LE DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE
5ème Edition, 1798
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glissent, qu'elles s'échappent. L'échelle
n'avoit pas assez de pied, elle coula.
Comme il passoit par la rue, une tuile
soula d'un toit, et lui tomba sur la tête.
On dit, que La vigne coule, Quand
le raisin qui commençoit à se nouer
tombe ou se dessèche. La vigne étoit
belle, mais elle a coulé, la pluie l'a
fait couler. Les vignes ont coulé.
On le dit aussi De certains fruits,
comme des melons, des figues, etc.
Les melons ont coulé. Les figues ont
coulé.
Couler
Couler, se dit aussi figurément Du
temps qui passe. Les jours, les années,
les siècles coulent insensiblement, coulent
si vite. Le temps coule doucement.
On dit d'Une période, d'un vers,
qu'Ils coulent bien, pour dire, qu'Il ne
s'y trouve rien de rude, ni qui blesse
l'oreille.
On dit encore De tout ce qui est dit
ou écrit naturellement, d'une manière
aisée, que Cela coule de source.
Il se dit aussi De ce que quelqu'un
fait ou dit conformément à son génie,
naturellement, de l'abondance du coeur,
par un fond de capacité, de sincérité.
Il dit des choses fort consolantes à cette
personne, cela coule de source. Il parle
très--savamment, cela coule de source. Il
a fait beaucoup de charités, cela coule
de source.
On dit aussi, que Les liqueurs délicieuses,
les bons vins coulent agréablement,
pour dire, qu'On les boit avec
plaisir.
On dit, qu'Un rasoir coule bien, pour
dire, qu'Il rase doucement, légèrement,
qu'il n'est point rude.
Couler
Couler, signifie aussi en termes
de danse, Glisser doucement. Dans
cette danse--là, on ne fait que couler.
Faites deux pas, et coulez.
Et on dit aussi, Couler un pas, pour
dire, Le marquer légèrement.
On dit de même en termes de Musique,
Couler une note, plusieurs notes,
pour dire, Les passer légèrement.
On le dit aussi Des personnes qui
passent sans faire de bruit, crainte
d'être aperçues. Coulez vite le long de
cette muraille. Ces troupes coulèrent à la
faveur de la nuit, à la faveur du bois,
coulèrent le long des fossés, et entrèrent
dans la Place. Le lièvre a coulé le long
de la haie.
En ce sens, il se met aussi avec
les pronoms personnels. Je me coulai
le long de la muraille. Il se coula par
derrière la tapisserie. Il s'est coulé dans
la presse. Coulez--vous doucement parmi
les autres.
On dit d'Un homme qui dans son
discours n'a parlé d'une chose que légèrement
et en passant, qu'Il n'a fait
que couler sur ce fait, sur cette circonstance,
etc.
Couler
Couler. v. actif. Passer une chose
liquide au travers du linge, du drap,
du sable, etc. Couler du lait dans un
souloir. Couler la lessive. Couler de l'hippocras
dans une chausse. Couler un bouillon.
Couler au travers d'un linge.
On dit, Couler une glace, pour dire,
En faire couler la matière fondue, sur
une table préparée exprès. Le secret de
couler les glaces est récent.
Couler
Couler, signifie aussi figurément,
Faire glisser adroitement, mettre doucement
en quelque endroit, ou parmi
quelque chose. Il a coulé ce mot subtilement
dans la clause, ou cette clause
dans le contrat. Il en faudroit couler un
mot dans votre discours, dans votre lettre.
Il lui en a coulé deux mots à l'oreille.
En comptant de l'argent, il y coula quelques
pistoles fausses. Il coula ce billet,
cette pièce parmi les autres papiers. Il a
coulé la main dans ma poche. Il lui coula
des louis d'or dans la main.
Coulé, ée.
Coulé, ée. participe.
COULEUR
COULEUR. sub. f. Impression que
fait sur l'oeil la lumière réfléchie par
la surface des corps. Les couleurs simples.
Les couleurs composées. Couleur naturelle.
Couleur artificielle. Couleur claire.
Couleur sombre, brune, obscure. Couleur
éclatante. Couleur voyante. Couleur haute.
Couleur gaie. Couleur vive. Couleur triste,
morne. Couleur modeste, fantasque. Couleur
forte. Couleur enfoncée, chargée. Couleur
foible. Couleur fausse. Couleur légère.
Couleur rude. Couleur douce. Couleur passée,
effacée, ternie. Couleur tirant sur le
brun, sur le bleu, etc. Couleur mêlée.
Couleur changeante. Couleur fuyante. Couleur
tranchante. Couleur à la mode. Cevin
a la couleur malade. Couleur noire, blanche,
grise, rouge, verte, violette, jaune,
incarnate, isabelle. Couleur de feu, d'amarante.
Couleur amarante. Couleur de
rose. Couleur de rose sèche, de chair, aurore,
de citron, de gris--de--lin. Couleur
de musc. Couleur d'olive, de feuille morte,
de ramoneur, de ventre de biche, etc. Cette
étoffe est de telle couleur. Diversifier les
couleurs. Variété de couleurs. Mêler les
couleurs. Mélange de couleurs. Nuance de
couleurs. Assortir les couleurs. Il y a proportion
entre les couleurs. Cette étoffe n'a
pas bien pris la couleur. Teindre en couleur
de . . . Mettre en couleur. Donner la
couleur. Cette étoffe a perdu sa couleur.
On ne porte plus de cette couleur, de ces
couleurs.
On dit aussi au masculin, Le couleur
de feu, le couleur de rose, de chair, de
citron, pour dire, Ce qui a la couleur
du feu, de la rose, etc. Et après un
substantif, il s'emploie comme adjectif.
Un ruban couleur de feu, d'un très--beau couleur de feu.
On dit proverbialem. d'Un homme
qui se mêle de juger d'une chose qu'il
ne sait point, dont il n'a aucune connoissance,
qu'Il en juge, qu'il en parle
comme un aveugle des couleurs.
Couleur
Couleur, se prend quelquefois en
parlant d'Étoffes et d'habits, pour
toute autre couleur que le noir, le
gris, le blanc, etc. Il ne s'habille guère
de couleur. Il ne porte plus le noir, il a
pris un habit de couleur. Elle est en habit
de couleur. Elle a renoncé à la couleur,
c'est--à--dire, Elle ne porte plus que le
noir ou d'autres couleurs modestes.
Couleur
Couleur. Drogue dont on se sert
pour la Peinture et pour la Teinture.
Broyer les couleurs. Mêler les couleurs.
Préparer, appliquer, coucher, asseoir,
poser les couleurs. Avant que de dorer ce
lambris, il le faut mettre en couleur.
Mettre la première couleur. Bien manier,
bien employer les couleurs. Adoucir les
couleurs, Amortir les couleurs, Ranimer
les couleurs. Rehausser, relever les couleurs.
Les couleurs s'affoiblissent, se ternissent,
se passent. L'air mange les couleurs.
Mettre un plancher, du parquet,
etc. en couleur. Ce Peintre entend bien le
mélange, la fonte des couleurs.
Couleurs
Couleurs, au pluriel, se prend
quelquefois pour La livrée dont on
habille les Pages, Cochers, Laquais,
etc. Il a des couleurs magnifiques, des
couleurs bizarres, fantasques, bien particulières.
Couleur du Roi. Ce Page, ce
Laquais n'avoit pas encore les couleurs.
Il vieillit. On emploie plus ordinairement
le mot Livrée.
On appelle en Peinture Couleurs
amies, Celles qui ne se font point paroître
réciproquement dures.
Couleur
Couleur, en termes de Blason, se
dit Des cinq couleurs, azur, gueules,
sinople, sable et pourpre. Couleur sur
métal. Métal sur couleur.
Couleur
Couleur, se prend aussi particulièrement
pour Le teint. Bonne couleur,
mauvaise couleur. Couleur vermeille. Couleur
pâle, blême, morte. Couleur plombée,
livide, olivâtre, brune. Il se porte
bien, la couleur lui est revenue. Il a
repris sa couleur. Belles couleurs. Cette
personne a de belles couleurs.
Couleur
Couleur, se prend aussi pour La
rougeur qui survient au visage pour
quelque cause naturelle ou accidentelle.
Il est haut en couleur. La couleur
lui monta au visage.
On appelle Pâles couleurs, Une maladie
des jeunes filles, qui leur rend
le teint pâle et jaune.
Couleur
Couleur, se dit aussi en parlant
Des viandes qu'on rôtit, et du pain
et des pâtisseries qu'on met au four,
pour marquer la couleur que ces choses
doivent avoir quand elles sont cuites
comme il faut. Faites du feu clair, afin
que ces viandes prennent couleur, afin de
leur donner couleur. Ce pain n'a point de
couleur. Cette tourte, cette croûte n'a pas
assez de couleur. Ce rôti a bien pris
couleur.
On appelle Couleur, aux jeux des
cartes, Le pique, le trèfle, le coeur
et le carreau. De quelle couleur tourne--t--il? De quelle couleur est la triomphe?
J'ai des quatre couleurs dans mon jeu. Je
n'ai point de cette couleur. Il renonce à la
couleur.
Au jeu du Lansquenet, on dit,
Prendre couleur, pour dire, Entrer au
jeu et couper. Prenez couleur. Il a pris
couleur.
On dit figurément, Prendre couleur,
pour dire, Se décider, se déclarer.
Cette affaire commence à prendre une bonne,
une mauvaise couleur.
On dit figurément et familièrement,
Reprendre couleur, pour dire, Rentrer
en faveur, rétablir sa fortune.
On dit aussi d'Un homme qui, après
une longue retraite, reparoît dans le
monde, revient à la Cour, qu'Il a
repris couleur.
Couleur
Couleur, signifie figurément Prétexte,
apparence. Il l'a trompé sous
couleur d'amitié. Il s'est rendu maître de
l'affaire sous couleur de le servir. À cela
il n'y a ni couleur ni apparence de vérité.
Il se prend quelquefois plus étroitement pour Une raison apparente dont
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