* Corde, s. f. ouvrage du Cordier. C'est un corps
long, flexible, résistant, rond, composé de filamens
appliqués fortement les uns contre les autres
par le tortillement. Il y a des - cordes de plusieurs especes,
qu'on distingue par leur grosseur, leur fabrication,
leurs usages & leurs matieres.
On peut faire des cordes avec le lin, le coton, le
roseau, l'écorce de tilleul, la laine, la soie, le chanvre,
&c. mais celles de chanvre sont les plus communes
de toutes; elles ont plus de force que celles de
roseau & d'écorce d'arbre, & les autres matieres ne
sont pas assez abondantes pour qu'on en pût faire
toutes les cordes dont on a besoin dans la société,
quand il seroit démontré par l'expérience que ces
cordes seroient meilleures que les autres.
Des cordes de chanvre. On fait avec le chanvre
quatre sortes de cordes; les unes qui sont composées
de brins, & qu'on ne commet qu'une fois, comme
le merlin & le bitord, voyez Bitord & Merlin;
d'autres qui sont composées de torons, & qu'on ne
commet qu'une fois, comme les aussieres à deux,
trois, quatre, cinq & six torons, voyez Aussieres
& Torons, Il y en a de composées d'aussieres, &
commises deux fois; on les appelle grelins, voyez
Grelins. On peut commettre des grelins ensemble,
& la corde qui en proviendra sera commise trois fois,
& s'appellera archigrelins, voyez Archigrelins.
Il y a encore une espece de corde plus menue par un
bout que par l'autre, qu'on appelle par cette raison
corde en queue de rat, voyez pour cette corde & pour
la fabrication des précédentes, l'article Corderie.
Si l'on fabriquoit des cordes de coton, de crin,
de brins, &c. on ne s'y prendroit pas autrement que
pour celles de chanvre; ainsi on peut rapporter à
cette main - d'oeuvre tout ce qui concerneroit celle
de ces cordes. Mais il n'en est pas de même des cordes
qu'on tire de substances animales, comme les cordes
à boyau, les cordes de nerfs, les cordes d'instrumens
de musique, &c. celles - ci demandent des préparations
& un travail particuliers: nous en allons traiter
séparément.
Des cordes à boyau, ou faites de boyaux mis en filets,
tortillés & unis avec la presle. Il y en a de deux
especes; les unes grossieres, qu'on employe soit à
fortifier, soit à mouvoir des machines: nous en
avons donné la fabrication à l'article Boyaudier,
voyez Boyaudier. Elle se réduit au lavage, premiere
opération. Ce lavage consiste à démêler à
terre les boyaux; ce qui se fait avec quelque précaution,
pour ne pas les rompre. A la seconde opération
on les jette dans un baquet d'eau claire; on
les lave réellement, & le plus qu'il est possible. A
la troisieme on les vuide dans un autre baquet; à
la quatrieme on les tire de ce baquet, & on les
gratte en les faisant passer sous un couteau qui n'est
tranchant que vers la pointe. Cette opération se fait
sur un banc plus haut que le baquet d'un bout, &
appuyé sur le baquet par le bout qui est plus bas:
à la cinquieme on coupe les boyaux grattés, par les
deux bouts & de biais, & on les jette dans une autre
eau: à la sixieme on les en tire un à un, & on les
coud avec une aiguille enfilée de filamens enlevés
de la surface du boyau. On observe, pour empêcher
la grosseur de la couture, que les biais des coupures
se trouvent en sens contraires, c'est - à - dire l'une en
dessus & l'autre en dessous. A la septieme on noue
chaque longueur à un lacet qui tient à une cheville
fixe, & l'on attache l'autre bout aux nelles du roüet,
voyez
Nelle, Rouet, Lacet
, &c. A la huitieme
on tord le boyau au roüet jusqu'à un certain point,
on en tord toûjours deux à la fois: on a des brins
de presle; on entrelace ces brins de presle entre les
deux boyaux; on les serre entre cette presle, & on
tire sur toute leur longueur la presle serrée, en les
frottant fortement. A la neuvieme on leur donne plus
de tors; on les frotte avec un frottoir; on les épluche ou l'on enleve leurs inégalités avec un couteau
ordinaire, & on leur donne le troisieme & dernier
tors. A la dixieme, on les détache des nelles; on les
attache par un autre lacet à une autre cheville; on
les laisse sécher; on les détache quand ils sont secs;
on coupe la partie de chaque bout qui a formé les
noeuds avec les lacets; on les endouzine, on les
engrossit, & la corde est faite. Il faut travailler le
boyau le plus frais qu'il est possible; le délai en été
le fait corrompre; en tout tems il lui ôte de sa qualité.
Il ne faut jamais dans cette manoeuvre employer
d'eau chaude, elle feroit crisper le boyau. Il y
a quelqu'adresse dans le travail de ces cordes, à estimer
juste leur longueur, ou ce que le boyau perdra
dans ses trois tors. On n'a jusqu'à présent fait des
cordes à boyau que de plusieurs boyaux cousus. Le
sieur Petit Boyaudier, qui a sa manufacture au Croissant rue Mou>fetard, prétend en fabriquer de bonnes
de toute longueur, & sans aucune couture. Nous
avons répeté ici la maniere de travailler le boyau,
parce qu'en consultant plusieurs ouvriers, on trouve
souvent une grande différence, tant dans la maniere
de s'exprimer que dans celle d'opérer, & qu'il
importe de tout savoir en ce genre, afin de connoître
par la comparaisonde plusieurs mains - d'oeuvres,
quelle est la plus courte & la plus parfaite. Voyez
Endouziner, Engrossir, &c.
Des cordes à boyau propres à la Lutherie. On dit
qu'il ne se fabrique de bonnes cordes d'instrumens
qu'en Italie, celles qui viennent de Rome passent
pour les meilleures; on les tire par paquets assortis,
composés de 60 bottes ou cordes, qui sont toutes
pliées en sept ou buit plis. On les distingue par numéro,
& il y en a depuis le n°. 1. jusqu'au n°. 50.
Ce petit art qui contribue tant à notre plaisir, est un
des plus inconnus: les Italiens ont leur secret, qu'ils
ne communiquent point aux étrangers. Les ouvriers
de ce pays qui prétendent y entendre quelque
chose, & qui font en effet des cordes d'instrumens,
que les frondeurs jugeront assez bonnes pour la
musique qu'on y compose, ont aussi leurs secrets
qu'ils gardent bien, sur - tout quand ils sont consultés.
Voici tout ce que nous en avons pû connoître avec
le secours de quelques personnes qui n'ont pû nous
instruire selon toute l'étendue de leur bonne volonté.
On se pourvoit de boyaux grêles de moutons,
qu'on nettoye, dégraisse, tord & seche de la maniere
qui suit. On a un baquet plein d'eau de fontaine,
on y jette les boyaux comme ils sortent du
corps de l'animal; on ne peut les garder plus d'un
jour ou deux, sans les exposer à se corrompre: au
reste cela dépend de la chaleur de la saison, le mieux
est de les nettoyer tout de suite. Pour cet effet on
les prend l'un après l'autre par un bout, de la main
droite, & on les fait glisser entre le pouce & l'index,
les serrant fortement. On les vuide de cette maniere;
& à mesure qu'ils sont vuidés, on les laisse tomber
dans l'eau nette. On leur réitere cette opération
deux fois en un jour, en observant de les agiter
dans l'eau de tems en tems pendant cet intervalle,
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the
French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et
Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the
Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division
of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic
Text Services (ETS) of the University of Chicago.
PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.