ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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en a qui n'ont point de sens, pas même celui du toucher, au moins à un degré qui nous soit sensible: il y en a qui n'ont point de sexes, d'autres qui les ont tous deux; & il ne reste de général à l'animal que ce qui lui est commun avec le végétal, c'est - à - dire, la faculté de se reproduire. C'est donc du tout ensemble qu'est composée l'idée générale; & ce tout étant composé de parties différentes, il y a nécessairement entre ces parties des degrés & des nuances. Un insecte, dans ce sens, est quelque chose de moins animal qu'un chien; une huître est encore moins animal qu'un insecte; une ortie de mer, ou un polype d'eau douce, l'est encore moins qu'une huître; & comme la nature va par nuances insensibles, nous devons trouver des animaux qui sont encore moins animaux qu'une ortie de mer ou un polype. Nos idées générales ne sont que des méthodes artificielles, que nous nous sommes formées pour rassembler une grande quantité d'objets dans le même point de vûe; & elles ont, comme les méthodes artificielles, le défaut de ne pouvoir jamais tout comprendre: elles sont de même opposées à la marche de la nature, qui se fait uniformément, insensiblement & toûjours particulierement; en sorte que c'est pour vouloir comprendre un trop grand nombre d'idées particulieres dans un seul mot, que nous n'avons plus une idée claire de ce que ce mot signifie; parce que ce mot étant reçû, on s'imagine que ce mot est une ligne qu'on peut tirer entre les productions de la nature, que tout ce qui est au - dessus de cette ligne est en effet animal, & que tout ce qui est au - dessous ne peut être que végétal; autre mot aussi général que le premier, qu'on employe de même, comme une ligne de séparation entre les corps organisés & les corps bruts. Mais ces lignes de séparation n'existent point dans la nature: il y a des êtres qui ne sont ni animaux, ni végétaux, ni minéraux, & qu'on tenteroit vainement de rapporter aux uns & aux autres. Par exemple, lorsque M. Trembley, cet auteur célebre de la découverte des animaux qui se multiplient par chacune de leurs parties détachées, coupées, ou séparées, observa pour la premiere fois le polype de la lentille d'eau, combien employa - t - il de tems pour reconnoître si ce polype étoit un animal ou une plante! & combien n'eut - il pas sur cela de doutes & d'incertitudes? C'est qu'en effet le polype de la lentille n'est peut - être ni l'un ni l'autre; & que tout ce qu'on en peut dire, c'est qu'il approcne un peu plus de l'animal que du végétal; & comme on veut absolument que tout être vivant soit un animal ou une plante, on croiroit n'avoir pas bien connu un être organisé, si on ne le rapportoit pas à l'un ou l'autre de ces noms généraux, tandis qu'il doit y avoir, & qu'il y a en effet, une grande quantité d'êtres organisés qui ne sont ni l'un ni l'autre Les corps mouvans que l'on trouve dans les liqueurs seminales, dans la chair infusée des animaux, dans les graines & les autres parties infusées des plantes, sont de cette espece: on ne peut pas dire que ce soient des animaux; on ne peut pas dire que ce soient des végétaux, & assûrément on dira encore moins que ce sont des minéraux.

On peut donc assûrer sans crainte de trop avancer, que la grande division des productions de la nature en animaux, végétaux, & minéraux, ne contient pas tous les êtres matériels: il existe, comme on vient de le voir, des corps organisés qui ne sont pas compris dans cette division. Nous avons dit que la marche de la nature se fait par des degrés nuancés, & souvent imperceptibles; aussi passe - t - elle par des nuances insensibles de l'animal au végétal: mais du végétal au minéral le passage est brusque, & cette loi de n'y aller que par nuances paroît se démentir. Cela a fait soupçonner à M. de Busson, qu'en examinant de près la nature, on viendroit à découvrir des êtres intermédiaires, des corps organisés qui sans avoir, par exemple, la puissance de se reproduire comme les animaux & les végétaux, auroient cependant une espece de vie & de mouvement: d'autres êtres qui, sans être des animaux ou des végétaux, pourroient bien entrer dans la constitution des uns & des autres; & enfin d'autres êtres qui ne seroient que le premier assemblage des molécules organiques. Voyez Molécules organiques.

Mais sans nous arrêter davantage à la définition de l'animal, qui est, comme on voit, dès - à - présent fort imparfaite, & dont l'imperfection s'appercevra dans la suite des siecles beaucoup davantage, voyons quelles lumieres on peut tirer de la comparaison des animaux & des végétaux. Nous n'aurions presque pas besoin d'avertir qu'à l'exception de quelques réflexions mises en italique, que nous avons osé disperser dans la suite de cette article, il est tout entier de l'Histoire naturelle génér. & particuliere: le ton & les choses l'indiqueront assez.

Dans la foule d'objets que nous présente ce vaste globe, (dit M. de Buffon, pag. 1.) dans le nombre infini des différentes productions, dont sa surface est couverte & peuplée, les animaux tiennent le premier rang, tant par la conformité qu'ils ont avec nous, que par la supériorité que nous leur connoissons sur les êtres végétaux ou inanimés. Les animaux ont par leurs sens, par leur forme, par leur mouvement, beaucoup plus de rapports avec les choses qui les environnent que n'en ont les végétaux. Mais il ne faut point perdre de vûe que le nombre de ces rapports varie à l'infini, qu'il est moindre dans le polype que dans l'huître, dans l'itre moindre que dans le singe; & les végétaux par leur développement, par leur figure, par leur accroissement & par leurs différentes parties, ont aussi un plus grand nombre de rapports avec les objets extérieurs, que n'en ont les minéraux ou les pierres, qui n'ont aucune sorte de vie ou de mouvement. Observez encore que rien n'empéche que ces rapports ne varent aussi, & que le nombre n'n soit plus ou moins grand; en sorte qu'on peut dire qu'il y a des minéraux oins morts que d'autres. Cependant c'est par ce plus grand nombre de rapports que l'animal est réellement au - dessus du végétal, & le végétal au - dessus du minéral. Nous - mêmes, à ne considérer que la partie matérielle de nôtre être, nous ne sommes au - dessus des animaux que par quelques rapports de plus, tels que ceux que nous donnent la langue & la main, la langue surtout. Une langue suppose une suite de pensées, & c'est par cette raison que les animaux n'ont aucune langue. Quand même on voudroit léur accorder quelque chose de semblable à nos premieres appréhensions & à nos sensations grossieres & les plus machinales, il paroît certain qu'ils sont incapables de former cette association d'idées, qui seule peut produire la réflexion, dans laquelle cependant consiste l'essence de la pensée. C'est, parce qu'ils ne peuvent joindre ensemble aucune idée, qu'ils ne pensent ni ne parlent, c'est par la même raison qu'ils n'inventent & ne perfectionnent rien. S'ils étoient doüés de la puissance de réfléchir, même au plus petit degré, ils seoient capables de quelque espece de progrès; ils acquerroient plus d'industrie; les castors d'aujourd'hui bâtiroient avec plus d'ar & de solidité que ne bâtissoient les premiers castors; l'abeille perfectionneroit encore tous les jours la cellule qu'elle habite: car si on suppose que cette cellule est aussi parfaite qu'elle peut l'être, on donne à cet insecte plus d'esprit que nous n'en avons; on lui accorde une intelligence supérieure à la nôtre, par laquelle il appercevroit tout d'un coup le dernier point de perfection auquel il doit porter son ouvrage, tandis que nous - mêmes nous ne voyons jamais clairement ce point, & qu'il nous faut beaucoup de réfle<pb->

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