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En effet, le but d'une Encyclopédie est de rassembler les connoissances éparses sur la surface de la terre; d'en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, & de le transmettre aux hommes qui viendront après nous; afin que les travaux des siecles passés n'aient pas été des travaux inutiles pour les siecles qui succéderont; que nos neveux, devenant plus instruits, deviennent en même tems plus vertueux & plus heureux, & que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain.
Il eût été difficile de se proposer un objet plus étendu que celui de traiter de tout ce qui a rapport à la curiosité de l'homme, à ses devoirs, à ses besoins, & à ses plaisirs. Aussi quelques personnes accoutumées à juger de la possibilité d'une entreprise, sur le peu de ressources qu'elles apperçoivent en elles - mêmes, ont prononcé que jamais nous n'acheverions la nôtre. Voyez le Dict. de Trévoux, der<cb->
Quand on vient a considérer la matiere immense d'une Encyclopédie, la seule chose qu'on apperçoive distinctement, c'est que ce ne peut être l'ouvrage d'un seul homme. Et comment un seul homme, dans le court espace de sa vie, réussiroit - il à connoître & à développer le systeme universel de la nature & de l'art? tandis que la société savante & nombreuse des académiciens de la Crusca a employé quarante années à former son vocabulaire, & que nos académiciens françois avoient travaillé soixante ans à leur dictionnaire, avant que d'en publier la premiere édition! Cependant, qu'est - ce qu'un dictionnaire de langue? qu'est - ce qu'un vocabulaire, lorsqu'il est exécuté aussi parfaitement qu'il peut l'être? Un recueil très - exact des titres à remplir par un dictionnaire encyclopédique & raisonné.
Un seul homme, dira - t - on, est maître de tout
ce qui existe, il disposera à son gré de toutes les
richesses que les autres hommes ont accumulées. Je
ne peux convenir de ce principe; je ne crois point
qu'il soit donné à un seul homme de connoître
tout ce qui peut être connu; de faire usage de
tout ce qui est; de voir tout ce qui peut être vû;
de comprendre tout ce qui est intelligible. Quand
un dictionnaire raisonné des sciences & des arts ne
seroit qu'une combinaison méthodique de leurs élémens, je demanderois encore à qui il appartient de
faire de bons élémens; si l'exposition élémentaire
des principes fondamentaux d'une science ou d'un
art, est le coup d'essai d'un éleve, ou le chef - d'oeuvre d'un maître. Voyez l'article
Mais pour démontrer avec la derniere évidence, combien il est difficile qu'un seul homme exécute jamais un dictionnaire raisonné de la science générale, il suffit d'insister sur les seules difficultés d'un simple vocabulaire.
Un vocabulaire universel est un ouvrage dans lequel
on se propose de fixer la signification des termes
d'une langue, en définissant ceux qui peuvent
être définis, par une énumération courte, exacte,
claire & précise, ou des qualités ou des idées qu'on
y attache. Il n'y a de bonnes définitions que celles
qui rassemblent les attributs essentiels de la
chose désignée par le mot. Mais a - t - il été accordé à
tout le monde de connoître & d'exposer ces attributs?
L'art de bien définir est - il un art si commun?
Ne sommes nous pas tous, plus ou moins, dans le
cas même des enfans, qui appliquent avec une extrème
précision, une infinité de termes à la place
desquels il leur seroit absolument impossible de substituer
la vraie collection de qualités ou d'idées qu'ils
représentent? De - là, combien de difficultés imprévues,
quand il s'agit de fixer le sens des expressions
les plus communes? On éprouve à tout moment
que celles qu'on entend le moins, sont aussi celles
dont on se sert le plus. Quelle est la raison de cet
étrange phénomene? C'est que nous sommes sans cesse
dans l'occasion de prononcer qu'une chose est telle;
presque jamais dans la nécessité de déterminer ce que
c'est qu'être tel. Nos jugemens les plus fréquens tombent
sur des objets particuliers, & le grand usage
de la langue & du monde suffit pour nous diriger.
Nous ne faisons que répéter ce que nous avons en<pb->
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