ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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l'oreille les jugeoit trop durs en les rendant complets,
ne pourroit - on pas les adoucir par le retranchement
de quelques sons, pourvû qu'on laissât toûjours
subsister le sol #, qui constitue la différence
essentielle entre ces accords, & les mêmes accords
tels qu'on les employe d'ordinaire en y mettant le
sol au lieu de sol #? Ce n'est pas tout. Imaginons
cette liste d'accords, terminés tous ou par l'octave
ou la septieme majeure, & dont les trois premiers
sons forment des tierces.
ut mi sol # ut.
ut mi sol # si.
ut mi b sol si.
ut mi b sol b ut.
ut mi b sol b si.
Pourquoi ces accords, dont aucun, excepté le dernier,
ne renferme pas plus d'une ou de deux dissonances,
sont - ils proscrits de l'harmonie? Est - il bien
certain par l'expérience (car encore une fois l'expérience
est ici le grand juge) qu'aucun d'eux ne puisse
être employé en aucune occasion, en les considérant
soit en eux - mêmes, soit par rapport à ceux qui peuvent
les précéder ou les suivre? Je ne parle point d'une infinité
d'autres accords, sur lesquels je pourrois faire
une question semblable; accords qu'il est aisé de
former par des combinaisons qu'on peut varier en
un grand nombre de manieres, qui ne doivent être
ni admis, ni aussi rejettés sans épreuve, & sur lesquels
on n'en a peut - être jamais fait aucune: tels
que ceux - ci.
ut mi sol # si b.
ut mi b sol # ut.
ut mi b sol # si.
ut mi b sol # si b.
ut mi sol la b.
ut mi sol # la.
ut mi b sol # la.
ut mi sol b si.
ut mi sol b la b. &c. &c.
Il est aisé de voir qu'on peut rendre cette liste
beaucoup plus longue.
Je sens toute mon insuffisance pour décider de pareilles
questions: mais je desirerois que quelque musicien
consommé (& sur - tout, je le répete, non - prévenu d'aucun système) voulût bien s'appliquer à
l'examen que je propose. Dira - t - on que ces accords
n'ont point d'origine dans la basse fondamentale?
C'est ce qu'il faudroit examiner. Si l'accord de
sixte superflue n'en a point, pourquoi ceux - ci en
auroient - ils? & si cet accord en a, pourquoi ceux - ci
ne pourroient - ils pas en avoir? Ne pourroit - on pas
par exemple trouver une origine à l'accord ut mi sol
# ut, fondée sur ce que la corde mi doit faire résonner
sa dix - septieme majeure double octave de sol #,
& faire frémir sa dix - septme majeure en descendant,
double octave d'ut? & ainsi du reste? Quoi qu'il en
soit, & pour le dire en passant, il se présente ici une
question bien digne d'être proposée à ceux qui prétendent
expliquer la raison physique du sentiment
de l'harmonie: pourquoi l'accord ut mi sol # ut,
quoiqu'il soit proprement sans dissonances, est - il dur
à l'oreille, comme il est aisé de s'en assûrer? Par quelle
fatalité arrive - t - il que des accords, qui nous
flateroient étant séparés, nous paroissent peu agréables
étant réunis? Je l'ignore, & je crois que c'est la
meilleure réponse. Passons maintenant à quelques
autres remarques, relatives à la basse fondamentale.
La basse continue, qui forme ce qu'on appelle accompagnement, n'est proprement que le renversement
de la basse fondamentale, & contient beaucoup
d'autres accords, tous dérivés des fondamentaux:
ainsi l'accompagnement représente vraiment la basse
fondamentale, puisqu'il n'en est qu'un renversement
& pour ainsi dire une espece de modification. Mais
est - il vrai, comme le prétendent quelques musiciens,
que l'accompagnement représente le corps sonore?
La question se réduit à savoir si la basse fondamentale
représente le corps sonore. Or de tous les accords
employés dans la basse fondamentale, il n'y en a qu'un
seul qui représente vraiment le corps sonore; savoir
l'accord parfait majeur; encore ne représente - t - il
véritablement & exactement le corps sonore, que
quand cet accord contient la douzieme & la dix - septieme majeure; parce que le corps sonore ne sait
entendre que ces deux sons, sans y comprendre son
octave. Tous les autres accords, soit consonans,
soit dissonans, sont absolument l'ouvrage de l'art,
& d'autant plus l'ouvrage de l'art, qu'ils renferment
plus de dissonances. On doit donc, ce me semble,
rejetter ce principe, que l'accompagnement représente
le corps sonore, & regarder au - moins comme
douteuses des regles qu'on appuieroit sur ce seul fondement: par exemple, que dans l'accompagnement
on doit completer tous les accords, même ceux qui
renfermant le plus de dissonances, comme les accords
par supposition, seroient les plus durs à l'oreille. M.
Rameau a déduit sans doute avec vraissemblance de la
résonnance du corps sonore, les principales regles
de l'harmonie; mais la plûpart de ces regles sont
uniquement l'ouvrage de la réflexion qui a tiré de
cette résonnance des conclusions plus ou moins directes,
plus ou moins détournées, plus ou moins rigoureuses
(V. Gamme), & nullement l'ouvrage de
la nature: ainsi ce seroit parler très - incorrectement,
pour ne rien dire de plus, que de prétendre que l'accompagnement
représente le corps sonore, sur - tout
quand l'accord est chargé de dissonances. Dira - t - on
qu'il y a des corps qui en résonnant, produisent des
sons dissonans avec le principal, comme l'avance
M. Daniel Bernoulli, dans les mémoires de l'acad.
de Berlin 1753. pag. 153? En supposant même la vérité
de cette expérience, que nous n'avons point
faite, nos adversaires n'en pourroient tirer aucune
conclusion, puisque cette expérience iroit à infirmer
toute la théorie sur laquelle la basse fondamentale est
appuyée. Aussi M. Daniel Bernoulli prétend - il dans
le même endroit déjà cité, qu'on ne peut tirer de la
résonnance du corps sonore aucune théorie musicale.
Je crois cependant cette conclusion trop précipitée: car en général les corps sonores rendent très sensiblement
la douzieme & la dix - septieme, comme
M. Daniel Bernoulli en convient lui - même au même
endroit. S'il y a des exceptions à cette regle (ce
que nous n'avons pas vérisié), elles sont apparemment
fort rares, & viennent sans doute de quelque
structure particuliere des corps, qui les empêche de
pouvoir être véritablement regardés comme des
corps sonores. Le son d'une pincette, par exemple,
peut renfermer beaucoup de sons discordans: mais
aussi le son d'une pincette n'est guere un son harmonique
& musical; c'est plûtôt un bruit sourd qu'un
son. D'ailleurs M. Rameau, à l'oreille duquel on
peut bien s'en rapporter sur ce sujet, nous dit dans
la génération harmonique, p. 17. que si on frappe une
pincette, on n'y apperçoit d'abord qu'une confusion
de sons qui empêche d'en distinguer aucun; mais
que les plus aigus venant à s'éteindre insensiblement
à mesure que la résonnance diminue, alors le son le
plus pur, celui du corps total, commence à s'emparer
de l'oreille, qui distingue encore avec lui sa
douzieme & sa dix - septieme.
La question si l'accompagnement représente le corps
sonore, produit naturellement celle ci, si la mélodie
est suggérée par l'harmonie. Voici quelques réflexions
sur ce sujet.
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