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Le superlatif latin, comme sanctissimus, maximus, facillimus, pulcherrimus, peut bien être employé dans une phrase comparative, mais il n'exprime pas plus la comparaison que la forme positive ne l'exprime elle - même. Sanctius en a donné jusqu'à quatorze preuves dans sa Minerve II. xj. sans rechercher à quoi l'on peut s'en tenir sur la juste valeur de toutes ces preuves, je me contenterai d'en indiquer deux ici.
La premiere, c'est que l'on trouve des exemples où l'adjectif est au positif, quoique la phrase énonce une comparaison, comme quand Tite - Live dit (lib. XXXVI.), inter coeteras pugna fuit insignis, & Virgile (AEn. IV.), sequimur te, sancte deorum, quisquis es, de la même maniere que Pline (lib. XIII.) dit, inter omnes potentissimus odor, & (lib. IX.) velocissimus omnium animalium. . . est delphinus, en employant le superlatif au lieu du positif. En effet, puisqu'il faut convenir que la comparaison doit être marquée par quelque préposition, dans les phrases où l'adjectif est au positif, & nullement par l'adjectif même, pourquoi ne donneroit - on pas la même fonction aux mêmes prépositions, dans des phrases toutes semblables où l'adjectif est au superlatif? La préposition inter marque également la comparaison, quand on dit, inter coeteras pugna insignis, & inter omnes potentissimus odor: pareillement sancte deorum veut dire sans doute sancte (in numero ou suprà coeteram turbam) deorum; & velocissimus omnium animalium signifie de même velocissimus (in numero ou suprà coeteram turbam) omnium animalium.
Perizonius croit (Minerv. Il. xj. not. 2.), que cet argument ne prouve rien du tout, par la raison que les positifs se construisent aussi de la même maniere que les comparatifs avec la préposition proe, qui exprime directement la comparaison; c'est ainsi, dit il, que nous lisons dans Cicéron, tu beatus proe nobis; or de cette ressemblance de construction, Sanctius ne conclura pas que l'adjectif comparatif n'exprime pas une comparaison, & par conséquent il n'est pas mieux fondé à le conclure à l'égard du superlatif.
Je ne sais ce que Sanctius auroit répondu à cette objection; mais pour moi, je prétends que l'on peut également dire du comparatif & du superlatif, qu'ils n'expriment par eux - mêmes aucune comparaison, & cela pour les raisons pareilles qui viennent d'être alléguées. S'il est aussi impossible avec l'un qu'avec l'autre d'analyser uue phrase comparative, sans y introduire une préposition qui énonce la comparaison; il est également nécessaire d'en conclure que ni l'un
Mais Perizonius se déclare contre cette conclusion de la maniere la plus forte: ferre vix possum quod auctor censet, vim comparationis esse in proepositionibus, non in nominibus. (not. 12 in Minerv. IV. vj.) A quoi serviroit donc, ajoute - t - il, la formation du comparatif, & que signifieroit doctior, s'il ne marque pas directement & par lui - même la comparaison? Voici ce que je réponds. Dans toute comparaison il faut distinguer l'acte de l'esprit qui compare, & le rapport que cette comparaison lui fait appercevoir entre les êtres comparés: il y a en effet la même différence entre la comparaison & le rapport, qu'entre le télescope & les taches qu'il me montre sur le disque du soleil ou de la lune; la comparaison que je fais de deux êtres est à moi, c'est un acte propre de mon esprit; le rapport que je découvre entre ces êtres par la comparaison que j'en fais, est dans ces êtres mêmes; il y étoit avant ma comparaison & indépendamment de cette comparaison, qui sert à l'y découvrir & non à l'y établir; comme le télescope montre les taches de la lune, sans les y mettre; cela posé, je dis que la préposition proe, qui semble plus particulierement attachée à l'adjectif comparatif, exprime en effet l'acte de l'esprit qui compare, en un mot, la comparaison; au lieu que l'adjectif que l'on nomme comparatif, exprime le rapport de supériorité de l'un des termes comparés sur l'autre, & non la comparaison même, qui en est fort différente.
J'avoue néanmoins que tout rapport énoncé, &
conséquemment connu, suppose nécessairement une
comparaison déjà faite des deux termes. C'est pour
cela 1°. que l'on a pu appeller comparatifs les adjectifs
doctior, pulchrior, major, pejor, minor, &c. parce
que s'ils n'expriment pas par eux - mêmes la comparaison,
ils la supposent nécessairement. C'est pour
cela 2°. que l'usage de la langue latine a pu autoriser
l'ellipse de la préposition vraiment comparative proe,
suffisamment indiquée par le rapport énoncé dans
l'adjectif comparatif. Mais ce que l'énergie supprime
dans la phrase usuelle, la raison exige qu'on le rétablisse
dans la construction analytique qui doit tout
exprimer. Ainsi ocior ventis (Hor.) signifie analytiquement
ocior proe ventis (plus vite en comparaison
des vents) ce que nous rendons par cette phrase,
plus vite que les vents. De même si vicinus tuus meliorem
equum habet quàm tuus est (Cic.), doit s'analyser
ainsi, si vicinus tuus habet equum meliorem proe eâ latione
secundùm quam rationem tuus equus est bonus. Ego
callidiorem hominem quàm Parmenonem vidi neminem
(Ter.), c'est - à - dire, ego vidi neminem hominem callidiorem
proe eâ ratione secundùm quàm rationem vidi
Parmenonem callidum. Similior sum patri quàm matri
(Minerv. II. x.), c'est - à - dire, sum similior patri proe
eâ ratione secundùm quam rationem sum similis matri.
Major sum quàm cui possit fortuna nocere (Ovid.),
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