ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Dégradation d'un office

Dégradation d'un office on ordre civil, est lorsque quelqu'un revêtu d'un office, ordre, ou dignité, en est dépouillé avec ignominie pour ses démérites, & privé des honneurs, fonctions, & priviléges qui y sont attachés.

Cette peine a lieu lorsque l'officier a fait quelque chose contre l'honneur de sa place, ou - qu'il a prévariqué autrement.

L'usage de cette sorte de dégradation est fort ancien; on en trouve nombre d'exemples dans l'antiquité: mais il faut bien prendre garde que par le terme de dégradation les anciens n'entendoient pas la même chose que nous.

Il y avoit, par exemple, chez les Romains trois sortes de peines contre les soldats qui avoient démérité; savoir, militioe mutatio, de gradu dejectio seu regradatio, & ignominiosa missio.

La premiere de ces peines étoit lorsqu'on passoit d'un corps dans un autre, comme quand de chevalier on devenoit fantassin, ou qu'un fantassin étoit transféré dans les troupes auxiliaires de frondeurs, comme il est dit dans Ammian Marcellin, liv. XXIX. que Théodose, pour punir des chevaliers qui s'étoient revoltés, & néanmoins voulant marquer qu'il se contentoit d'une legere peine, les remit tous au dernier grade de la milice. Il y a eu beaucoup d'autres exemples dans le code Théodosien & dans celui de Justinien.

Ce qui vient d'être dit des soldats & officiers militaires, avoit aussi lieu pour les autres officiers qui étoient dans le même cas: on les transféroit pareillement d'un corps dans un autre corps inférieur.

La dégradation que les Romains appelloient de gradu dejectio, seu regradatio quasi retrogradatio, & non pas degradatio qui n'est pas latin, étoit lorsque quelqu'un perdoit le grade ou rang qu'il avoit dans sa compagnie, comme quand de tribun il étoit fait simple soldat, ex tribuno tyro fiebat; ou comme on voit dans Lampride in Alexand. Sever. qu'un sénateur qui avoit donné un mauvais avis étoit reculé à la derniere place du sénat, in ultimum rejiciebatur locum.

La dèrniere peine, qu'ils appelloient ignominiosa missio ou exauctoratio, étoit une expulsion entiere de la personne à laquelle on ôtoit toutes les marques d'honneur qu'elle pouvoit avoir.

C'est ainsi que l'on traitoit les soldas & officiers militaires qui s'étoient revoltés, ou qui avoient manqué à leur devoir: dans quelqu'autre point essentiel on leur ôtoit les marques d'honneur militaires, insignia militaria.

On en usoit de même pour les offices civils: les officiers qui s'en étoient rendus indignes étoient dégradés publiquement.

Plutarque, en la vie de Cicéron, rapporte que le préteur Lentulus complice de la conjuration de Catilina, fut degradé de son office, ayant été contraint d'ôter en plein sénat sa robe de pourpre, & d'en prendre une noire.

Sidoine Apollinaire, liv. VII. de ses épîtres, rapporte pareillement qu'un certain Arnandus qui avoit été préfet de Rome pendant cinq ans, fut dégradé, exauguratus, qu'il fut déclaré plebeïen & de famille plébeïenne, & condamné à une prison perpétuelle.

Les lois romaines, & notamment la loi judices, au code de dignit. veulent que les juges qui seront convaincus de quelque crime, soient dépouillés de leurs marques d'honneur & mis au nombre des plébeïens.

Il en est à - peu - près de même en France.

Les soldats & officiers militaires qui ont fait quelque chose contre l'honneur, sont cassés à la tête de leur corps, & dépouillés de toutes les marques d'honneur qu'ils pouvoient avoir; c'est une espece de dégradation, mais qui ne les fait pas déchoir de noblesse, à moins qu'il n'y ait eu un jugement qui l'ait prononcé.

Lorsqu'une personne constituée en dignité est condamnée à mort ou à quelque peine infamante, on lui ôte avant l'exécution les marques d'honneur dont elle est revêtue; ce fut ainsi qu'avant l'exécution du maréchal de Biron, M. le chancelier lui ôta le collier de l'ordre du S. Esprit. Il lui demanda aussi son bâton de maréchal de France, mais il lui répondit qu'il n'en avoit jamais porté.

La dégradation des officiers de justice se fait aussi publiquement.

Loiseau, dans son traité des ordres, dit avoir trouvé dans les recueils de feu son pere, qu'en l'an 1496 un nommé Chanvreux conseiller au parlement fut privé de son état pour avoir falsifié une enquête; qu'il fut en l'audience du parlement dépouillé de sa robe rouge, puis fit amende honorable au parquet & à la table de marbre.

Il rapporte aussi l'exemple de Pierre Ledet conseiller clerc au parlement, lequel, en 1528, fut par arrêt exauctoré solennellement, sa robe rouge lui fut ôtée en présence de toutes les chambres, puis il fut renvoyé au juge d'église.

On trouve encore un exemple plus récent d'un conseiller au parlement dégradé publiquement le 15 Avril 1693, pour les cas résultans du procès. Il fut amené de la conciergerie en la grand - chambre sur les neuf heures, toutes les chambres du parlement étant assemblées & les portes ouvertes; il étoit revêtu de sa robe rouge, le bonnet quarré à la main: il entendit debout la lecture de son arrêt qui le banissoit à perpétuité, ordonnoit que sa robe & autres marques de magistrature lui seroient ôtées par les huissiers de service, avec condamnation d'amende envers le roi, & réparation envers la partie. Après la lecture de l'arrêt, il remit son bonnet entre les mains d'un huissier, sa robe tomba comme d'elle - même; il sortit ensuite de la grand - chambre par le parquet des huissiers, descendit par le grand escalier, & rentra en la conciergerie. Voyez Brillon au mot Conseillers, n. 6.

Quand on veut imprimer une plus grande slétrissure à un juge que l'on dégrade, on ordonne que sa robe & sa soutane seront déchirées par la main du bourreau.

Loiseau distingue deux sortes de dégradation, suivant ce qui se pratiquoit chez les Romains; l'une, qu'il appelle verbale, & l'autre réelle & actuelle.

Il entend par dégradation verbale, la simple déposition ou destitution qui se fait d'un officier sans cause ni note d'infamie, semblable au congé que l'empereur donnoit verbalement à certains soldats, qui n'étoient pas pour cela notés d'infamie; par exemple, lorsqu'ils avoient fini leur tems ou qu'ils étoient hors d'état de servir.

La dégradation réelle, qui est la seule proprement dite dans le sens ordinaire que l'on donne parmi nous aux termes de dégradation, est celle qui est faite par forme de peine & avec ignominie. Voyez ci - devant Dégradation d'un Ecclesiastique, & ci - après Déposition, Destitution, & Loiseau, traité des ordres, ch. jx. (A)

Dégradation de noblesse

Dégradation de noblesse, est la privation de la qualité de noble, & des priviléges qui y sont attachés.

Cette dégradation a lieu de plein droit contre ceux qui sont condamnés à mort naturelle ou civile, à l'exception néanmoins de ceux qui sont condamnés à être décapités, & de ceux qui sont condamnés à mort pour simple délit militaire par un jugement du conseil de guerre, qui n'emporte point infamie.

Elle a aussi lieu lorsque le condamné est expressément déclaré déchu de la qualité & des priviléges de noblesse, ce qui arrive ordinairement lorsque le jugement condamne à quelque peine afflictive ou qui emporte infamie.

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