Aiguille, s. f. petit instrument d'acier trempé,
délié, poli, & ordinairement pointu par un bout, &
percé d'une ouverture longitudinale par l'autre
bout. Je dis ordinairement, & non pas, toûjours percé
& pointu; parce qu'entre les instrumens qui
portent le nom d'aiguille, & à qui on a donné ce
nom, à cause de l'usage qu'on en fait, il y en a
qui sont pointus & non percés, d'autres qui sont
percés & non pointus, & d'autres encore qui ne
sont ni pointus ni percés. De toutes les manieres
d'attacher l'un à l'autre deux corps flexibles,
celle qui se pratique avec l'aiguille est une des
plus étendues. Aussi distingue - t - on un grand nombre
d'aiguilles différentes. On a les aiguilles à coudre
ou de tailleur, les aiguilles de chirurgie, d'artillerie,
de bonnetier ou faiseur de bas au métier,
d'horloger, de cirier, de drapier, de guainier, de
perruquier, de coëffeuse, de faiseuse de coëffe à
perruque, de piqueur d'étuis, tabatieres & autres
semblables ouvrages, de sellier, d'ouvrier en soie,
de brodeur, de tapissier, de chandelier, d'embaleur,
à matelas, à empointer, à tricoter, à enfiler,
à presser, à brocher, à relier, à nater, à boussole
ou aimantée, &c. sans compter les machines
qu'on appelle du nom d'aiguille, par le rapport
de leur forme avec celle de l'aiguille à coudre.
Voyez Aiguille, Architecture.
Aiguille de tailleur ou à coudre. Cette aiguille qui
semble avoir donné son nom à toutes les autres
sortes, se fabrique de la maniere suivante. Ayez
de l'acier d'Allemagne ou de Hongrie; mais surtout
de Hongrie, car celui d'Allemagne commence
à dégénérer. Voyez l'article Acier. Faites pas<cb->
ser cet acier soit au charbon de terre, soit au
charbon de bois, selon l'endroit où vous fabriquerez.
Mettez - le chaud sous le martinet pour lui
ôter ses angles, l'étirer & l'arrondir. Lorsqu'il sera
fort étiré & qu'il ne pourra plus soûtenir le coup
du martinet, continuez de l'étirer & de l'arrondir
au marteau. Ayez une filiere à différens trous; faites
passer ce fil par un des grands trous de votre
filiere, & trifilez - le. Ce premier trifilage s'appelle
dégrossir. Quant aux machines dont on se sert pour
trifiler. Voyez les articles épinglier & trifilerie.
Après le premier trifilage oû le dégrossi, donnez un
second trifilage par un plus petit trou de votre filiere,
après avoir fait chauffer votre fil; puis un
troisieme trifilage par un troisieme trou plus petit
que le second. Continuez ainsi jusqu'à ce que votre
fil soit réduit par ces trifilages successifs au degré
de finesse qu'exige la sorte d'aiguilles que vous
voulez fabriquer. Mais observez deux choses, c'est
qu'il semble que la facilité du trifilage demande un
acier ductile & doux, & que l'usage de l'aiguille
semble demander un acier fin, & par conséquent
très - cassant. C'est à l'ouvrier à choisir entre tous les
aciers, celui où ces deux qualités sont combinées
de maniere que son fil se tire bien, & que les
aiguilles aient la pointe fine, sans être cassantes.
Mais comme il y a peu d'ouvriers en général qui
entendent assez bien leurs intérêts, pour ne rien épargner quand il s'agit de rendre leur ouvrage excellent;
il n'y a guere d'aiguilliers qui ne disent que
plus on casiera d'aiguilles, plus ils en vendront; &
qui ne les fassent de l'acier le plus fin, d'autant plus
qu'ils ont répandu le préjugé que les bonnes aiguilles
devoient casser. Les bonnes aiguilles cependant
ne doivent être ni molles ni cassantes. Graissez
votre fil de lard, à chaque trifilage, il en sera moins
revêche & plus docile à passer par les trous de la
filiere.
Lorsque l'acier est suffisamment trifilé, on le coupe
par brins à - peu - près d'égale longueur; un ouvrier
prend de ces brins autant qu'il en peut tenir les uns
contre les autres étendus & paralleles, de la main
gauche. Voyez cet ouvrier aiguillier Pl. I. fig. 1. a. II
est assis devant un banc. Ce banc est armé d'un anneau
fixe à son extrémité c. Il est échancré circulairement
à son extrémité b. L'anneau de l'extrémité
c reçoit le bout long, de la branche d'une cisaille
ou force d. A l'échancrure circulaire b, est
ajusté un seau rond; l'ouvrier tient l'autre branche
de la cisaille de la main droite a, & coupe les
brins de fil d'acier qui tombent dans le seau. Ces
bouts de fil d'acier coupés passent entre les mains
d'un second ouvrier qui les palme. Palmer les aiguilles,
c'est les prendre quatre à quatre, plus ou
moins, de la main gauche, par le bout qui doit
faire la pointe, placé entre le pouce & l'intervalle
de la troisieme & de la seconde jointure de l'index,
de les tenir divergentes, & d'en applatir sur l'enclume
l'autre bout. Ce bout fera le cul de l'aiguille.
Voyez fig. 4. un ouvrier qui palme: Voyez la
même manoeuvre, même Planche figure 16. k est la
main de l'ouvrier palmeur: l sont les aiguilles à
palmer sur l'enclumeau. On conçoit aisément que
ce petit applatissement fera de la place à la pointe
de l'instrument qui doit percer l'aiguille: mais pour
faciliter encore cette manoeuvre, on tache d'amollir.
la matiere. Pour cet effet, on passe toutes les aiguilles
palmées par le feu, on les laisse refroidir;
& un autre ouvrier tel que celui qu'on voit fig. 2.
assis devant un billot à trois piés d, prend un poinçon
à percer, l'applique sur une des faces applaties
de l'aiguille, & frappe sur le poinçon; il en fait autant
à l'autre face applatie, & l'aiguille est percée.
On voit cette manoeuvre séparée, même Planche, fi<pb->
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