ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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lourde; il dormoit peu, & crioit nuit & jour; il avoit la respiration foible & fréquente, & le poux fort petit, mais réglé; il digéroit assez bien, avoit le ventre libre, & fut toûjours sans fievre.

Il mourut après deux ans de maladie; M. Littre l'ouvrit, & lui trouva le crane d'un tiers plus grand qu'il ne devoit être naturellement, de l'eau claire dans le cerveau; l'entonnoir large d'un pouce, & profond de deux; la glande pinéale cartilagineuse; la moëlle allongée, moins molle dans sa partie antérieure que le cerveau; le cervelet skirreux, ainsi que la partie postérieure de la moëlle allongée, & la moëlle de l'épine & les nerfs qui en sortent, plus petits & plus mous que de coûtume. Voyez les Mémoires de l'Académie, année 1705, pag. 57; année 1741, Hist. pag. 31; année 1709, Hist. pag. 11; & dans notre Dictionnaire les articles Cerveau, Cervelet, Moelle, Entonnoir , &c.

La nature des alimens influe tellement sur la constitution du corps, & cette constitution sur les fonctions de l'ame, que cette seule réflexion seroit bien capable d'effrayer les meres qui donnent leurs enfans à nourrir à des inconnues.

Les impressions faites sur les organes encore tendres des enfans, peuvent avoir des suites si fâcheuses, relativement aux fonctions de l'ame, que les parens doivent veiller avec soin, à ce qu'on ne leur donne aucune terreur panique, de quelque nature qu'elle soit.

Mais voici deux autres faits très - propres à démontrer les effets de l'ame sur le corps, & réciproquement les effets du corps sur l'ame. Une jeune fille que ses dispositions naturelles, ou la sévérité de l'éducation, avoit jettée dans une dévotion outrée, tomba dans une espece de mélancholie religieuse. La crainte mal raisonnée qu'on lui avoit inspirée du souverain - Etre, avoit rempli son esprit d'idées noires; & la suppression de ses regles fut une suite de la terreur & des alarmes habituelles dans lesquelles elle vivoit. L'on employa inutilement contre cet accident es emmenagogues les plus efficaces & les mieux choisis; la suppression dura; elle occasionna des effets si fâcheux, que la vie devint bientôt insupportable à la jeune malade; & elle étoit dans cet état, lorsqu'elle eut le bonheur de faire connoissance avecun Ecclésiatique d'un caractere doux & liant, & d'un esprit raisonnable, qui, partie par la douceur de sa conversation, partie par la force de ses raisons, vint à bout de bannir les frayeurs dont elle étoit obsédée, à la réconcilier avec la vie, & à lui donner des idées plus saines de la Divinité; & à peine l'esprit fut - il guéri. que la suppression cessa, que l'embonpoint revint, & que la malade joüit d'une très - bonne santé, quoique sa maniere de vivre fût exactement la même dans les deux états opposés. Mais comme l'esprit n'est pas moins sujet à des rechûtes que le corps; cette fille étant retombée dans ses premieres frayeurs superstitieuses, son corps retomba dans le même dérangement, & la maladie fut accompagnée des mêmes symptomes qu'auparavant. L'Ecclésiastique suivit, pour la tirer de - là, la même voie qu'il avoit employée; elle lui réussit, les regles reparurent, & la santé revint. Pendant quelques années, la vie de cette jeune personne fut une alternative de superstition & de maladie, de religion & de santé. Quand la superstition dominoit, les regles cessoient, & la santé disparoissoit; lorsque la religion & le bon sens reprenoient le dessus, les humeurs suivoient leur cours ordinaire, & la santé revenoit.

Un Musicien célebre, grand compositeur, fut attaqué d'une fievre qui ayant toûjours augmenté, devint continue avec des redoublemens. Le septieme jour il tomba dans un délire violent & presque continu, accompagné de cris, de larmes, de ter<cb-> reurs & d'une insomnie perpétuelle. Le troisieme jour de son délire, un de ces coups d'instinct que l'on dit qui font rechercher aux animaux malades les herbes qui leur sont propres, lui fit demander à entendre un petit concert dans sa chambre. Son Medecin n'y consentit qu'avec beaucoup de peine: cependant on lui chanta des Cantates de Bernier; dès les premiers accords qu'il entendit, son visage prit un air serein, ses yeux furent tranquilles, les convulsions cesserent absolument, il versa des larmes de plaisir, & eut alors pour la Musique une sensibilité qu'il n'avoit jamais éprouvée, & qu'il n'éprouva point depuis. Il fut sans fievre durant tout le concert; & des qu'on l'eut fini, il retomba dans son premier état. On ne manqua pas de revenir à un remede dont le succès avoit été si imprévû & si heureux. La fievre & le délire étoient toûjours suspendus pendant les concerts, & la Musique étoit devenue si nécessaire au malade, que la nuit il faisoit chanter & même danser une parente qui le veilloit, & à qui son affliction ne permettoit guere d'avoir pour son malade la complaisance qu'il en exigeoit. Une nuit entr'autres qu'il n'avoit auprès de lui que sa garde, qui ne savoit qu'un misérable vaudeville, il fut obligé de s'en contenter, & en ressentit quelques effets. Enfin dix jours de Musique le guérirent entierement, sans autre secours qu'une saignée du pié, qui fut la seconde qu'on lui fit, & qui fut suivie d'une grande évacuation. Voyez Tarentule.

M. Dodart rapporte ce fait, après l'avoir vérifié. Il ne prétend pas qu'il puisse servir d'exemple ni de regle: mais il est assez curieux de voir comment dans un homme dont la Musique étoit, pour ainsi dire, devenue l'ame par une longue & continuelle habitude, les concerts ont rendu peu à peu aux esprits leur cours naturel. Il n'y a pas d'apparence qu'un Peintre pût être guéri de même par des tableaux; la Peinture n'a pas le même pouvoir sur les esprits, & elle ne porteroit pas la même impression à l'ame.

AME des Bêtes

AME des Bêtes. (Métaph.) La question qui concerne l'ame des bêtes, étoit un sujet assez digne d'inquiéter les anciens Philosophes; il ne paroît pourtant pas qu'ils se soient fort tourmentés sur cette matiere, ni que partagés entr'eux sur tant de points différens, ils se soient fait de la nature de cette ame un prétexte de querelle. Ils ont tous donné dans l'opinion commune, que les brutes sentent & connoissent, attribuant seulement à ce principe de connoissance, plus ou moins de dignité, plus ou moins de conformité avec l'ame humaine; & peut - être, se contentant d'envelopper diversement, sous les savantes ténebres de leur style énigmatique, ce préjugé grossier, mais trop naturel aux hommes, que la matiere est capable de penser. Mais quand les Philosophes anciens ont laissé en paix certains préjugés populaires, les modernes y signalent leur hardiesse. Descartes suivi d'un parti nombreux, est le premier Philosophe qui ait osé traiter les bêtes de pures machines: car à peine Gomesius Pereira, qui le dit quelque tems avant lui, mérite - t'il qu'on parle ici de lui; puisqu'il tomba dans cette hypothèse par un pur hasard, & que selon la judicieuse réflexion de M. Bayle, il n'avoit point tiré cette opinion de ses véritables principes. Aussi ne lui fit - on l'honneur ni de la redouter, ni de la suivre, pas même de s'en souvenir; & ce qui peut arriver de plus triste à un novateur, il ne fit point de secte.

Descartes est donc le premier, que la suite de ses profondes méditations ait conduit à nier l'ame des bêtes, paradoxe auquel il a donné dans le monde une vogue extraordinaire. Il n'auroit jamais donné dans cette opinion, si la grande vérité de la distinction de l'ame & du corps, qu'il a le premier mise dans son plus grand jour, jointe au préjugé qu'on avoit

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