ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Elle disoit cependant: Quelle sureur vous anime, Vous qui passez pour prudent?

Les vers de huit syllabes, aussi - bien que ceux de douze, sont les plus anciens vers françois, & ils sont encore fort en usage. On les emploie ordinairement dans les odes, dans les épîtres, les épigrammes, mais rarement dans les balades & les sonnets.

Ami, je vois beaucoup de bien Dans le parti qu'on me propose; Mais toutefois ne pressons rien. Prendre femme est étrange chose: Il y faut penser mûrement. Sages gens en qui je me fie, M'ont dit que c'est fait prudemment Que d'y songer toute sa vie. Maucroix.

On se sert d'ordinaire des vers communs, ou de dix syllabes dans les épîtres, les balades, les rondeaux, les contes, & rarement dans les poëmes, les odes, les élégies, les sonnets & les épigrammes. Le repos de ces vers est à la quatrieme syllabe quand elle est masculine; sinon il se fait à la cinquieme, qui doit être toujours un e muet au singulier, pour se perdre avec une voyelle suivante; mais il n'importe que le repos de ces vers, ni des vers alexandrins finisse le sens; il faut seulement que si le sens va au - delà, il continue sans interruption jusqu'à la fin du vers.

Tel d'un Séneque . . . affecte la grimace, Qui feroit bien . . . le Scaron à ma place. Scaron.

Les vers que nous appellons alexandrins sont nos plus grands vers; ils ont douze syllabes étant masculins, & treize étant féminins, avec un repos au milieu, c'est - â - dire, après les six premieres syllabes. Ce repos doit être nécessairement la fin d'un mot, ou un monosyllabe sur lequel l'oreille puisse agréablement s'arrêter. Il faut de plus qu'il se fasse sur la sixieme syllabe quand elle est masculine, ou sur la septieme quand elle est féminine; mais alors cette septieme peut être d'un e muet au singulier, pour se perdre avec une voyelle suivante. Ex.

Au diable soit le sexe . . . . il damne tout le monde. Mol. Un poëte à la cour . . . . . fut jadis à la mode. Mais des fous aujourd'hui.... c'est le plus incommode. Despreaux.

On compose les fables de toutes sortes de vers, & la Fontaine l'a bien prouvé.

Pour ce qui regarde les chansons, comme c'est l'usage de mettre une rime à toutes les cadences sensibles d'un air, on est obligé d'y employer des tronçons de vers qui ne sont point sujets à l'exactitude des regles; néanmoins on observe aujourd'hui de n'y point mettre de vers de neuf ni d'onze syllabes, s'il faut nommer cela des vers. On aime mieux employer de petits bouts rimés lorsqu'ils ont quelque grace.

Finissons par une remarque générale de l'abbé du Bos sur les vers françois. Je conviens, dit - il, qu'ils sont susceptibles de beaucoup de cadence & d'harmonie. On n'en peut guere trouver davantage dans les vers de nos poëtes modernes, que Malherbe en a mis dans les siens; mais les vers latins sont en ce genre infiniment supérieurs aux vers françois. Une preuve sans contestation de leur supériorité, c'est qu'ils touchent plus, c'est qu'ils affectent plus que les vers françois, ceux des François qui savent la langue latine. Cependant l'impression que les expressions d'une langue étrangere font sur nous, est bien plus foible que l'impression que font sur nous les expressions de notre langue naturells. Dès que les vers latins font plus d'impression sur nous que les vers françois, il s'ensuit que les vers latins sont plus parfaits & plus capables de plaire que les vers françois. Les vers latins n'ont pas naturellement le même pouvoir sur une oreille françoise qu'ils avoient sur une oreille latine; & ils ont plus de pouvoir que les vers françois n'en ont sur une oreille françoise. (D. J.)

Vers blancs,

Vers blancs, noms que les Anglois donnent aux vers non - rimés, mais pourtant composés d'un nombre déterminé de syllabes que quelques - uns de leurs poëtes ont mis à la mode; tels sont ceux - ci de Milton dans le Paradis perdu, liv. I.

. . . . Round he throws his baleful yes That witness'd huge affliction and dismay, Mix'd with obdurate pridé, and stedfast hate, At once, as far as angels ken, he views The dismal situation waste and wild, &c. où l'on voit que les finales n'ont aucun rapport de consonnance entr'elles. Les Italiens ont aussi des vers blancs, & M. de la Mothe avoit tenté de les introduire dans la poésie françoise, & d'en bannir la rime, qui s'est maintenue en possession de nos vers.

Vers enjambé

Vers enjambé. (Poésie françoise) vers dont le sens n'est point achevé, & ne finit qu'au milieu ou au commencement de l'autre; c'est en général un défaut dans la poésie françoise, parce qu'on est obligé de s'arrêter sensiblement à la fin du vers pour faire sentir la rime, & qu'il faut que la pause du sens & celle de la rime concourrent ensemble. Pour cet effet, notre poésie veut qu'on termine le sens sur un mot qui serve de rime, afin de satisfaire l'esprit & l'oreille; on trouve cependant quelquefois des exemples de vers enjambés dans les pieces dramatiques de nos plus grands poëtes; mais l'enjambement se permet dans les fables, & y peut être agréablement placé.

Quelqu'un fit mettre au cou de son chien qui mordoit Un bâton en travers: - lui se persuadoit Qu'on l'en estimoit plus, - quand un chien vieux & grave, Lui dit: on mord en traître aussi souvent qu'en brave.

La Fontaine en fournit aussi cent exemples qui plaisent, & entr'autres celui - ci:

Un astrologue un jour se laissa cheoir Au fond d'un puits. On lui dit: pauvre bête, Tandis qu'à peine à tes piés tu peux voir, Penses - tu lire au - dessus de ta tête?

Quoique ce soit une faute en général de terminer au milieu du vers le sens qui a commencé dans le vers précédent, il y a des exceptions à cette regle qui ne partent que du génie; c'est ainsi que Despreaux fait dire à celui qui l'invite à dîner, Sat. 3.

N'y manquez pas du moins, j'ai quatorze bouteilles D'un vin vieux . . . . . . Boucingo n'en a point de pareilles.

La poésie dramatique permet que la passion suspende l'hémistiche, comme quand Cléopatre dit dans Rodogune.

Où seule & sans appui contre mes attentats, Je verrois ..... mais, seigneur, vous ne m'écoutez pas.

L'exception a encore lieu dans le dialogue dramatique, lorsque celui qui parloit est coupé par quelqu'un, comme dans la même tragédie de Rodogune, elle dit à Antiochus, act. IV. sc. 1.

Est - ce un frere! Est - ce vous dont la témérité S'imagine . . . . .

Antiochus.

Appaisez ce courroux emporté.

Quand le dialogue est sur la scène, chaque récit doit finir avec un vers entier, à moins qu'il n'y ait occasion de couper celui qui parle, ou que le tronçon de vers, par où l'on finit, ne comprenne un

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