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On a comparé les tribunaux au buisson épineux, où la brebis cherche un refuge contre les loups, & d'où elle ne sort point sans y laisser une partie de sa toison. C'est aux sangsues du palais à comprendre ceci: ces mains avides ne feront - elles que tendre des lacets, tracer des lignes obliques, & fabriquer des labyrinthes? Le souverain ne sévira - t - il point contre ces sangsues altérées, qui épuisent le bien de leurs clients par des faux conseils, par des menées indirectes, & par des voies tortueuses? (D. J.)
Une superstition cruelle, aidée d'une politique barbare, autorisa pendant long - tems les jugemens clandestins de ces redoutables tribunaux, qui remplissoient l'Allemagne de délateurs, d'espions, d'assesseurs & d'exécuteurs de leurs arrêts ténébreux; les juges de Westphalie usurperent une autorité semblable à celle que s'est arrogée depuis le tribunal odieux que l'Espagne, l'Italie & le Portugal réverent encore sous le titre de saint office. Il paroît en effet que c'est sur le modele du tribunal secret de Westphalie que la cour de Rome a formé celui de l'inquisition, si favorable à ses prétentions & à l'abrutissement des peuples, & si contraire aux maximes de la vraie religion & de l'humanité.
Quoi qu'il en soit, ces deux tribunaux furent toujours également propres à anéantir la liberté des citoyens en les mettant à la merci d'une autorité secrette qui punissoit des crimes qu'il fut toujours facile d'imputer à tous ceux qu'on voulut perdre. En effet, le tribunal secret connoissoit également de tous les crimes & même de tous les péchés, puisqu'à la liste des cas qui étoient spécialement de sa compétence on joignoit toutes les trangressions du décalogue & des lois de l'Eglise, la violation du carême, &c. Son autorité s'étendoit sur tous les ordres de l'état; les électeurs, les princes, les évêques mêmes y furent soumis, & ne pouvoient en être exemptés que par le pape & l'empereur. Par la suite néanmoins les ecclésiastiques & les femmes furent soustraits de sa jurisdiction; cet établissement fut protégé par les empereurs, à qui il fut, sans doute, utile pour perdre ceux qui avoient le malheur de leur déplaire. L'empereur Sigismond y présida une fois, il fut alors garni de mille assesseurs ou échevins; Charles IV. en sut tirer un très - grand parti, & les bourreaux du tribunal secret eussent empêché la déposition de l'affreux Wenceslas, s'il ne les eût indisposés en divulgant leur secret. La superstition ne sert les tyrans que lorsqu'ils consentent à lui être fideles.
Pour se faire une idée de ce tribunal, il suffit de voir ce qu'en a dit AEneas Sylvius en parlant de ceux qui le composoient de son tems, il dit qu'ils ont (seeretos ritus) & arcana quoedam instituta, quibus malefactores judicent, & nondum repertus est qui vel pretio vel metu revelaverit; ipsorum quoque scabinorum major pars occulta est, qui per provincias discurrentes, criminosos notant, & inferentes judicio accusant, probantque,
Au mépris de toutes les formes judiciaires, on
condamnoit souvent l'accusé sans le citer, sans l'entendre,
sans le convaincre; un homme absent étoit
légalement pendu ou assassiné sans qu'on sût le motif
de sa mort, ni ceux qui en étoient les auteurs. Un tribunal si détestable, sujet à des abus si crians, & si
contraires à toute raison & à toute justice, subsista
pourtant pendant plusieurs siecles en Allemagne. Cependant il fut réformé à plusieurs reprises par quelques
empereurs qui rougirent des horreurs qu'on
commettoit en leur nom; & enfin il fut entierement
aboli par l'empereur Maximilien I. en 1512; & on
l'appella depuis le tribunal défendu de Westphalie, &
il n'en fut plus question dans l'empire. Il faut espérer
que les progrès de la raison, qui tend toujours à rendre
les hommes plus humains, feront abolir de même
ces institutions odieuses & tyranniques, qui sous
le faux prétexte des intérêts de la divinité, permettent
à quelques hommes d'exercer la tyrannie la plus
cruelle sur les êtres qu'elle a créés à son image; quelles
que soient leurs opinions, un chrétien doit de l'indulgence
à ses semblables; s'ils sont vraiment criminels,
ils doivent être punis suivant les lois de la justice
& de la raison. Ce tribunal se trouve désigné
dans les historiens & dans les écrivains sur le droit
public germanique, sous le nom de Judicium occultum
Westphalicum, de Vemium, Wemium ou Wehem Gericht en allemand. Ce que quelques - uns dérivent du
latin voemihi; & d'autres du mot saxon vehmen, qui
signifie proscrire, bannir, condamner, ou de verfaymer,
diffamer, noter d'infamie, &c. Voyez
Ce tribunal Westphalien, comme on a dit, fut établi par Charlemagne de concert avec le pape Léon
III. Quelques auteurs ont rapporté les circonstances
suivantes de sa fondation; cependant il y a des auteurs
qui les regardent comme fabuleuses. Quoi qu'il
en soit, voici ce qui en est dit à la page 624 du tome
III. scriptorum Brunswic. publié par M. de Leibnitz.
Ut fertur, misit rex (Carolus M.) legatum Romam ad
Leonem papam, pro concilio habendo de rebellibus istis
(Saxonibus), quos nullâ poterat diligentiâ ex toto compescere
aut exterminare. Ast sanctus vir, auditâ legatione,
nihil prorsus respondit; sed surgens ad hortulum
ivit, & zizania cum tribulis colligens, supra patibulum
quod de virgulis fecerat, suspendit. Rediens autem legatus
hoec Carolo nunciavit, qui mox jus vetitum instituit,
quod usque in proesens veniae vel vemiae vocatur.
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