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Quant aux Stoïcïens, voyons la maniere dont Séneque expose leurs sentimens:
Les sentimens des quatre grandes sectes de Philosophes sont, comme on le voit, à peu près uniformes sur ce point. Ceux qui croyoient, comme Plutarque, qu'il y avoit deux principes, l'un bon & l'autre mauvais, croyoient que l'ame étoit tirée, partie de la substance de l'un, & partie de la substance de l'autre; & ce n'étoit qu'en cette circonstance seule qu'ils différoient des autres Philosophes.
Peu de tems après la naissance du Christianisme, les Philosophes étant puissamment attaqués par les écrivains chrétiens, altérerent leur philosophie & leur religion, en rendant leur philosophie plus religieuse, & leur religion plus philosophique. Parmi les rafinemens du paganisme, l'opinion qui faisoit de l'ame une partie de la substance divine, fut adoucie. Les Platoniciens la bornerent à l'ame des brutes. Toute puissance irrationnelle, dit Porphire, retourne par réfusion dans l'ame du tout. Et l'on doit remarquer que ce n'est seulement qu'alors que les Philosophes commencerent à croire réellement & sincerement le dogme des peines & des récompenses d'une autre vie. Mais les plus sages d'entre - eux n'eurent pas plûtôt abandonné l'opinion de l'ame universelle, que les Gnostiques, les Manichéens & les Priscilliens s'en emparerent: ils la transmirent aux Arabes, de qui les athées de ces derniers siecles, & notamment Spinosa, l'ont empruntée.
On demandera peut - être d'où les Grecs ont tiré cette opinion si étrange de l'ame universelle du monde; opinion aussi détestable que l'athéisme même, & que M. Bayle trouve avec raison plus absurde que le système des atomes de Démocrite & d'Epicure. On s'est imaginé qu'ils avoient tiré cette opinion d'Egypte. La nature seule de cette opinion fait suffisamment voir qu'elle n'est point Egyptienne: elle est trop rafinée, trop subtile, trop métaphysique, trop systématique: l'anciennè philosophie des Barbares (sous ce nom les Grecs entendoient les Egyptiens comme les autres nations) consistoit seulement en maximes détachées, transmises des maîtres aux disciples par la tradition, où rien ne ressentoit la spéculation,
Le caractere des premiers Grecs, disciples des Egyptiens, confirme cette vérité; savoir, que les Egyptiens ne philosophoient ni sur des hypotheses, ni d'une maniere systématique. Les premiers Sages de la Grece, conformément à l'usage des Egyptiens leurs maîtres, produisoient leur philosophie par maximes détachées & indépendantes, telle certainement qu'ils l'avoient trouvée, & qu'on la leur avoit enseignée. Dans ces anciens tems le Philosophe & le Théologien, le Législateur & le Poëte, étoient tous réunis dans la même personne: il n'y avoit ni diversité de sectes, ni succession d'écoles: toutes ces choses sont des inventions Greques, qui doivent leur naissance aux spéculations de ce peuple subtil & grand raisonneur.
Quoique l'opposition du génie de la Philosophie Egyptienne avec le dogme de l'ame universelle, soit seule suffisanre pour prouver que ce dogme n'étant point Egyptien ne peut être que Grec, nous en confirmerons la vérité en prouvant que les Grecs en furent les premiers inventeurs. Le plus beau principe de la Physique des Grecs eut deux auteurs, Démocrite & Séneque: le principe le plus vicieux de leur Métaphysique eut de même deux auteurs, Phérécide le Syrien, & Thalès le Milésien, Philosophes contemporains.
Phérécide le Syrien, dit Cicéron, fut le premier qui soûtint que les ames des hommes étoient sempiternelles; opinion que Pythagore son disciple accrédita beaucoup.
Quelques personnes, dit Diogene Laërce, prétendent que Thalès fut le premier qui soûtint que les ames des hommes étoient sempiternelles. Thalès, dit encore Plutarque, fut le premier qui enseigna que l'ame est une nature éternellement mouvante, ou se mouvant par elle - même.
On entend communément par le passage ci - dessus
de Cicéron, & par celui de Diogene Laërce, que
les Philosophes, dont il y est fait mention, sont les
premiers qui aient enseigné l'immortalité de l'ame.
Mais comment accorder ce sentiment avec ce que
dit Cicéron, ce que dit Plutarque, ce qu'ont dit tous
les Anciens, que l'immortalité de l'ame étoitune chose
que l'on avoit crue de tout tems? Homere l'enseigne,
Hérodote rapporte que les Egyptiens l'avoient enseignée
depuis les tems les plus reculés: c'est sur cette
opinion qu'étoit fondée la pratique si ancienne de
déifier les morts. Il en faut conclurre, qu'il n'est pas
question dans ces passages de la simple immortalité,
considérée comme une existence qui n'aura point de
fin, mais qu'il faut entendre une existence sans commencement,
aussi - bien que sans fin: c'est ce que signifie
le mot de sempiternelle dont se sert Cicéron. Or
l'éternité de l'ame étoit, comme nous l'avons déjà fait
voir, une conséquence qui ne pouvoit naître que du
principe qui faisoit l'ame de l'homme une partie de
Dieu, & qui par conséquent faisoit Dieu l'ame universelle
du monde. Enfin l'antiquité nous apprend
que ces deux Philosophes pensoient qu'il y avoit une
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