ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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vant de ne point faire baisser de lisse de rabat, attendu que si ces lisses baissoient, elles feroient baisser la moitié du lac tiré, & ne produiroient pas plus d'effet que si on ne tiroit point de lac, ou que l'on passât ce lizeré sur la premiere marche sans tirer. On a déja dit que le lizeré est une figure qui se fait par la trame de la seconde navette, lorsqu'il n'y en a qu'un, ce qui fait qu'outre la navette du coup de fond, il en faut d'autres autant qu'il y a de lizerés. Par exemple, on passe un lizeré, cerise, rose vif & rose pâle dans des étoffes disposées pour de semblables couleurs, de même que des gros bleus, bleu vif & bleu pâle dans d'autres, des violets foncés, des lilas & des gris - de - lin dans d'autres, &c. & toujours deux ou trois couleurs en dégradation; c'est la façon de tous les gros - de - tours lizerés en général. Tous les gros - de - tours sont montés ordinairement avec quatre lisses de fond, quatre de rabat & quatre de liage, ce qui fait douze lisses. Ils travaillent ou sont travaillés avec deux marches de fond & deux de lizerés, les deux, un ou trois lizerés se passant sur la même marche, ce qui compose quatre marches & quatre de liage qui font huit.

Le gros - de - tours dont est question, est monté avec six lisses seulement, au lieu de douze, & quatre marches au lieu de huit. Les quatre lisses de rabat sont supprimées, ce qui ne pourroit se faire suivant la méthode ordinaire, attendu que les quatre lisses de rabat ne sont disposées uniquement que pour séparer les fils qui se lient avec ceux qui levent ou qui s'y trouvent attachées par quelques tenues, terme usité, lorsque deux fils ou trois se trouvent liés par quelque petite bourre de soie ou autre du remisse ou du corps; les fils qui ne levent pas, sont si aisés à suivre ceux qui levent, lorsqu'il n'y a point de rabat au premier coup, que lorsque l'ouvrier foule la marche pour passer le coup de fond, il est sensible que la moitié des fils qui levent, supportant toute l'extension de la chaîne, ceux qui ne levent pas, sont toujours moins tendus, ou tirant, ce qui est le terme, & par conséquent sont plus aisés ou faciles à suivre ceux qui levent, pour peu qu'une légere bourre les unisse: ce qui n'arrive pas lorsqu'ils sont rabattus par les deux lisses qui baissent, parce qu'elles détachent la tenue, laquelle cessant d'unir les fils, donne lieu de passer ensuite le lizeré sans aucune difficulté ni tenue, sur la seconde marche qui leve les mêmes lisses.

Il faut bien faire attention que dans toutes les étoffes de gros - de - tours & taffetas, on ne doit faire lever qu'un fil, & baisser l'autre successivement, ce qui fait qu'ordinairement on fait lever la premiere & la troisieme lisse pour un coup, & la seconde & la quatrieme pour l'autre, attendu que si on faisoit lever la premiere & la deuxieme, il arriveroit que les deux fils qui leveroient, & les deux qui baisseroient, se trouvant ensemble, chaque fil surtout étant double, ils feroient une ouverture qui ne cacheroit pas la trame, & rendroient l'étoffe défectueuse.

Pour éviter les quatre lisses de rabat, on a monté le métier avec des maillons à six trous, quatre desquels sont disposés pour passer les quatre fils doubles qui sont passés dans les maillons ordinaires, ce qui tient chaque fil séparé, & empêche les tenues qui pourroient se faire entre le corps & le remisse qui en est près; les deux autres trous sont disposés l'un enhaut, pour y attacher la maille du corps qui tient à l'arcade, & celui d'en - bas pour y passer le fil ou la maille à laquelle est attachée l'aiguille qui fait baisser le maillon, & tient tout le cordage en regle; chaque fil étant séparé devant & derriere le corps, il n'est pas possible qu'il puisse passer une tenue ni entorsure dans le maillon, comme il arrive en tous les autres métiers.

Outre la suppression des quatre lisses de rabat, on évite encore les deux marches destinées à passer le lizeré, parce que tout se passe sur la même marche, ce qui est une facilité pour le travail ou pour l'ouvrier. Voilà donc quatre lisses & deux marches de moins d'un côté.

A l'égard du liage, au lieu de quatre lisses il n'y en a que deux; on ne sauroit en mettre moins.

Toutes les étoffes riches qui se fabriquent aujourd'hui à Lyon, sont composées de laine, or, argent, lié, du frisé lié de même, & d'un glacé sans liage, qui est un or ou un argent lis broché à deux bouts; toutes les nuances sont sans liage, pour qu'elles imitent la broderie.

Pour que la lame sorte mieux dans l'étoffe, on la lie par un liage droit, c'est - à - dire, que l'on fait baisser la même lisse, ce qui augmente encore de deux marches de plus, outre les quatre qui servent à lier le frisé; dans le métier on a supprimé les quatre marches de liage, & on n'a mis que deux lisses pour lier; ces deux lisses prennent le quinzieme & le seizieme fil, & comme les deux fils se joignent, ils paroissent n'en composer qu'un. Quant au frisé, comme le grain de cette espece de dorure enterre le liage, il paroît tout aussi beau, même plus, que s'il étoit lié avec les quatre lisses ordinaires.

Suivant cette disposition on supprime deux lisses de liage, même quatre, lorsqu'on veut lier la lame avec un liage droit; à observer encore qu'on ne sauroit mettre un liage droit dans une étoffe de cette espece qu'en ajoutant un poil, parce que la même lisse dans un gros - de - tours sans poil ne sauroit lier la lame qu'elle ne coupât tous les deux coups, attendu qu'il s'en trouveroit nécessairement un où le fil destiné à lier, auroit levé au coup de fond, ce qui causeroit une contrariété qui couperoit ou sépareroit le broché, comme on l'a déjà dit; on peut voir là - dessus l'article des gros - de - tours broché, & examiner pourquoi le liage doit être de quatre le cinq, & dans les taffetas de trois le quatre.

Le gros - de - tours est le seul qu'il y ait à Lyon monté de même; il est évident par la façon dont il est disposé, que l'étoffe doit se faire mieux & plus vîte, attendu que plus il y a d'embarras, soit par la quantité de lisses, soit par la quantité de marches, plus il se casse de cordages ou d'estrivieres, même plus de fils.

Damas à l'imitation de ceux de Gènes. Dans l'article concernant la façon dont les Génois fabriquent les damas pour meubles, l'on y a inséré qu'ils en faisoient de cent vingt portées, dont la lisiere, qu'ils appellent cimossa, formoit un parfait gros - de - tours, & que de dix mille fabriquans qui se trouvoient à Lyon, peut - être pourroit - on en trouver dix qui fussent en état de rendre compte de quelle façon cette lisiere étoit montée pour former le gros - de - tours dont est question, c'est ce que l'on va démontrer.

C'est un fait certain que tout les damas qui se fabriquent à Lyon sont montés sur cinq lisses de levée & cinq de rabat. La chaîne de ces damas est fixée par les réglemens anciens & nouveaux à 90 portées pour les damas meubles, il s'en fait quelques - uns de 100 portées; il y en a aussi de 75 portées toujours dans la même largeur. Or comme il est physiquement impossible de faire une lisiere gros - de - tours ou taffetas avec cinq lisses, les Génois pour parvenir à ce point, qui paroît si difficile, ont imaginé de faire des damas de 120 portées avec 8 lisses, & de passer les cordons & les cordelines de façon qu'il s'en trouve toujours la moitié levée, & l'autre baissée à chaque coup de navette que l'on passe, de façon qu'il se trouve continuellement deux coups sous le même pas, attendu qu'il faut dans tous les damas passer deux coups régulierement de la même navette, c'est - à - dire, aller & venir sous le même lac tiré.

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