ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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d'une touche facile, & d'un brillant coloris. Cet artiste ingénieux & très - instruit des Belles - Lettres, s'est encore fait honneur par ses discours académiques, & par des pieces de théatre connues seulement de ses amis dans Paris; & à la Cour, de monseigneur le Dauphin. Article de M. le Chevalier de Jau<-> court.

Ecole Hollandoise

Ecole Hollandoise, (Peinture.) Voici, ce me semble, le précis des meilleures observations qui ont été faites sur les ouvrages de cette école, plus recherchés aujourd'hui qu'ils ne l'étoient sous le siecle de Louis XIV. Ils tiennent du goût & des défauts des Flamands & des Allemands, au milieu desquels vivoient les peintres de la Hollande. On les distingue à une représentation de la nature, telle qu'on la voit avec ses défauts; à une parfaite intelligence du clairobscur; à un travail achevé; à une propreté charmante; à une exactitude singuliere; à un art admirable dans la représentation des paysages, des perspectives, des ciels, des animaux, des fleurs, des fruits, des insectes, des sujets de nuit, des vaisseaux, des machines, & autres objets qui ont rapport au Commerce & aux Arts; mais il ne faut pas chercher chez eux la beauté de l'ordonnance, de l'invention & de l'expression, qu'on trouve dans les ouvrages de France & d'Italie.

Nous voyons quantité de peintres hollandois doüés d'un génie rare pour la méchanique de leur art, & sur - tout d'un talent merveilleux, soit pour le paysage, soit pour imiter les effets du clair - obscur dans un petit espace renfermé. Ils ont l'obligation de ce talent à une présence d'esprit & à une patience singuliere, laquelle leur permet de s'attacher longtems sur un même ouvrage, sans être dégoûtés par ce dépit qui s'excite dans les hommes d'un tempérament plus vif, quand ils voyent leurs efforts avorter plusieurs fois de suite.

Ces peintres flegmatiques & laborieux ont donc la persévérance de chercher par un nombre infini de tentatives, souvent réitérées sans fruit, les teintes, les demi - teintes, enfin toutes les diminutions de couleurs nécessaires pour dégrader la couleur des objets, & ils sont ainsi parvenus à peindre la lumiere même. On est enchanté par la magie de leur clairobscur; les nuances ne sont pas mieux fondue, dans la nature que dans leurs tableaux. Mais ces peintres amufans ont assez mal réussi dans les autres parties de l'art, qui ne sont pas les moins importantes: sans invention dans leurs expressions, incapables pour l'ordinaire de s'élever au - dessus de la nature qu'ils ont devant les yeux, ils n'ont guere peint que des passions basses, ou bien une nature ignoble, & ils y ont excellé.

La scene de leurs tableaux est une boutique, un corps - de - garde, ou la cuisine d'un paysan; leurs héros sont des faquins, si je puis le dire avec l'abbé du Bos. Ceux des peintres hollandois dont je parle, qui ont fait des tableaux d'Histoire, ont peint des ouvrages admirables pour le clair - obscur, mais bien foibles pour le reste: les vêtemens de leurs personnages sont extravagans, & les expressions de ces personnages sont encore basses & comiques. Ces peintres peignent Ulysse sans finesse, Susanne sans pudeur, & Scipion sans aucun trait de noblesse ni de courage. Le pinceau de ces froids artistes fait perdre à toutes les têtes illustres leur caractere connu.

Nos Hollandois, au nombre desquels je n'ai garde de comprendre ici tous les péintres de leur nation, mais dans le nombre desquels je comprends la plûpart des peintres flamands, ont bien connu la valeur des couleurs locales, mais ils n'en ont pas sû tirer le même avantage que les peintres de l'école vénitienne. Le talent de colorier comme l'a fait le Titien, demande de l'invention, & il dépend plus d'une imagination fertile en expédiens pour le mélange des couleurs, que d'une persévérance opiniâtre à refaire dix fois la même chose. Ces réflexions de l'abbé du Bos sont très - justes: cependant la persévérance opiniâtre dans le travail, est une qualité qui a produit des morceaux admirables dans tous les tems & dans tous les lieux; c'est par elle que le Dominiquin & tant d'autres, malgré le mépris de leurs confreres, ont porté leurs ouvrages à la perfection que nous leur connoissons. Je passe au caractere particulier des principaux peintres de l'école hollandoise.

Lucas de Hollande, né à Leyden en 1494, mort en 1533, peut être regardé comme le fondateur de l'école hollandoise. La nature le doüa de génie & de grands talens, qu'il perfectionna par une si forte application au travail, qu'elle altéra sa santé, & le conduisit au tombeau à l'âge de trente - neuf ans. Lucas s'occupoit jour & nuit à la peinture & à la gravûre; il grava quantité d'estampes au burin, à l'eau - forte, & en bois: il peignit à l'huile, à goüache, & sur le verre.

Rival & ami d'Albert Durer, ils s'envoyoient réciproquement leurs ouvrages, & travailloient concurremment souvent sur les mêmes sujets, par pure émulation. Albert dessinoit mieux que Lucas, mais ce dernier mettoit plus d'accord dans ses ouvrages; & comme il les finissoit extrèmement, il a porté dans sa nation ce goût pour le fini, dont elle est toûjours éprise: elle lui doit encore la magie du clairobscur, qu'elle a si bien perfectionnée. Il ne faut pas chercher dans les ouvrages de Lucas un pinceau moëlleux, l'art des draperies, ni la correction du dessein; mais il a donné beaucoup d'expression à ses figures; ses attitudes sont naturelles, & il a choisi un bon ton de couleur. Ses desseins ont été autrefois fort recherchés, & le Roi a des tentures de tapisserie faites d'apres les desseins de ce maître.

Voenius, (Otto) ou plûtôt Octave Van - Veen, né à Leyden en 1556, mort à Bruxelles en 1634. Après avoir été élevé dans les Belles - Lettres, il s'attacha à la Peinture, & demeura sept ans en Italie pour s'y perfectionner: ensuite il se retira à Anvers, & orna les églises de cette ville de plusieurs magnifiques tableaux. On trouve dans ses ouvrages une grande incelligence du clair - obscur, un dessein correct, des draperies bien jettées, une belle expression dans ses figures, & beaucoup de graces dans ses airs de têtes. On estime particulierement son triomphe de Bacchus, & la cene qu'il peignit pour la cathédrale d'Anvers. On peut ajoûter à sa gloire, qu'il a eu Rubens pour disciple.

Poëlemburg, (Corneille) né à Utrecht en 1586, mort dans la même ville en 1660. Il fit à Rome de bonnes études d'après nature, & d'après les meilleurs ouvrages qui embellissent cette capitale. Le grand - duc de Florence, & le roi d'Angleterre Charles I. ont employé long - tems le pinceau de ce maître. Le goût de Poëlemburg le portoit à travailler en petit, & ses tableaux dans cette forme sont précieux.

Heem, (Jean - David de) né en 1604, mort à Anvers en 1674. Ce maître s'attacha particulierement à peindre des fleurs, des fruits, des vases, des instrumens de Musique, & des tapis de Turquie. Il rend ces divers objets d'une maniere si séduisante, que le premier mouvement est d'y porter la main; son coloris est frais, & sa touche d'une legereté singuliere: les insectes paroissent être animés dans ses tableaux.

Rembrant Van - Ryn, fils d'un Meûnier, né en 1606 dans un village sur le bras du Rhin, mort à Amsterdam en 1674. Cet homme rare, sans avoir fait aucune étude de l'antique, dont il se moquoit, avoit tant de goût & de génie pour la Peinture, qu'il

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