Dictionnaire de l'Académie Française,
6ème edition (1835)

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COULER se dit aussi figurément Du temps qui passe. Les jours, les années, les siècles coulent insensiblement, coulent si vite. Le temps coule doucement. Ses jours coulaient dans l'innocence. On dit activement, dans un sens analogue: Couler d'heureux jours, des jours paisibles. Couler ses jours dans le repos, dans l'innocence. Etc.

COULER se dit encore D'un tonneau, d'un vase, etc., quand il est percé ou qu'il n'est pas bien joint, en sorte que le liquide qu'il contient fuit. Ce tonneau, ce baril coule. Il coule de toutes parts.

Cette statue a coulé, cette cloche a coulé, etc., se dit Lorsque, dans l'opération de la fonte d'une statue, d'une cloche, etc., le métal s'est échappé par quelque fente du moule.

COULER se dit encore De la vigne, lorsque le raisin qui commençait à se nouer tombe ou se dessèche. La vigne était belle, mais elle a coulé, la pluie l'a fait couler. Les vignes ont coulé. On le dit pareillement De certains fruits, tels que les melons, les figues, etc. Les melons ont coulé.

COULER se dit aussi Des choses solides qui glissent, qui s'échappent. L'échelle n'avait pas assez de pied, elle coula. Comme il passait dans la rue, une tuile coula d'un toit et lui tomba sur la tête.

Couler à fond, couler bas, ou simplement Couler, se dit D'un vaisseau, d'un bâtiment qui s'enfonce dans l'eau. Ce navire a coulé bas. Ce bâtiment va couler à fond. On dit aussi, activement, Couler à fond, couler bas un bâtiment, Le submerger. Attaquer un vaisseau et le couler bas à coups de canon. Tirer à couler bas.

Fig. et fam., Couler quelqu'un à fond dans la dispute, dans la discussion, Le réduire à ne savoir que répondre.

Couler quelqu'un à fond, signifie aussi, Ruiner son crédit, sa fortune, etc. Cet homme avait un grand crédit, un poste brillant, etc., on l'a coulé à fond, il est coulé à fond. On dit de même, avec le pronom personnel, Il s'est coulé à fond.

Couler une matière à fond, L'épuiser, la traiter sans rien omettre. On dit aussi, Couler à fond une affaire, L'achever complétement, de manière qu'on ne doive plus y revenir, qu'il n'en soit plus question.

COULER signifie quelquefois simplement, Glisser le long de quelque chose. Il saisit la corde et se laissa couler jusqu'à terre. Ce châssis coule bien. Faire couler une chose avec précaution d'une surface sur une autre.

Ce rasoir coule bien, Il coupe la barbe sans causer aucune sensation désagréable, il rase doucement, légèrement.

COULER en termes de Danse, se dit Des pas pour lesquels on glisse doucement sans appuyer. Pour exécuter cette danse, on ne fait que couler. Faites deux pas, et coulez.

Activement, Couler un pas, Le marquer légèrement.

COULER en termes de Musique, Exécuter deux ou plusieurs notes en les liant par un même coup de gosier, de langue, d'archet, etc. Dans ce sens, il est toujours verbe actif. De ces quatre notes, il ne faut en couler que deux, que trois. Couler plusieurs notes. Couler un trait, un passage.

COULER signifie aussi, neutralement, Passer sans faire de bruit, pour éviter d'être aperçu. Coulez vite le long de cette muraille. Ces troupes coulèrent à la faveur de la nuit, à la faveur du bois, coulèrent le long des fossés, et entrèrent dans la place. Le lièvre a coulé le long de la haie.

Fig., Couler sur un fait, sur une circonstance, etc., N'en parler que légèrement et en passant. Il n'a fait que couler sur cette circonstance.

COULER signifie également, comme verbe actif, Glisser adroitement, furtivement une chose en quelque endroit, ou parmi d'autres choses. En comptant de l'argent, il y coula quelques écus faux. Il coula ce billet, cette pièce parmi les autres papiers. Il a coulé la main dans ma poche. Il lui coula des louis d'or dans la main. Il a coulé ce mot subtilement dans la clause, ou cette clause dans le contrat. Il en faudrait couler un mot dans votre discours, dans votre lettre. Je lui en ai coulé deux mots à l'oreille.

Il s'emploie avec le pronom personnel dans les deux sens qui précèdent. Je me coulai le long de la muraille. Il se coula par derrière la tapisserie. Il s'est coulé dans la presse. Coulez-vous doucement parmi les autres.

COULER. verbe actif signifie encore, Passer une chose liquide au travers du linge, du drap, du sable, etc. Couler du lait dans un couloir. Couler de l'hypocras dans une chausse. Couler un bouillon. Couler au travers d'un linge.

Couler la lessive, se dit en parlant De l'eau chaude qu'on verse à plusieurs reprises sur le linge qui est dans un cuvier.

COULER actif, signifie en outre, Jeter en moule. Couler une pièce de canon, une statue, etc.

Couler une glace, En faire couler la matière fondue sur une table préparée pour cette opération. Le secret de couler les glaces n'était pas connu des anciens. On dit de même, Couler une gueuse de fer.

En Archit., Couler les joints des dalles de pierre, etc., Y verser du plomb fondu, pour les fermer.

COULÉ, ÉE. participe Statue coulée en bronze.

COULEUR. s. f. Impression que fait sur l'oeil la lumière réfléchie par la surface des corps. Les couleurs primitives. Les couleurs simples. Les couleurs composées. Couleur naturelle. Couleur artificielle. Couleur claire. Couleur sombre, brune, obscure. Couleur éclatante. Couleur voyante. Couleur haute. Couleur gaie. Couleur vive. Couleur triste, morne. Couleur modeste. Couleur forte, chargée. Couleur faible. Couleur fausse. Couleur légère. Couleur rude. Couleur douce. Couleur fanée, passée, effacée, ternie. Couleur tirant sur le brun, sur le bleu, etc. Couleur mêlée. Couleur changeante. Couleur tranchante. Ce vin a la couleur malade. Couleur noire, blanche, grise, rouge, verte, violette, jaune, incarnate, isabelle. Couleur de feu, d'amarante. Couleur de rose. Couleur de rose sèche, de chair, de citron, de gris de lin. Couleur de musc. Couleur d'olive, de feuille-morte, de ramoneur, de ventre de biche, etc. Couleur aurore. Couleur amarante. Couleur vert-pomme, gris de lin, etc. Cette étoffe est de telle couleur. La couleur d'un fruit. Ce marbre est d'une belle couleur. Diversifier les couleurs. Variété de couleurs. Mêler les couleurs. Mélange de couleurs. Les diverses nuances d'une même couleur. Assortir les couleurs. On ne porte plus de cette couleur, de ces couleurs. Couleur à la mode.

Il est masculin dans ces locutions elliptiques, Le couleur de feu, le couleur de rose, de chair, de citron, etc., Ce qui a la couleur du feu, de la rose, etc. Ce ruban est d'un beau couleur de feu. Après un substantif, ces locutions s'emploient comme une sorte d'adjectif. Un ruban couleur de feu. Des souliers couleur de rose.

Prov., Juger, parler d'une chose comme un aveugle des couleurs, Juger, parler d'une chose dont on n'a aucune connaissance.

Fig. et fam., Voir tout couleur de rose, Voir tout en beau. On dit dans le même sens: Tout lui paraît couleur de rose. Il n'a que des pensées couleur de rose.

Les hommes de couleur, Les mulâtres, les hommes provenant du mélange de la race blanche et de la race noire.

COULEUR en termes de Blason, se dit Des cinq couleurs, azur, gueules, sinople, sable et pourpre. Couleur sur métal. Métal sur couleur.

COULEUR se dit quelquefois en parlant D'étoffes et d'habits, pour désigner Toute autre couleur que le noir, le gris, le blanc, etc. Il ne porte plus le noir, il a pris un habit de couleur. Elle avait une robe de couleur.

Renoncer à la couleur, Ne plus porter que le noir ou d'autres couleurs peu éclatantes.

COULEURS au pluriel, se prend quelquefois pour La livrée dont on habille les pages, cochers, laquais, etc. Il a des couleurs magnifiques, des couleurs bizarres, fantasques, toutes particulières. Couleur du roi. Ce page, ce laquais n'avait pas encore les couleurs. Il est vieux: on dit aujourd'hui, Livrée.

Porter les couleurs d'une dame, Porter dans son ajustement des couleurs semblables à celle que cette dame affectionne le plus; et, figurément, Se mettre au rang de ses adorateurs. On a dit, dans une acception analogue au premier sens, Porter une écharpe aux couleurs de sa dame, etc.

COULEUR se prend aussi particulièrement pour Le teint, la couleur du visage. Bonne couleur, mauvaise couleur. Couleur vermeille. Couleur pâle, blême, morte. Couleur plombée, livide, olivâtre, brune. Il est haut en couleur. Il se porte bien, la couleur lui est revenue. Il a repris ses couleurs. Cette personne a de belles couleurs.

Fig. et fam., Reprendre couleur, Rentrer en faveur, rétablir sa fortune. Il se dit aussi quelquefois D'une personne qui, après une longue retraite, reparaît dans le monde, à la cour, etc.

COULEUR se dit également Des altérations subites qu'éprouve la couleur du visage par l'effet de quelque douleur ou de quelque émotion violente. Il entendit son arrêt sans changer de couleur. À cette nouvelle, il devint de toutes les couleurs. Elle tomba entre leurs bras, inanimée et sans couleur.

Il se dit quelquefois de La rougeur qui survient au visage par quelque cause naturelle

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