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Quoi qu'il en soit, il prétend que si on leur accordoit pour tous les dimanches la liberté du travail après midi, supposé la messe & l'instruction du matin, ce seroit une oeuvre de charité bien favorable à tant de pauvres familles, & conséquemment aux hôpitaux; le gain que feroient les sujets par cette simple permission, se monte, suivant son calcul, à plus de vingt millions par an. Or, dit - il (ibid. p. 74), quelle aumóne ne seroit - ce point qu'une aumóne annuelle de vingt millions répandue avec proportion sur les plus pauvres? N'est - ce pas là un objet digne d'un concile national qui pourroit ainsi perfectionner une ancienne regle ecclésia stique, & la rendre encore plus conforme à l'esprit de justice & de bienséance, c'est à - dire plus chrétienne dans le fond qu'elle n'est aujourd'hui? A l'égard même de ceux qui ne sont pas pauvres, il y a une considération qui porte à croire que si après la messe & les instructions du matin, ils se remectoient l'après - midi à leur travail & à leur négoce, ils n'iroient pas au cabaret dépenser, au grand préjudice de leurs familles, une partie de ce qu'ils ont gagné dans la semaine; ils ne s'enyvreroient pas, ils ne se querelleroient pas, & ils éviteroient ainsi les maux que causent l'oisiveté & la cessation d'un travail innocent, utile pour eux & pour l'état.
Si les évêques qui ont formé les premiers canons, avoient vû des cabarets & des jeux établis, s'ils avoient prévû tous les desordres que devoient causer l'oisiveté & la cessation d'occupation journaliere, ils se seroient bornés a l'audition de la messe & à l'assistance aux instructions du matin, & c.
Toute cette doctrine semble assez plausible; le mal est qu'elle paroît absolument contraire au précepte divin: septimo die cessabis (Exod. 23. 12.); difficulté qui se présente naturellement, mais que notre auteur ne s'est pas mis en devoir de résoudre. Tâchons de la lever nous - mêmes cette difficulté, en montrant la destination, le but & les motifs du repos sabbatique.
L'Ecriture dit: sex diebus operaberis, & facies omnia
opera tua. Deut. 5. 13. Sex diebus operaberis, septimo
die cessabis, ut requiescat bos & asinus tuus, & refrigeretur
filius ancilloe tuoe & advena. Exod. 23. 12.
Cette proposition est encore mieux établie par le
passage suivant, dans lequel Moyse rappelle aux
Israëlites la vraie destination du sabbat.
De ce passage si formel & si précis, d'ailleurs si conforme à ce qu'a dit le Sauveur (Marc 2. 27.), que le sabbat est fait pour l'homme, & non l'homme pour le sabbat, je conclus que l'intention du créateur, en instituant un repos de précepte, a été non - seulement de réserver un jour pour son culte, mais encore de procurer quelque délassement aux travailleurs, esclaves ou mercenaires, de peur que des maîtres barbares & impitoyables ne les fissent succomber sous le poids d'un travail trop continu.
Je conclus ensuite que le sabbat, dès - là qu'il est établi pour l'homme, ne doit pas lui devenir dommageable; qu'ainsi l'on peut manquer au précepte du repos sabbatique, lorsque la nécessité ou la grande utilité l'exige pour le bien de l'homme; qu'on peut par conséquent au jour du sabbat faire tête à l'ennemi, quicumque venerit ad nos in bello die sabbatorum, pugnemus adversus eum. 1. Mach. 2. 41. soigner son bétail, unusquisque vestrûm sabbato non solvit bovem suum ... & ducit ad aquare. Luc. 13. 15. sauver sa brebis, si ceciderit hoec sabbatis in foveam, nonne tenebit & levabit eam (ovem.) Mat. 12. 11. apprêter à manger, &c. Et je conclus encore, en vertu du même raisonnement, que l'artisan, le manouvrier qui en travaillant ne vit d'ordinaire qu'à demi, peur employer partie du dimanche à des opérations utiles, tant pour éviter le desordre & les folles dépenses, que pour être plus en état de fournir aux besoins d'une famille languissante, & d'éloigner de lui, s'il le peut, la disette & la misere; maladies trop communes en Europe, sur - tout parmi nous.
Envain nous opposeroit - on l'article du Décalogue qui ordonne de sanctifier le jour du sabbat, memento ut diem sabbati sanctifices (Exod. 20. 8.), attendu que ce qu'on a dit ci - devant sur cette matiere, n'exclut point le culte établi par l'Eglise pour la sanctification des dimanches; outre que la vraie signification des termes saint & sanctifier prise dans la langue originale, n'a peut - être jamais été bien développée. Mais sans entrer dans cette discussion, sur laquelle on pourroit dire des choses intéressantes, je crois avoir prouvé solidement qu'une des fins principales du sabbat a été le délassement, le repos & le bien - être des travailleurs; que par conséquent si la cessation des oeuvres serviles, loin de produire ces avantages, y devient en certains cas absolument contraire, ce qui n'arrive que trop à l'égard du pauvre, il convient alors de bien pénétrer le sens de la loi, & d'abandonner la lettre qui n'exprime que le repos & l'inaction, pour s'attacher constamment à l'esprit qui subordonne toûjours ce repos au vraî bien du travailleur, & qui conseille même les travaux pénibles, dès qu'ils sont nécessaires pour prévenir des ruines ou des dommages, comme il est démontré par les passages déjà cités.
Revenons à M. l'abbé de Saint - Pierre, & tenons
comme lui pour certain que si l'on permettoit aux
pauvres de travailler le dimanche après midi, arrangement
qui leur seroit très - profitable, on rentreroit
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