent aussi ces anciennes expressions familieres aux Musiciens, le premier en A mi la; le quint en E si mi. Il manquoit une lettre au septieme ton; l'inventeur, suivant son plan, prit la septieme de l'alphabet latin G, qu'il écrivit en grec G, gamma, quoique le G se trouve la troisieme de l'alphabet grec: de cette

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