ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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car le nombre n'en peut être borné; & il est aisé, & même quelquefois nécessaire d'en composer de nouveaux, lorsque l'occasion l'exige & que l'esprit humain étendant ses bornes, parvient à de nou - velles connoissances.

Je pense que dans les commencemens, le nom - bre des caracteres chinois n'excédoit pas celui des monosyllabes dont nous avons parlé ci - dessus; c'est - à - dire, qu'il n'alloit qu'à environ 328; mais ce que je ne conçois point, c'est que ces caracteres se soient multipliés à l'infini, & qu'on n'ait point imaginé de nouveaux sons pour les faire entendre à l'oreille. Il y a dans cette conduite des Chinois quelque chose d'extraordinaire & de difficile à com - prendre, car si la comparaison des caracteres chi - nois avec nos caracteres numériques est juste, on conviendra qu'il seroit impossible de faire enten - dre la valeur de ces chiffres, si l'on n'avoit point imaginé autant de mots qui les présentassent à l'o - reille, comme l'écriture les distingue aux yeux.

Dans l'origine, les caracteres chinois étoient, comme ceux des Egyptiens, autant d'images qui re - présentoient les objets mêmes qu'on vouloit expri - mer; & c'est ce qui a porté plusieurs savans hom - mes à soupçonner que les Chinois tiroient leur ori - gine des Egyptiens, ou que ces derniers venoient des premiers, & que leur écriture ne devoit point être différente. On a prétendu plus encore il y a quelques années, on a voulu insinuer qu'une par - tie des caracteres chinois étoit formée de l'assem - blage de deux ou trois lettres radicales emprun - tées de l'alphabet des Egyptiens ou de celui des Phéniciens; & que ces lettres déchiffrées & liées suivant leur valeur, soit égyptienne, soit phéni - cienne, signifioient précisément ce que ces mêmes caracteres étoient destinés à exprimer chez les Chi - nois. On voulut appuyer ce systême par l'histoire des Egyptiens & des Chinois, & on prétendit prou - ver que les noms des empereurs chinois des deux premieres dynasties Hià & Chang, écrits en carac - teres chinois, mais lus à l'égyptienne ou à la phénicienne, selon le systême dont on vient de par - ler, offroient les noms de Menès, de Thot & des autres rois d'Egypte, suivant le rang qu'ils occu - pent dans le canon d'Eratosthenes. Ce systême sem - bloit promettre de grands changemens dans l'his - toire, & ouvrir une nouvelle carriere aux chro - nologistes; mais malheureusement il est demeuré systême, & j'ose desespérer que jamais on ne pour - ra alleguer la moindre autorité qui puisse le ren - dre plausible. Ce n'est point là non plus l'idée que l'on doit se former des caracteres chinois.

A l'exception d'un certain nombre de ces carac - teres qui n'ont qu'un rapport d'institution avec les choses signifiées, tous les autres sont représentatifs des objets mêmes. Les choses incorporelles, telles que les rapports & les actions des êtres, nos idées, nos passions, nos sentimens, sont exprimées dans cette écriture d'une maniere symbolique mais éga - lement figurée, à cause des rapports sensibles que l'on remarque entre ces représentations & les qua - lités, les sentimens & les passions des êtres vivans. Les Chinois, les Egyptiens, les Mexicains & quel - ques peuples encore ont imaginé ces sortes de ca - racteres, sans pour cela qu'on puisse soupçonner qu'ils se soient copiés les uns les autres. L'embar - ras qui résultoit de cette écriture, & la difficulté de tracer avec exactitude des caracteres composés d'un grand nombre de traits irréguliers, engagea avec le tems les Chinois à assujettir tous leurs caracteres à une forme fixe & quarrée. En effet, tous les caracteres chinois sont composés des six traits primordiaux qu'on remarque à la tête des clés chinoises, & qui sont la ligne droite, la ligne perpendiculaire, la houppe ou le point, les deux lignes courbes, & une autre ligne perpendiculaire qui est terminée en bas en forme de crochet. Ces six traits différemment combinés entr'eux & répé - tés plus ou moins de fois, forment les 214 clés ou caracteres radicaux auxquels se rapportent les 80000 caracteres dont la langue chinoise est com - posée; car ces 214 caracteres radicaux sont les vé - ritables élémens de cette écriture, & il résulte de leur combinaison entr'eux, le nombre prodigieux de caracteres dont je viens de parler. On remar - quera que ces clés sont rangées selon le nombre de leurs traits. Elles commencent par les caracteres d'un seul trait, & finissent par ceux qui en ont le plus. Les Chinois observent ce même ordre dans leurs dictionnaires par clés. Les caracteres qui ap - partiennent à chacune de ces lettres radicales, se rangent à leur suite & dans l'ordre que la quan - tité de leurs traits leur donne.

Mais il est bon d'avertir qu'on ne trouveroit pas aisément le nombre des traits si l'on ne faisoit point attention au coup de pinceau qui les trace; car, par exemple, tous les quarrés, comme le 30, 31 & 44 que l'on voit dans la planche, ne sont com - posés que de trois traits, quoiqu'ils semblent en avoir quatre, parce que la ligne supérieure & celle qui lui est attachée & descend sur la droite, se fait d'un seul coup de pinceau. Au reste, comme nous avons observé de marquer le nombre des traits, il sera plus aisé de chercher le nombre donné, & on s'accoutumera ainsi en peu d'heures à les compter à la maniere des Chinois.

Voici maintenant l'explication des 214 clés chi - noises.

1. Ye, ou Y, unité, perfection, droiture.

2. * Kuen, germe qui pousse.

3. Tien tchu, point, rondeur, houppe.

4. Pie, courbure en dedans ou à droite.

5. Ye, courbure en - dehors ou à gauche, trouble.

6. Kiue, croc, arrêt.

7. Eul, deux, les choses doublées, la répétition.

8. Theou, tête élevée, opposition.

9. Gin, l'homme, & tout ce qui en dépend.

10. Gin, le soutien, l'élévation en l'air.

11. Ge, l'entrée, l'intérieur, l'union avec.

12. Pa, huit, l'égalité, la simultanéité.

13. * Kiong, la couverture entiere, comme d'un voile, d'un casque, d'un bonnet.

14. * * Mie, la couverture partiale, le sommet, le comble.

15. * * Ping, l'eau qui gele, la glace, l'hyver.

16. Ky, table, banc, appui, fermeté, totalité.

17. Khan & Kien, enfoncement, abyme, chûte, branches élevées.

18. Tao, couteau, couper, fendre.

19. Lie, force, la jonction de deux choses.

20. Pao, l'action d'embrasser, d'envelopper; de - là, canon.

21. Pi, culier, spatule, fonte d'eau, de métal.

22. Fang, tout quarré qui renferme, coffre, armoire.

23. Hi, toute boîte dont le couvercle se leve, ap - pentis, aqueduc, petit coffre à charniere.

24. Che, dix, la perfection, l'extrémité.

25. Pou, jetter les sorts, percer un rocher, une mine.

26. Tçie, l'action de tailler, graver, sceller.

27. Han, les lieux escarpés, les rochers, les antres.

28. Tçu, les choses angulaires, traversées à 3, &c.

29. * Yeou, l'action d'avoir, recevoir, de joindre & croiser l'un sur l'autre.

30. Kheoù, la bouche & tout ce qui en dépend, com - me parler, mordre, avaller, &c.

31. Yu, les enclos, jardin, royaume, entourer.

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