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Ou leurs félicités doivent être infinies.
Que vos felicités, s'il se peut, soient parfaites.
Les mots, en passant du substantif au verbe, ont
rarement la même signification. Féliciter, qu'on employe
au lieu de congratuler, ne veut pas dire rendre
heureux, il ne dit pas même se réjoüir avec quelqu'un
de sa félicité, il veut dire simplement faire compliment
sur un succes, sur un évenement agréable. Il a pris
la place de congratuler, parce qu'il est d'une prononciation
plus douce & plus sonore. Article de M.
Quoi qu'il en soit, on assûre que Lucullus, après avoir eu le bonheur dans ses premieres campagnes de conquérir l'Arménie, de remporter des victoires signalées contre Mithridate, de le chasser de son royaume, & de finir par se rendre maître de Sinope, crut à son retour à Rome devoir par reconnoissance une statue magnifique à la Félicité. Il fit donc avec le sculpteur Archésilas le marché de cette statue pour la somme de 60 mille sesterces; mais ils moururent l'un & l'autre avant que la statue fût achevée: c'est Pline qui rapporte ce fait, lib. XXXV. c. xij.
On conçoit sans peine qu'il ne convenoit pas à César d'ériger à la Félicité une simple statue, lui qui en avoit une dans Rome qui marchoit à côté de la Victoire; il falloit qu'un homme de cet ordre fît plus que Lucullus pour la déesse qui l'avoit élevé au comble de ses voeux: aussi Dion, lib. XLIV. raconte que dès que César se vit maître de la république, il forma le projet de bâtir à la Félicité un temple superbe dans la place du palais, appellée curia hostilia; mais sa mort prématurée fit encore échoüer ce dessein, & Lépide le triumvir eut l'honneur de l'exécuter.
Alors les prêtres, toûjours avides de nouveaux cultes qui augmentoient leurs richesses & leur crédit, ne manquerent pas de vanter la gloire du temple fondé par Lépide, précédemment leur souverain pontife, & d'exagérer les avantages qu'auroient
S. Augustin, dans son ouvrage de la cité de Dieu, liv. II. ch. xxiij. & liv. IV. ch. xviij. parlant de la Félicité, que les Romains n'admirent que fort tard dans leur culte, s'étonne avec raison que Romulus qui vouloit fonder le bonheur de sa ville naissante, & que Tatius, aussi - bien que Numa, entre tant de dieux & de déesses qu'ils avoient établis, eussent oublié la Félicité; & il ajoûte à ce sujet, que si Tullus Hostilius avoit connu la déesse, il ne se seroit pas avisé de s'adresser à la Peur & à la Pâleur pour en faire de nouvelles divinités, puisque quand on a la Félicité pour soi, l'on a tout, & l'on ne doit plus rien appréhender.
Mais les Payens auroient pû répondre deux choses à saint Augustin sur sa derniere remarque: 1°. que Tullus n'avoit bâti des temples à la Peur & à la Pâleur, que pour prévenir la terreur panique dans son armée, & porter l'épouvante chez les ennemis; c'est pourquoi Hésiode, dans sa description du bouclier d'Hercule, y représente Mars accompagné de la Peur & de la Crainte. 2°. L'on pouvoit répondre à S. Augustin, que les Romains pensoient qu'il étoit absolument nécessaire d'imprimer dans l'esprit des méchans la crainte d'être séverement punis, & que c'étoit par cette raison qu'ils avoient consacré des temples & des autels à la peur, à la fraude & à la discorde, &c.
Au reste, l'histoire ne nous apprend point si la
déesse Félicité avoit beaucoup de temples à Rome;
mais nous savons qu'elle se trouve souvent représentée
sur les médailles antiques, quelquefois avec
figure humaine, & le plus souvent par des symboles.
En figure humaine, c'est une femme qui tient la corne
d'abondance de la main gauche, & le caducée de
la droite. Les symboles ordinaires représentent la
Félicité sous deux cornes d'abondance qui se croisent,
& un épi qui s'éleve entre les deux. Article de M. le
Chevalier
Ajoûtons même qu'entre les différens titres qui se lisent sur les monumens antiques, celui de felix ou felicitas, est un de ceux qui s'y trouvent le plus souvent. Sylla, le barbare Sylla, que la fortune combla de ses faveurs jusqu'à la mort, quoique sa cruauté l'en eût rendu très - indigne, fut le premier des Romains qui prit le nom de felix, heureux.
Mais à qui ou à quoi dans la suite ne prodigua - ton pas faussement ce glorieux titre de felix ou de felicitas? Il fut attribue au triste tems présent, felicitas
temporis, felix temporum reparatio; au siecle infortuné,
soeculi felicitas: au sénat abattu, au peuple romain
asservi, felicitas populi romani; à Rome malheureuse,
roma felici; à l'empire consterné sous Ma<pb->
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