ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Ainsi il résulte des deux expériences que nous venons de rapporter; 1°. qu'en frappant un seul son quelconque, ut, par exemple, on entendra en même tems sa douzieme au - dessus sol, & sa dix - septieme majeure au - dessus, mi; 2°. que les cordes la bémol & fa, qui seront à la dix - septieme majeure au - dessous d'ut, & à la douzieme au - dessous, frémiront sans résonner.

Or la douzieme est l'octave de la quinte, & la dixseptieme majeure l'est de la tierce majeure: & comme nous avons une facilité naturelle à confondre les sons avec leurs octaves (voyez Octave), il s'ensuit 1°. qu'au lieu des trois sons ut fondamental, sol douzieme, & mi dix - septieme majeure, qu'on entend en même tems, on peut substituer ceux - ci, qui n'en différeront presque pas quant à l'effet, ut, mi tierce majeure, sol quinte: ces trois sons forment l'accord qu'on nomme accord parfait majeur, & dans lequel le son ut est encore regardé comme fondamental, quoiqu'il ne le soit pas immédiatement, & qu'il ne le devienne que par une espece d'extension, en substituant à la douzieme & à la dix - septieme les octaves de ces deux sons; 2°. de même, au lieu des trois sons, ut son principal, la bémol dix - septieme majeure au - dessous d'ut, & fa douzieme au - dessous, qu'on entendroit si les cordes fa & la bémol résonnoient en totalité, on peut imaginer ceux - ci (en mettant la quinte & la tierce majeure, au lieu de la douzieme & de la dix - septieme) fa quinte au dessous d'ut, la bémol, tierce majeure au dessous, ut fondamental. Or la bémol faisant une tierce majeure avec ut, fait une tierce mineure avec fa; ce qui produit un autre accord appellé accord parfait mineur; voyez Accord & Mineur. Dans cet accord, il n'y a proprement aucun son fondamental: car fa ne fait point entendre la bémol, comme ut sait entendre mi. De plus, si on regardoit ici quelque son comme fondamental, quoiqu'improprement, ce devroit être le son le plus haut ut: car c'est ce son qui fait frémir fa & la bémol;; & c'est du frémissement de fa & de la bémol, occasionnés par la résonnance d'ut, qu'on a tiré l'accord mineur fa, la bémol, ut. Cependant comme la corde fa en résonnant fait entendre ut, quoiqu'elle ne fasse ni entendre ni frémir la bémol, on regarde le son le plus bas fa, comme fondamental dans l'accord mineur fa, la bémol, ut, comme le son le plus bas ut est fondamental dans l'accord majeur ut, mi, sol.

Telle est l'origine que M. Rameau donne à l'accord & au mode mineur; origine que nous pourrons discuter à Mode mineur, en examinant les objections qu'on lui a faites ou qu'on peut lui faire sur ce sujet, & en appreciant ces objections. Quoi qu'il en soit, il est au moins certain que dans tout accord parfait, soit majeur soit mineur, formé d'un son principal, de sa tierce majeure ou mineure, & de sa quinte, on appelle fondamental le son principal, qui est le plus grave ou le plus bas de l'accord.

Quelques physiciens ont entrepris d'expliquer ce singulier phénomene de la résonnance de la douzieme & la dix - septieme majeure conjointement avec l'octave: mais de toutes les explications qu'on en a données, il n'y en a que deux qui nous paroissent mériter qu'on en fasse mention.

La premiere est de M. Daniel Bernoulli. Ce grand géometre prétend dans les mém. de l'acad. des Sciences de Prusse, pour l'année 1753, que la vibration d'une corde est un mélange de plusieurs vibrations partielles; qu'il faut distinguer dans une corde en vibration différens points, qui sont comme des especes de noeuds ou points fixes, autour desquels oscille la partie de la corde comprise entre deux de ces points voisins l'un de l'autre: je dis comme des especes de noeuds ou points fixes; car ces points ne sont pas véritablement immobiles; ils ne le sont, ou plûtôt ils ne sont considérés comme tels, que par rapport à la partie de la corde qui oscille entre deux; & d'ailleurs ils font eux - mêmes des vibrations par rapport aux deux extrémités véritablement fixes de la corde. Or dans cette supposition, M. Daniel Bernoulli prouve que tous les points de la corde ne sont pas leurs vibrations en même tems; mais que les uns font deux vibrations, les autres trois, &c. pendant que d'autres n'en font qu'une; & c'est par - là qu'il explique la multiplicité de sons qu'on entend dans le frémissement d'une même corde: car on sait que la différence des sons vient de celles des vibrations.

Comme M. Daniel Bernoulli attaque dans ce mémoire la théorie que j'ai donnée le premier de la vibration des corps sonores, voyez l'article Corde, j'ai crû devoir répondre à ses objections par un écrit particulier, que j'espere publier dans une autre occasion: mais cette discussion n'étant point ici de mon sujet, je me borne à la question présente. J'accorde d'abord à M. Bernoulli ce que je ne crois pas, & ce que M. Euler me paroît avoir très - bien réfuté dans les mémoires de l'acad. de Berlin 1753; savoir, qu'une corde en vibration décrit toûjours ou une trochoïde simple, ou une courbe, qui n'est autre chose que le mélange de plusieurs trochoïdes. En admettant cette proposition, j'observe d'abord que dans les cas où la courbe décrite sera une trochoïde simple (ce qui peut & doit arriver souvent, & ce que M. Bernoulli semble supposer lui - même), tous les points feront leurs vibrations en même tems, & que par conséquent il n'y aura point de son multiple: or cela est contraire à l'expérience; puisque toute corde mise en vibration fait entendre plusieurs sons à - la - fois.

Je demande de plus, 1°. ce que M. Daniel Bernoulli n'a point expliqué, quelle sera la cause qui déterminera la corde vibrante à être un mélange de plusieurs trochoïdes: 2°. ce qu'il a expliqué encore moins. quelle sera la cause qui déterminera constamment ces trochoïdes à être telles qu'on entende l'octave, la douzieme, & la dix - septieme, plûtôt que tout autre son. On concevroit aisément comment la corde feroit entendre, outre le son principal, l'octave, la douzieme, & la dix - septieme, si les points de la corde qui forment les extrémités des trochoïdes partielles, étoient de véritables noeuds ou points fixes, tels que les parties de la corde comprises entre ces noeuds, fissent dans le même tems, la premiere une vibration; la seconde, deux; la troisieme, trois; la quatrieme, quatre; la cinquieme, cinq, &c. En ce cas, on pourroit regarder la corde comme composée de cinq parties différentes placées en ligne droite, immobiles chacune à leurs deux extrémités, & formant par leurs différentes longueurs cette suite ou progression, 1 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, &c. Mais l'expérience démontre que cela n'est pas ainsi. Dans une corde qui fait librement ses vibrations, on ne remarque point d'autres noeuds ou points absolument fixes, que les extrémités; & M. Bernoulli paroît admettre cette vérité.

Il est vrai qu'en regardant les noeuds comme mobiles, & en supposane d'ailleurs que la corde vibrante soit un mélange de plusieurs trochoïdes, les différens points de cette corde font leurs vibrations en différens tems. Mais il est aisé de voir que cette différence de vibrations ne peut servir à expliquer la multiplicité des sons. En effet, supposons pour plus de simplicité, & pour nous faire plus facilement entendre, que la corde vibrante forme uniquement deux trochoïdes égales, ensorte que le point de milieu de la corde soit l'extrémité commune des deux trochoïdes; nous convenons que tandis que ce point de milieu de la corde fera une vibration, le point de milieu de chaque trochoïde en fera deux: mais il est aisé de faire voir, & je l'ai démontré dans l'écrit dont

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