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Le rouleau thibetan envoyé en 1722 à feu M. l'abbé Bignon par le czar Pierre le Grand, & dont M. Fourmont l'aîné a fait la traduction, m'a servi de modele pour tracer les élémens de l'alphabet thibetan. Je ne pouvois en choisir de plus beau, il est écrit avec une élégance & une netteté admi - rables. L'arrangement de cet alphabet, ses dénomi - nations, les nombres cardinaux & le reste des re - marques qui occupent le bas de la planche sont ti - rées d'un manuscrit apporté du Thibet par un mis - sionnaire, contenant une espece de dictionnaire italien - thibetan, à la tête duquel se trouve une ins - truction sur la lecture de cette langue. J'ai encore fait usage d'une feuille volante que j'ai trouvée dans mes papiers, & qui vient à ce que je pense du P. Parrenin, jesuite, missionnaire de la Chine. Les Thi - betans écrivent comme nous de gauche à droite.
Le Thibet passe parmi les Tartares pour être le centre & le chef - lieu tant de leur religion que de leurs sciences; c'est à Lassa, où réside le souverain pontife des lamas, qu'ils vont adorer le dieu su - prême dans le temple qui lui est consacré; c'est au - près de ce chef de leur hierarchie, que les lamas de tous les royaumes voisins, vont s'instruire de leur théologie & recevoir les ordres.
Les Tartares Mantcheous, aujourd'hui maîtres de la Chine, se servent communément de ce ca - ractere qu'ils tiennent des Tartares Mogols, les uns & les autres anciennement n'écrivoient point & l'o - rigine du caractere que l'on présente ici ne remonte pas au - delà du regne de Genghizkan, empereur des Mogols.
La horde dont Genghizkan étoit le chef n'avoit point de caracteres, & ni ce prince, ni ses enfans ne savoient ni lire, ni écrire, avant son avénement à l'empire. Tayang, roi des Naimans, avoit à sa cour un seigneur igour appellé Tatatongko, qui gar - doit le sceau de ce prince, & passoit pour un ha - bile homme. Après la mort de Tayang, Tatatongko fut pris & mené à Genghizkan, qui apprit de lui
Pasepa étoit un seigneur thibetan, rempli de mé - rite, & dont les ancêtres, depuis dix siecles, avoient été les principaux ministres des rois de Thi - bet, & des autres rois des différens pays qui sont entre la Chine & la mer Caspienne. Pasepa se fit lama, & s'acquit une si grande réputation que Cou - blaikhan l'attacha à sa cour l'an 1260, & le dé - clara chef de tous les lamas. Coublaikan crut que la grandeur & la gloire de sa nation demandoient qu'elle eût des caracteres qui lui fussent propres, & comme Pasepa connoissoit non - seulement les ca - racteres chinois, mais encore ceux du Thibet appel - pellés caracteres du tangout, ceux d'igour, des In - des & de plusieurs autres pays situés à l'occident de la Chine, cet empereur le chargea de cette com - mission. Effectivement Pasepa examina avec soin l'artifice de tous ces caracteres, ce qu'ils avoient de commode & d'incommode, & en traça mille, & établit des regles pour leur prononciation & la ma - niere de les former. Coublai le récompensa de son travail par une patente de regulo, remplie de louan - ges. Malgré cela, les Tartares, accoutumés aux caracteres igours, eurent de la peine à apprendre les nouveaux, & l'empereur fut obligé de renou - veller ses ordres pour être obéi. Il y a apparence qu'après la mort de Coublai, les Tartares reprirent leurs premiers caracteres comme étant plus faciles: ce qu'il y a de certain c'est que nous ignorons au - jourd'hui quel pouvoit être cet alphabet composé de mille élémens. Il y a lieu de présumer que Pa - sepa avoit, comme dans la plûpart des alphabets indiens, lié les voyelles avec les consonnes, dont la multiplication avoit pû produire ce nombre de mille caracteres; car enfin il n'est point de peuple dont les organes puissent produire mille sons dif - férens.
Les caracteres mantcheoux sont absolument les mêmes que les caracteres igours, introduits à la cour des Mogols, du tems de Genghizkan; les Mantcheoux n'y ont ajouté que les traits & les pe - tits cercles qui marquent l'aspiration; ce qu'il y a de singulier, c'est que ces caracteres igours, mo - gols, ou mantcheoux, car on peut à présent leur donner ces différens noms, ont le même coup d'oeil que les caracteres syriaques, & que la valeur & la configuration de plusieurs de leurs élémens, sont décidemment les mêmes; aussi y a - t - il beaucoup d'apparence que les Igours, horde des Turcs orien - taux qui habitoient dans le voisinage de la Chine, où est situé aujourd'hui Turphan, les avoient em - pruntés des Syriens nestoriens qui s'étoient répan - dus jusques dans les pays les plus éloignés de la haute Asie; les Igours devinrent tous chrétiens. Ils avoient du tems de Genghizkan des évêques par - ticuliers, comme il y en avoit à la Chine, ainsi qu'on en a la preuve par le monument de Sighanfou. Les caracteres mantcheoux s'écrivent perpendiculaire - ment en commençant à la droite & finissant à la gauche, comme la plûpart des orientaux: cette fa - çon extraordinaire de tracer leurs mots perpendi - culairement, leur est venue probablement encore des Syriens, qui bien qu'ils soient dans l'habitude de lire de droite à gauche, n'ont pas laissé de tra - cer leurs caracteres perpendiculairement de haut en bas; ainsi que le dénote ce vers latin:
E coelo ad stomachum relegit chaldoea lituras.
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