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Cet Amour est cependant véritable, & on ne peut le confondre - avec l'amitié; car dans l'amitié, c'est l'esprit qui est l'organe du sentiment: ici ce sont les sens. Et comme les idées qui viennent par les sens, sontinfiniment plus puissantes que les vûes de la réflexion, ce qu'elles inspirent est passion. L'amitié ne va pas si loin; c'est pourtant ce que je ne voudrois pas décider; cela n'appartient qu'à ceux qui ont blanchi sur ces importantes questions.
Il n'y a pas d'amour sans estime, la raison en est claire. L'amour étant une complaisance dans l'objet aimé, & les hommes ne pouvant se défendre de trouver un prix aux choses qui leur plaisent, leur coeur en grossit le mérite; ce qui fait qu'ils se préferent les uns aux autres, parce que rien ne leur plaît tant qu'eux - mêmes.
Ainsi non - seulement on s'estime avant tout, mais on estime encore toutes les choses qu'on aime, comme la chasse, la musique, les chevaux, &c. Et ceux qui méprisent leurs propres passions, ne le font que par réflexion & par un effort de raison; car l'instinct les porte au contraire.
Par une suite naturelle du même principe, la haine rabaisse ceux qui en sont l'objet, avec le même soin que l'amour les releve. Il est impossible aux hommes de se persuader que ce qui les blesse n'ait pas quelque grand défaut, c'est un jugement confus que l'esprit porte en lui - même.
Et si la réflexion contrarie cet instinct (car il y a des qualités qu'on est convenu d'estimer, & d'autres de mépriser) alors cette contradiction ne fait qu'irriter la passion; & plû>ôt que de céder aux traits de la vérité, elle en détourne les yeux. Ainsi elle dépouille son objet de ses qualités naturelles, pour lui en donner de conformes à son intérêt dominant; ensuite elle se livre témérairement & sans scrupule à ses préventions insensees.
Ceux qui parlent de son néant véritable, soûtiendroient peut - être avec peine le mépris ouvert d'un seul homme. Le vuide des grandes passions est rempli par le grand nombre des petites: les contemp<cb->
Tout est très - abject dans les hommes, la vertu, la gloire, la vie: mais les choses les plus petites ont des proportions reconnues. Le chêne est un grand arbre près du cerisier; ainsi les hommes à l'égard les uns des autres. Quelles sont les inclinations & les vertus de ceux qui méprisent la gloire! l'ont - ils méritée?
On ne peut avoir l'ame grande, ou l'esprit un peu pénétrant, sans quelque passion pour les Lettres. Les Arts sont consacrés à peindre les traits de la belle nature; les Arts & les Sciences embrassent tout ce qu'il y a dans la pensée de noble ou d'utile; desorte qu'il ne rste à ceux qui les rejettent, que ce qui est indigne d'être peint ou enseigné. C'est très - faussement qu'ils prétendent s'arrêter à la possession des mêmes choses que les autres s'amusent à considérer. Il n'est pas vrai qu'on possede ce qu'on discerne si mal, ni qu'on estime la réalité des choses, quand on en méprise l'image: l'expérience fait voir qu'ils mentent, & la réflexion le confirme.
La plûpart des hommes honorent les Lettres, comme la religion & la vertu, c'est - à - dire, comme une chose qu'ils ne peuvent, ni connoître, ni pratiquer, ni aimer.
Personne néanmoins n'ignore que les bons Livres sont l'essence des meilleurs esprits, le précis de leurs connoissances & le fruit de leurs longues veilles: l'étude d'une vie entiere s'y peut recueillir dans quelques heures; c'est un grand secours.
Deux inconvéniens sont à craindre dans cette passion: le mauvais choix & l'excès. Quant au mauvais choix, il est probable que ceux qui s'attachent à des connoissances peu utiles ne seroient pas propres aux autres: mais l'excès peut se corriger.
Si nous étions sages, nous nous bornerions à un petit nombre de connoissances, afin de les mieux posséder: nous tâcherions de nous les rendre familieres & de les réduire en pratique; la plus longue & la plus laborieuse théorie n'éclaire qu'imparfaitement; un homme qui n'auroit jamais dansé, possederoit inutilement les regles de la danse: il en est de même des métiers d'esprit.
Je dirai bien plus: rarement l'étude est utile lorsqu'elle n'est pas accompagnée du commerce du monde. Il ne faut pas séparer ces deux choses: l'une nous apprend à penser, l'autre à agir, l'une à parler, l'autre à écrire; l'une à disposer nos actions, & l'autre à les rendre faciles. L'usage du monde nous donne encore l'avantage de penser naturellement, & l'habitude des Sciences, celui de penser profondément.
Par une suite nécessaire de ces vérités, ceux qui
sont privés de l'un & de l'autre avantage par leur
condition, étalent toute la foiblesse de l'esprit humain.
La nature ne porte - t - elle qu'au milieu des
cours & dans le sein des villes florissantes, des esprits
aimables & bienfaits? Que fait - elle pour le la<pb->
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